EXAGERE RIVISTA - Luglio - Agosto - Settembre 2024, n. 7-8-9 anno IX - ISSN 2531-7334

Daimôn et divans : quelle voix guide la psychanalyse ?

de Thémélis Diamantis

(versione italiana in fondo)

Le hasard, c’est le purgatoire de la causalité (Jean Baudrillard).

Please allow me to introduce myself

I’m a man of wealth and taste (…)

Pleased to meet you

Hope you guess my name

But what’s puzzling you

Is the nature of my game (The Rolling Stones, “Sympathy for the Devil”).

J’ai passé une partie de mon enfance à lire avec assiduité et bonheur « Les aventures de Tintin ». Parmi les cases qui venaient régulièrement titiller ma curiosité figuraient celles représentant Milou ou le Capitaine Haddock, en plein dilemme, un double angélique d’eux-mêmes sur une épaule et un autre démoniaque sur l’autre. Le premier invitait le personnage à adopter un comportement responsable ou moral (reposer la bouteille de whisky ou poursuivre sa mission), le second, tout au contraire, l’encourageait à s’adonner à un plaisir immédiat (s’abandonner à ses penchants alcooliques ou manger son os), particulièrement malvenu à cet instant de l’intrigue. Soutenu par l’image que j’avais sous les yeux, ma lecture en était forcément manichéenne : le bien s’oppose au mal, la vertu au vice, le devoir au plaisir. Je me contentais d’espérer que le Capitaine et Milou choisiraient d’écouter la voix de la figure angélique et pas l’autre. Un point pourtant, à l’époque déjà, soulevait en moi une vague de perplexité : ces figures angéliques et démoniaques semblaient surgies du dehors du personnage (comme si elles étaient venues se loger sur son épaule) autant qu’elles se présentaient comme un double de celui-ci, une manifestation intérieure à son être, à sa singularité identitaire ou psychique (puisqu’elles ont ses traits). J’en restais interloqué : un tiers parlant s’adressait-il réellement à Haddock et à Milou ? Et si oui, parlait-il depuis l’extérieur ou l’intérieur du personnage ? Derrière la question du sens et de la pertinence des conseils donnés, se posait celle, plus grande encore, de la voix qui les produisait et du statut de cet étrange locuteur. Un « qui parle ? » derrière un « que dit-il ? ». Définir l’identité de cette voix constituera l’enjeu des lignes à venir.

Peut-on entendre des voix sans être fou ou a minima altéré dans son discernement ? Conformément à une nosographie psychiatrique établie, ces « voix » ne seraient-elles pas, parmi d’autres hypothèses, une manifestation des délires et des hallucinations dont peuvent souffrir des patients schizophrènes, un symptôme attestant de la présence d’un trouble bipolaire ou la possible conséquence d’un traumatisme précoce? Il faudrait alors s’en détourner ou tenter de les faire taire. Mais peut-on entendre ces voix d’une oreille plus favorable ? Moins normative, aussi ?

Il m’a bien fallu quelques années pour sortir d’une lecture binaire (dedans/dehors ; bien/mal ; réel/imaginaire) de tels phénomènes. Mes compatriotes de la lointaine Antiquité, et leur notion de Daimôn (δαίμων), aussi bien que ma fréquentation personnelle et professionnelle de ce que Freud qualifie d’inconscient, m’ont beaucoup aidé en cela.

Aujourd’hui, quand j’y repense, je dirais que les figures angéliques et démoniaques qui parlent à l’oreille de Haddock et de Milou, dessinent ensemble (et non l’une contre l’autre), à l’intention du personnage auquel elles s’adressent, les contours et les possibilités d’un choix reposant pour lui sur des paramètres internes autant qu’externes. Un peu d’histoire avant de développer ce qui précède.

Le Daimôn des Grecs des temps antiques possédait autant de visages différents…qu’il n’en avait aucun. Il était essentiellement une voix venant parler aux hommes pour leur insuffler des pensées, bonnes ou mauvaises, les orientant vers des choix qui leur seront favorables ou défavorables. Comme les paroles de la Pythie d’Apollon à Delphes, la voix du Daimôn confronte ainsi les hommes à la volonté des dieux comme à leur liberté propre. L’exemple de Crésus, Roi de Lydie, est resté célèbre : d’avoir entendu la Pythie lui annoncer qu’en faisant la guerre aux Perses, un grand empire serait détruit, il perdit ses batailles et son empire…La parole du Daimôn doit donc être interprétée ; elle doit être également rapportée, quand la chose est possible, à son énonciateur, la voix daïmonique pouvant en effet être celle d’un dieu défini – de genre masculin ou féminin (Apollon, Zeus ou Aphrodite dans l’Iliade) – ou d’un dieu inconnu, sorte de locuteur invisible et non-identifié.

Dans ce paradigme général, les hommes sont immanquablement soumis au Daimôn ; ils le subissent car il les dépasse. Il relèverait, diraient les Stoïciens, du Grand Logos, auquel la sagesse commande de se conformer car on ne peut agir sur lui. C’est pourquoi, d’une manière générale, le monde grec associait parfois le Daimôn au Destin (μοίρα) auquel nul homme, malgré ses efforts, ne peut se soustraire, comme l’illustre l’exemple d’Œdipe. Le Daimôn peut ainsi sceller le sort des hommes mais il peut aussi parfois les soutenir dans leurs actions. Dans tous les cas cependant, l’issue incombe au Daimôn et non aux hommes eux-mêmes. Dans le Banquet, Platon rapporte que Diotima avait enseigné à Socrate que le Daimôn agit comme intermédiaire entre les dieux et les hommes, afin de faciliter le dialogue entre eux ; dans plusieurs de ses Dialogues socratiques, le même auteur affirme que c’est le daimonion de Socrate qui lui inspirait ses réponses aussi bien qu’il le prévenait de certaines actions à ne pas entreprendre, sa voix l’empêchant de s’orienter vers de mauvais choix. La voix du Daimôn occuperait ainsi une place intermédiaire entre le monde personnel des hommes et celui (terrestre ou divin) qui les entoure, chacun disposant d’une voix intérieure ou intime qui ne s’adresse qu’à lui pour guider ses choix propres, alors qu’en même temps ce Daimôn relèverait d’une force extérieure au sujet, à laquelle reviendrait le dernier mot.

Ulysse incarne bien cette complexité du Daimôn, force externe et interne, secourable ou malveillante, dont le sujet peut faire preuve mais qui le dépasse, comme nous l’enseigne l’épisode de ses démêlés avec le Cyclope Polyphème (Odysée, Chant IX). Ce dernier retenait prisonniers Ulysse et ses compagnons dans sa caverne. Pour s’échapper de ce lieu et se soustraire à l’emprise de Polyphème, Ulysse élabora un plan : il enivra d’abord le Cyclope d’un vin puissant ; avant de sombrer dans le sommeil, Polyphème lui demanda son nom et Ulysse répondit « Personne ». Plus tard, il crèvera l’œil du Cyclope à l’aide d’un tronc d’olivier, avant de s’enfuir avec ses compagnons, dissimulés sous le ventre des moutons du géant. Alertés par ses cris de douleur, les autres Cyclopes rejoignirent Polyphème et lui demandèrent qui lui avait fait cela. Il leur répondit alors : « C’est Personne ».

Ulysse, dans cette scène, se confond avec le Daimôn ; il parle et agit tout en dissimulant son identité. Quand par contre, avant de reprendre la mer, dans un mouvement d’orgueil – ce que les Grecs nommaient l’hybris (ὕϐρις), un marqueur de la démesure humaine – Ulysse révèle sa véritable identité au Cyclope, il se place au-dessus du Daimôn, attribuant à sa seule personne l’entièreté de la victoire remportée. C’est cette faute, également, qui lui vaudra la colère de Poséidon (qui au demeurant était aussi le père de Polyphème…).

Si pour les Grecs, le Daimôn était surtout l’affaire des dieux, il amorcera au fil du temps un virage vers l’humain et un ancrage plus marqué dans sa subjectivité. Dans le romantisme allemand, et plus particulièrement chez Goethe, il est un indicateur de l’inaltérable singularité de chaque homme, définie depuis sa naissance. Le Daimôn devient ici la force intime, l’élan vital qui pousse les hommes depuis leur origine propre à se réaliser en tant qu’éléments uniques au sein du continuum naturel. La voix intérieure se ferait dès lors entendre depuis un temps et un espace psychique archaïques caractéristique de chaque sujet singulier, à la manière d’une « signature » qui lui serait propre. C’est à son Daimôn personnel, entendu comme une forme d’intuition poétique d’un temps des origines, toujours vivant et actif, que Goethe lui-même affirmait devoir son inclinaison pour la littérature et les sciences.

Disposant d’une sensibilité proche de celle de Goethe mais aussi des Grecs, le psychiatre suisse Carl Gustav Jung, fondateur de la psychologie analytique et un temps compagnon de route de Sigmund Freud, faisait explicitement référence à son Daimôn, dont il soulignait l’insistance presque tyrannique à lui imposer des idées ou des images qu’il cherchait à repousser. Malgré cela, Jung dit avoir ressenti une obligation intérieure d’obéir à son Daimôn. Il lui attribuera d’ailleurs une participation décisive à sa propre puissance créative et de découverte. Plusieurs auteurs de la tradition jungienne parleront du Daimôn comme d’un guide ou d’un moyen à la disposition de chacun pour parvenir à une figuration personnelle de ce que Jung nomme les archétypes.

Mais le Daimôn semble aussi se retrouver chez des auteurs du courant freudien. Michel de M’Uzan, un psychanalyste ayant beaucoup interrogé la notion d’identité, parle d’une « chimère des inconscients » du patient et du psychanalyste ou de « pensées paradoxales » s’emparant des acteurs de la relation clinique, pour décrire une expérience de dépersonnalisation ou de vacillement identitaire survenant dans un espace psychique que l’auteur situe entre l’inconscient et le préconscient, à des moments-clés de la cure analytique. De M’Uzan décrit cet état comme un surgissement brut de l’inconscient, hors du contrôle de la raison ou de la conscience. Cette « perte de toute pensée assurée », pour reprendre une expression de Jean-Bertrand Pontalis (Perdre de vue, 1988, p. 366) constitue une étape régressive indispensable sur le chemin de la création comme de la compréhension des zones profondes du psychisme. Pontalis en situe chez Freud l’origine depuis son rapport personnel à l’art (notamment sa collection d’objets archéologiques) et à la littérature.

Chacune de ces traditions, semblerait ainsi nous encourager à accorder une oreille attentive et bienveillante au Daimôn. Mais de quoi ce dernier est-il fait ? D’où parle-t-il ? Et que faire de ce qu’il nous dit ? Je tenterai, à présent, de proposer ma compréhension personnelle de ces questions, en limitant mon propos au champ psychanalytique.

Autant le dire d’emblée, je ne suis pas porté à croire en l’existence de puissances surnaturelles (anges, dieux, démons, esprits, etc.) qui se manifesteraient du dedans ou du dehors des sujets humains. Cela ne signifie pourtant pas que rien ne vient nous parler, de l’intérieur comme de l’extérieur de nous-mêmes, qu’une voix ne se fait pas entendre à nous, qui n’est ni exactement celle d’un locuteur externe identifié, ni celle que nous-mêmes produisons en conscience. Cette voix, qui n’est pas davantage celle de la folie, guide au contraire notre compréhension intuitive des situations complexes, en vue de résoudre l’énigme qu’elles représentent pour nous, comme la psychanalyste Catherine Muller en a également relevé l’importance chez Freud lui-même dans son ouvrage L’énigme, une passion freudienne (2004) dans lequel elle pointe notamment la récurrence du verbe deviner (erraten) chez le fondateur de la psychanalyse.

Ce que l’on pourrait qualifier de Daimôn en psychanalyse comprend, à mes yeux, un versant interne et un autre externe. Je les opposerai en un premier temps, pour mieux les réunir en un second. Je pense ainsi :

1-Que l’inconscient représente un tiers parlant en nous, à la manière d’une voix qui nous est à la fois familière et inconnue, intérieure et externe à la conscience que nous avons de nous-mêmes, une sorte de patrie étrange et étrangère – unheimlich, dirait Freud – à nous-mêmes dans laquelle on se retrouve cependant chez soi, comme une confirmation de la prophétie rimbaldienne affirmant que « Je est un autre ».

2-Que ce tiers inconscient ne se met à parler en nous, qu’il ne produit sa voix, qu’au moment où il est activé par un tiers externe avec lequel il entre en résonance au cours d’une rencontre impliquant le sujet dans l’ensemble de ses composantes. Dans le champ clinique de la psychanalyse, c’est par l’écoute empathique de son patient (le tiers), que l’analyste peut, d’une façon suffisante, se retrouver chez lui avec cet autre afin de lui venir en aide. C’est précisément en cela que le cadre sert au praticien. Sans la mise à disposition de son propre inconscient, son écoute neutre et bienveillante et l’absence de jugement de valeur, l’analyste ne peut pas saisir les mouvements psychiques inconscients de son patient, ni les identifier dans le transfert.

C’est également pourquoi, en reprenant notre exemple initial, l’ange et le démon s’adresseraient à Haddock ou Milou depuis l’intérieur et l’extérieur d’eux-mêmes, depuis ce qui intimement les constitue et ce qui de l’extérieur les confronte. Nous entendrions en somme la voix intérieure du Daimôn uniquement depuis l’espace de rencontre entre chaque sujet singulier avec un tiers, une chose ou une situation qui de l’extérieur l’active et le questionne. C’est aussi pourquoi chacun entend son propre Daimôn … alors que la voix daïmonique, considérée pour elle-même, a le pouvoir de s’adresser à chacun, mais ne le fait pas de la même façon pour tous (l’ange ou le démon ne parlent pas du whisky à Milou ou de l’os à Haddock…). Mais l’affaire ne serait-elle pas plus complexe ?

Pour affiner le propos, je dirais que l’inconscient joue, dans un jeu de résonances à la fois internes et externes, le rôle d’un guide pour trouver de manière intuitive la solution à des situations complexes, en soi et hors de soi. Seule la complexité de la structure inconsciente (un lieu psychique condensant, sans principe de contradiction, multiples et contraires) serait en capacité de fournir au sujet – patient et/ou psychanalyste – une solution aux énigmes du sens incarnées dans des situations externes ou la complexité d’un théâtre interne de représentations. Cette rencontre du sujet avec un tiers (interne et/ou externe ; en lui ou hors de lui) serait précisément ce qui produit l’espace de parole daïmonique. Identifié à une guidance inconsciente, le Daimôn, ferait entendre sa voix dans l’espace intermédiaire de rencontre reliant intimement le sujet à un tiers extérieur et/ou intérieur à lui.

Mais alors, au vu de l’importance du facteur de la rencontre et de l’articulation irréductible entre ces deux visages du tiers (interne et externe), l’opposition stricte entre le dedans et le dehors est-elle encore nécessaire, utile, voire même pertinente ?

« Je est un autre » pouvant en effet s’entendre au sein du rapport du sujet à soi comme de celui qu’il entretient avec un tiers extérieur, je soutiendrais plus encore le principe selon lequel « je est un autre » entre nous, plus précisément dans l’espace intermédiaire articulant un tiers interne à un tiers externe, en nous et avec l’autre. « Le moi n’est pas maître dans sa propre maison », écrivait Freud. Sans le contredire, j’ajouterais qu’il peut tout aussi bien se sentir chez lui dans la maison d’un tiers, interne aussi bien qu’externe…C’est dans cet espace intermédiaire précisément, articulant un sujet (dans toute la profondeur de sa construction) à un tiers, dans cette part d’inconnu que chacun est pour soi et pour l’autre, qu’une voix peut se faire entendre, que les Grecs prêtaient au Daimôn et dans laquelle patients et psychanalystes peuvent reconnaître les pouvoirs de l’inconscient et en faire usage … en se laissant guider par lui.

Corollairement, les mots du patient traduiraient une voix (son Daimôn) avant de composer sa parole. Ceux de l’analyste aussi. Ces derniers font d’ailleurs suite à une écoute profonde – flottante, comme Freud la qualifie – qui accorde à la signification inconsciente du propos accueilli une valeur supérieure à celle des seuls signifiés du discours. C’est sans doute dans cette alchimie daïmonique que l’analyste et son patient peuvent s’entendre (au sens propre et figuré) ou se rencontrer, par-dessus l’épaule des signifiants et des signifiés.

Dans son article « Sur l’étiologie de l’hystérie » (1896), Freud proposait une comparaison entre la méthodologie des psychanalystes et celle des ethnologues ou des archéologues : Saxa loquuntur (les pierres parlent), écrivait-il. Mais ces pierres ne parlent pas toutes seules ; les choses – ou plus exactement, les phénomènes – parlent au sein de notre manière de les rencontrer. Cette dimension est d’autant plus essentielle rapportée à des manifestations humaines. C’est une question fondamentalement phénoménologique, comme l’attestent, dans le sillage des travaux de Emmanuel Kant, de Edmund Husserl et de Martin Heidegger, ceux de Ludwig Binswanger, d’Henri Maldiney ou de Maurice Merleau-Ponty.

En voici, malgré le naturalisme acharné de son auteur et son refus – exprimé notamment à Binswanger – de prendre en compte le regard phénoménologique, deux illustrations empruntées à Freud afin de justifier le possible renoncement à une dichotomie stricte entre les catégories du dedans et du dehors, du sujet (porté par un désir de connaissance) et de l’objet (à connaître). C’est le contenu manifeste des rêves (les images qui le composent et qui sont empruntées au contexte empirique de la veille ou de l’avant-veille du rêve) qui conduit, par le jeu des libres-associations, à son contenu latent (la signification inconsciente du rêve). L’un ne va pas sans l’autre ; chacun prend sens grâce au concours de l’autre. Les rêves parlent (et nous parlent) du fond de notre psychisme parce qu’ils ont également été activés dans le présent par la rencontre empirique avec des stimuli externes. Le rêve est un tiers qui confronte celui qui le produit au même titre que son analyste à une familière étrangeté (l’oxymore a toute son importance !) … externe autant qu’intérieure. Ce sont deux réalités ou deux dynamiques distinctes mais convergentes ou complémentaires. Nous sommes habités par ce qui depuis longtemps nous hante (l’inconscient, dans l’exemple du rêve, va participer à la sélection des images qui en composent le contenu manifeste) et le comprenons, dans un effet de miroir, par ce à quoi nous sommes sensibles. La représentation constitue le trait d’union entre les plans subjectifs et objectifs. En psychanalyse, comme Freud n’a cessé d’en défendre le principe depuis L’interprétation des rêves (1900), les représentations se déploient dans une temporalité et une spatialité propres à l’inconscient ; elles ne traduisent pas le simple reflet d’une chose extérieure pour un sujet mais figurent sa manière intime de se relier à celle-ci, de lui donner du sens. Dans la cure ce qu’un patient voit ou dit est toujours rapporté à ce dernier, à sa lecture comme à son discours. En plaçant, dans sa démarche épistémique comme dans la rencontre thérapeutique avec le patient, la représentation (de choses – Sachvorstellung – ou de mots : Wortvorstellung ) au-dessus des faits, Freud, même s’il l’ignore ou refuse de l’entendre, s’éloigne du strict paradigme naturaliste – dans lequel l’objet (le Gegenstand en allemand, littéralement « ce contre quoi » on prend appui) est bien l’antonyme du sujet en se situant hors de lui – et fait un pas considérable en direction d’une approche phénoménologique.

L’étude par Freud du « Moïse de Michel-Ange » (1914) en constitue un autre exemple.

Le but de Freud, sans entrer dans les détails de sa démonstration, est de mettre à jour les intentions de Michel-Ange dont sa statue porterait encore la marque, l’énigme à résoudre étant de savoir si l’instant précis gravé par Michel-Ange dans le marbre est celui où Moïse, lors de sa descente du Mont Sinaï, s’apprête à laisser éclater sa colère – se lever et fracasser au sol les Tables de la Loi – ou celui, postérieur, au cours duquel il se rassied, une fois ce mouvement de colère passé.

Pour cela, Freud va adopter une démarche méthodologique s’inspirant de la clinique psychanalytique. Celle-ci est fondée sur l’observation des détails[1] (la position du pied d’appui, celle du coude sur les Tables et des doigts dans la barbe) combinée aux impressions et aux émotions fortes que cette statue générait en lui. L’interprétation survient dans la dynamique de ce double mouvement, par-delà l’opposition entre la subjectivité de l’interprétant et l’objectivité du substrat étudié sur lequel porte l’effort de connaissance.

En résumé, Michel-Ange – par-delà sa mort – aussi bien que sa statue se seraient mis à « parler » (Saxa loquuntur…) à l’oreille de Freud – à la manière d’un Daimôn venant du dehors guider son interprétation – dans la rencontre avec son propre Daimôn intérieur, sa capacité structurelle inconsciente et intime à découvrir en le devinant (car il l’éprouverait intérieurement) le sens d’un phénomène complexe. En forçant à peine le trait, Michel-Ange participerait à l’interprétation que Freud donne de sa statue, de la manière dont chaque patient participe aux interprétations sur ce qu’il produit dans la cure. On reconnaît dans cet exemple, tant ce que Freud qualifie de « communication d’inconscient à inconscient » que l’indispensable participation d’un tiers (interne et externe) dont la « voix » guiderait l’interprétation.

Pour l’ensemble de ces raisons, je dirais que la rencontre singulière avec le phénomène abolit l’opposition entre les notions de dedans et de dehors, en même temps qu’elle rend à nouveau audible la voix du Daimôn dans l’espace intermédiaire qui les relie. Outre la parole des patients et de leurs analystes, tout support ayant valeur de représentation est doté en psychanalyse d’une voix : les rêves, les statues et même parfois les morts auxquels on les doit…

Afin d’illustrer ce qui précède, je conclurai mon propos par un exemple tiré de ma clinique propre.

Le patient est un homme d’environ 35 ans. Il ne manifeste, lors de notre première rencontre, aucune souffrance apparente. Au contraire, il adopte une position ouvertement cynique et un regard parfaitement désabusé sur le monde et ses occupants. Ils sont là pour qu’il en profite. C’est tout et c’est bien. Il travaille dans le milieu boursier, où il rencontre une vive réussite. D’ailleurs, il gagne beaucoup d’argent et possède des biens coûteux qu’il affiche ostensiblement et avec satisfaction. Parallèlement à ses activités professionnelles, il vit une sexualité intense. Homosexuel (principalement passif), il multiplie les rencontres sexuelles avec de nombreux amants – souvent plusieurs par jour – dont il ne veut connaître ni le nom ni qui ils sont ou ce qu’ils font dans la vie, limitant ses interactions avec eux à la durée de leurs rapports sexuels. Sa parfaite maîtrise des ressources informatiques et sa fréquentation des sites spécialisés lui assurent l’assouvissement renouvelé de ses besoins sexuels. À ma question : pourquoi une psychanalyse ? il me répond : « ben, je vous l’ai dit, je gagne bien ma vie. Donc j’ai l’argent. Je peux vous payer. C’est bien ça qui vous intéresse, non ? » Et sinon ?, lui demandai-je… « Pour voir, par curiosité, par intérêt, pour ne pas mourir idiot… ».

J’étais perplexe, un petit double de moi-même (en veston de tweed) sur une épaule me disait « laisse tomber, c’est un pervers, il n’y a ni demande, ni introspection, ni espace de guérison pour lui, relis Bergeret au besoin », un second, sur l’autre (toujours en veston de tweed) me soufflait à l’oreille « t’en sais rien, c’est pas sûr, pourquoi est-il là ?, c’est peut-être une défense qui recouvre un possible espace de travail, et d’ailleurs des exemples comme ça on en trouve aussi chez Bergeret… ». Je décidai finalement d’écouter … les deux et fis la proposition suivante au patient : « si vous êtes d’accord, on se lance sur une période de dix séances, le temps d’une anamnèse. À l’issue de celles-ci, on fait le point et on voit si cela vaut la peine qu’on poursuive. » Il était d’accord.

D’anamnèse, dans les faits, il n’y en eut pas vraiment… D’une ponctualité irréprochable, il venait à nos séances, s’allongeait et se lançait aussitôt et exclusivement dans le récit enthousiaste et détaillé de ses dernières rencontres sexuelles. J’appris beaucoup sur certains lieux de ma ville, sur certaines pratiques aussi. Devinant que mon orientation sexuelle différait de la sienne, il ne manquait jamais de s’amuser de ce qu’il me rapportait, ponctuant son discours de « pour des gens comme vous » et de considérations dénigrantes (pour rester poli…) sur ce que lui inspirait le corps des femmes et les désirs que ceux-ci pouvaient produire chez une certaine catégorie d’hommes dont, Dieu merci, il ne faisait pas partie. Parfois il se lançait dans des tentatives explicites de séduction à mon égard (« Ben oui, pour ne pas mourir idiot, vous aussi … d’ailleurs moi-même je fais une psychanalyse avec vous… vous ne voulez pas essayer ?  ça établirait une parité…et puis, ça vous aiderait à me comprendre… ») qui l’amusaient beaucoup. Quand j’essayais d’amener le récit vers d’autres sujets ou de favoriser certaines associations, il me répondait : « ah non ! C’est moi qui paie ; c’est moi qui décide ; vous, vous êtes là pour m’écouter ! ». La question de son enfance et de ses parents a été réglée en deux temps, trois mouvements : « l’enfance, très bien, fallait juste que ça se termine, et les parents, deux vieux cons qui n’ont jamais rien compris à ma sexualité. Pas grave ; c’est passé ; et maintenant laissez-moi vous raconter ce que j’ai fait l’autre soir dans une pissotière pas loin d’ici… ».

Parfois je jetais un œil en direction de mon épaule, à la recherche de mon Daimôn, surtout celui qui me disait « n’y va pas ». Mais il avait disparu. Il devait bien rigoler, lui aussi…

Puis vint la dixième séance. En ouvrant la porte de mon cabinet au patient, il me sembla remarquer une lueur inhabituelle dans son regard. C’était furtif ; presque imperceptible. Il prit place sur le divan et me dit : « j’ai fait un rêve ». C’était la première fois qu’il en apportait un. En voici le récit : « je suis sur le tarmac d’un aéroport. Il n’y a que moi. Je dois prendre un avion. Je sais que c’est important pour moi. Je vois l’avion. Il est en face de moi, prêt à partir. Ses moteurs tournent. Je vois la passerelle d’embarquement à l’arrière de la machine (il dit : je dois le prendre par derrière). Je vois le pilote de l’avion installé dans son cockpit. Je sais que je dois faire vite. Je vais pour avancer en direction de la passerelle mais n’arrive pas à faire un pas, comme si une force invisible (à la manière d’un vent puissant, à part qu’il n’en soufflait pas) m’en empêchait. J’éprouve une forte angoisse. L’avion va partir. J’angoisse. Je me réveille ».

Il produit aussitôt le commentaire suivant : « l’avion, c’est la psychanalyse et le pilote c’est vous ». Avant d’enchaîner : « vous voyez, je fais même votre job…Et maintenant, je vais vous dire ce que j’ai fait hier soir… »

À ce moment précis, mon Daimôn était revenu sur mon épaule et m’avait soufflé la question précise à poser au patient. Mieux, je disposais déjà, grâce à lui, de toute la séquence qui allait suivre, dans ses moindres détails et avec une totale certitude. J’interrompis donc le patient avant même qu’il ne débute son récit et lui demandai : « c’était quoi comme avion ? ». Il me répond : « quelle importance ? Un avion, comme il y en a dans les aéroports…Vous voulez quoi, le modèle ? ». Je dis : « Pouvez-vous me décrire cet avion ? ». Il s’énerve un peu : « on s’en fout, non ? Un avion, je vous dis ». Je rajoute : « un avion à réaction ? ». « Non, bien sûr ( !) » me répondit-il, « un avion à hélices ». Aussitôt lui vient l’association suivante, absurde en apparence : « Je t’aime hélice ».

Thémélis est mon prénom. On l’entend dans l’enchaînement des mots du patient, mais on trouve aussi, dans l’association des termes, un sujet (je) associé au verbe aimer, pouvant évidemment être entendu dans son acception sexuelle (« prendre l’avion par derrière »), mais pas seulement…Pour la première fois, il parlait d’attachement, d’amour. Il angoissait à l’idée de perdre ce lien l’unissant à un autre humain. Il en prenait conscience, stupéfait.

Le transfert était installé ; des humains pouvaient à nouveau exister dans son discours, lui comme d’autres, maintenant comme hier. Au fil des séances, le patient s’est considérablement humanisé. Dans ses souvenirs, qui revenaient aussi, ses parents reprenaient une place et pas seulement comme « deux vieux cons ». Sans doute, m’étais-je dit, qu’il devait, de manière inconsciente, avoir voulu tester ma bienveillance et mon écoute en me confrontant au récit monomaniaque de ses faits sexuels, histoire de vérifier que je ne suis pas comme ses parents, que j’incarne réellement ce que je prétends être, qu’il peut me faire confiance. J’ai suivi cet homme durant huit mois, avant qu’il ne rejoigne un poste plus important sur un autre continent.

Le plus étonnant dans cette histoire reste quand même mon Daimôn. Évidemment, je disposais de données cliniques objectives concernant mon patient et nous savions tous les deux que nous étions dans notre dixième séance, mais je peux vous certifier qu’aucun ouvrage de psychopathologie psychanalytique ne signale aux psychanalystes qu’ils doivent demander le type d’avions que leurs patients voient dans leurs rêves… Je n’ai d’ailleurs posé cette question qu’à celui-ci, parce que je savais alors exactement ce que son rêve disait et me disait (mieux, j’en visualisais très concrètement les images en moi), et que le patient allait associer l’hélice à l’amour et à ma personne, notamment après l’avoir entendu dire ce que représentaient pour lui l’avion et le pilote. Bien joué, mon Daimôn !

La structure psychique du patient, évidemment, comprend des traits pervers, mais surtout comme des aménagements défensifs au sein d’une structure borderline (états-limites) marquée par d’importantes tendances dépressives. Ce patient était néanmoins réactif à la psychanalyse. Il en a reçu de l’aide. Sa demande exigeait qu’il soit suffisamment rassuré pour pouvoir se révéler, pour qu’il puisse exposer à un tiers ses peurs et sa fragilité.

Je continue à traiter avec respect les ouvrages théoriques parlant de psychanalyse. De la même façon, je garde toute ma sympathie à la pensée classificatoire née d’Aristote grâce à laquelle des lois générales sont dégagées depuis l’étude de cas particuliers…mais je n’oublie jamais non plus de rester à l’écoute de la voix de mon Daimôn. Face à des situations dont la complexité dépasse parfois les moyens de mon entendement, en Grec, sans orgueil et sans honte, je m’incline devant lui en espérant entendre sa voix.


Daimon e divani: quale voce guida la psicanalisi?

di Thémélis Diamantis

Le hasard, c’est le purgatoire de la causalité (Jean Baudrillard).

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But what’s puzzling you

Is the nature of my game (The Rolling Stones, “Sympathy for the Devil”).

Ho trascorso parte della mia infanzia leggendo diligentemente e felicemente “Le avventure di Tintin”. Tra i casi che regolarmente stuzzicavano la mia curiosità c’erano quelli che rappresentavano Milou o il Capitano Haddock, nel bel mezzo di un dilemma, un doppio angelico di se stessi su una spalla e uno demoniaco sull’altra. Il primo invitava il personaggio ad adottare un comportamento responsabile o morale (scolare la bottiglia di whisky o continua la sua missione), il secondo, al contrario, lo incoraggiava a concedersi un piacere immediato (abbandonarsi alle sue inclinazioni alcoliche o mangiarsi l’osso), particolarmente inappropriato in questo momento della trama. Sostenuta dall’immagine che avevo davanti agli occhi, la mia lettura era necessariamente manichea: il bene si contrappone al male, la virtù al vizio, il dovere al piacere. Ero contento di sperare che il Capitano e Milou scegliessero di ascoltare la voce della figura angelica e non l’altra. Un punto però, già all’epoca, suscitò in me un’ondata di perplessità: queste figure angeliche e demoniache sembravano emergere dall’esterno del personaggio (come se fossero venute ad adagiarsi sulla sua spalla), d’altra parte si presentavano come un doppio di questo, una manifestazione interna al suo essere, alla sua identità o singolarità psichica (poiché ne hanno i tratti). Ero sorpreso: una terza parte parlante si stava davvero rivolgendo a Haddock e Milou? E se sì, stava parlando dall’esterno o dall’interno del personaggio? Dietro la questione del significato e della pertinenza del consiglio dato, c’era la questione ancora più grande della voce che lo produceva e dello status di questo strano oratore. Un “chi parla?” » dietro un « che dice? “. Definire l’identità di questa voce sarà la sfida dei paragrafi seguenti.

Possiamo sentire delle voci senza essere pazzi o almeno compromessi nel nostro discernimento? Secondo una consolidata nosografia psichiatrica, queste “voci” non sarebbero, tra le altre ipotesi, che una manifestazione dei deliri e delle allucinazioni di cui possono soffrire i pazienti schizofrenici, un sintomo attestante la presenza di un disturbo bipolare o la possibile conseguenza di trauma precoce? Sarebbe quindi necessario voltare le spalle a loro o cercare di metterli a tacere. Ma possiamo ascoltare queste voci con un orecchio più favorevole? Anche meno normativo?

Mi ci sono voluti alcuni anni per uscire da una lettura binaria (dentro/fuori; buono/cattivo; reale/immaginario) di tali fenomeni. I miei compatrioti della remota antichità, e la loro nozione di Daimon (δαίμων), così come il mia frequentazione personale e professionale con ciò che Freud descrive come l’inconscio, mi hanno aiutato molto in questo.

Oggi, ripensandoci, direi che le figure angeliche e demoniache che parlano all’orecchio di Haddock e Milou, disegnano insieme (e non l’una contro l’altra), per intenzione del personaggio a cui sono rivolte, i contorni e le possibilità di una scelta basata per lui su parametri interni oltre che esterni. Un po’ di storia prima di sviluppare quanto sopra.

Il Daimôn degli antichi greci aveva tanti volti diversi… che poi non aveva. Era essenzialmente una voce che veniva a parlare agli uomini per infondere loro pensieri, buoni o cattivi, indirizzandoli verso scelte che sarebbero loro favorevoli o sfavorevoli. Come le parole della Pizia di Apollo a Delfi, la voce di Daimon mette così gli uomini di fronte alla volontà degli dei e alla loro libertà. Celebre è rimasto l’esempio di Creso, re di Lidia: avendo sentito la Pizia annunciargli che muovendo guerra ai Persiani sarebbe stato distrutto un grande impero, perse le sue battaglie e il suo impero… La parola del Daimon deve quindi essere interpretata; deve anche essere riferita, quando possibile, al suo parlante, potendo infatti la voce demoniaca essere quella di un dio definito – di genere maschile o femminile (Apollo, Zeus o Afrodite nell’Iliade) – o di un dio sconosciuto, una specie di parlante invisibile e non identificato.

In questo paradigma generale, gli uomini sono inevitabilmente soggetti al Daimon; lo subiscono perché li supera. Dipenderebbe, direbbero gli stoici, dal Grande Logos, al quale la saggezza comanda di conformarsi perché non si può agire su di lui. Ecco perché, in generale, il mondo greco talvolta associava Daimon al Destino (μοίρα) al quale nessun uomo, nonostante i suoi sforzi, può sottrarsi, come illustra l’esempio di Edipo. Il Daimon può così suggellare il destino degli uomini ma talvolta può anche sostenerli nelle loro azioni. In tutti i casi, tuttavia, il risultato spetta al demone e non agli uomini stessi. Nel Banchetto, Platone riferisce che Diotima aveva insegnato a Socrate che il Daimôn funge da intermediario tra gli dei e gli uomini, al fine di facilitare il dialogo tra di loro; in diversi dei suoi Dialoghi socratici, lo stesso autore afferma che fu il daimonion di Socrate a ispirare le sue risposte oltre ad avvertirlo di certe azioni da non intraprendere, la sua voce gli impediva di orientarsi verso nuove direzioni di cattiva scelta. La voce del Daimon occuperebbe così un posto intermedio tra il mondo personale degli uomini e quello (terrestre o divino) che li circonda, avendo ciascuno una voce interiore o intima che si rivolge solo a lui per guidare le proprie scelte, mentre al allo stesso tempo questo Daimôn dipenderebbe da una forza esterna al soggetto, alla quale apparterrebbe l’ultima parola.

Ulisse ben incarna questa complessità del Daimon, forza esterna e interna, benevola o malevola, che il soggetto può dimostrare ma che lo supera, come ci insegna l’episodio delle sue dispute con il Ciclope Polifemo (Odissea, Canto IX). Quest’ultimo tenne prigionieri Odisseo ei suoi compagni nella sua caverna. Per fuggire da questo luogo e sottrarsi alla presa di Polifemo, Ulisse escogitò un piano: prima inebriò il Ciclope con un vino potente; prima di sprofondare nel sonno, Polifemo gli chiese come si chiamava e Ulisse rispose “Nessuno”. Più tardi cava l’occhio del Ciclope con un tronco d’ulivo, prima di fuggire con i suoi compagni, nascosto sotto il ventre delle pecore del gigante. Allertati dalle sue grida di dolore, gli altri Ciclopi si unirono a Polifemo e gli chiesero chi gli avesse fatto questo. Poi ha risposto loro: “Non è Nessuno”.

Ulisse, in questa scena, si fonde con il Daimon; parla e agisce nascondendo la sua identità. Quando invece, prima di riprendere il mare, in un moto di superbia – quello che i greci chiamavano hybris (ὕϐρις), segno di eccesso umano – Odisseo rivela al Ciclope la sua vera identità, si pone al di sopra del Daimon, attribuendo alla sua unica persona la totalità della vittoria conseguita. È anche questa colpa che gli farà guadagnare l’ira di Poseidone (che, per inciso, era anche il padre di Polifemo…).

Se per i greci Daimon era soprattutto un affare degli dei, nel tempo avvierà uno spostamento verso l’umano e un ancoraggio più marcato nella sua soggettività. Nel romanticismo tedesco, e più particolarmente in Goethe, è un indicatore dell’inalterabile singolarità di ogni uomo, definito dalla nascita. Il Daimon diventa qui la forza intima, lo slancio vitale che spinge gli uomini dalla propria origine a realizzarsi come elementi unici all’interno del continuum naturale. La voce interiore verrebbe quindi udita da un tempo e da uno spazio psichico arcaici caratteristici di ogni singolo soggetto, come una “firma” propria. È al suo personale Daimon, inteso come forma di intuizione poetica di un tempo delle origini, ancora vivo e attivo, che lo stesso Goethe affermava di dovere la sua inclinazione per la letteratura e le scienze.

Con una sensibilità vicina a quella di Goethe ma anche dei greci, lo psichiatra svizzero Carl Gustav Jung, fondatore della psicologia analitica e compagno di un tempo di Sigmund Freud, fece esplicito riferimento al suo Daimon, di cui sottolineava l’insistenza quasi tirannica nell’imporre a lui idee o immagini che cercava di rifiutare. Nonostante questo, Jung dice di aver sentito l’obbligo interiore di obbedire al suo Daimon. Gli attribuirà anche una decisiva partecipazione alla sua stessa potenza creatrice e scoperta. Diversi autori della tradizione junghiana parleranno di Daimon come guida o mezzo a disposizione di tutti per arrivare a una personale rappresentazione di quelli che Jung chiama gli archetipi.

Ma Daimon sembra trovarsi anche in autori della corrente freudiana. Michel de M’Uzan, psicoanalista che ha molto messo in discussione la nozione di identità, parla di una “chimera dell’inconscio” del paziente e dello psicoanalista o di “pensieri paradossali” che si impossessano degli attori della relazione clinica, per descrivere un esperienza di spersonalizzazione o oscillazione identitaria che si verifica in uno spazio psichico che l’autore colloca tra inconscio e preconscio, in momenti chiave del trattamento analitico. De M’Uzan descrive questo stato come un’ondata grezza dell’inconscio, al di là del controllo della ragione o della coscienza. Questa “perdita di ogni pensiero sicuro”, per usare un’espressione di Jean-Bertrand Pontalis (Perdre de vue, 1988, p. 366) costituisce una tappa regressiva indispensabile sul cammino della creazione e della comprensione delle zone profonde della psiche . Pontalis trova le sue origini in Freud dal suo rapporto personale con l’arte (in particolare la sua collezione di oggetti archeologici) e con la letteratura.

Ognuna di queste tradizioni sembrerebbe quindi incoraggiarci a prestare un ascolto attento e benevolo al Daimon. Ma di cosa è fatto? Di dove sta parlando? E cosa fare con quello che ci dice? Cercherò ora di offrire la mia personale comprensione di queste questioni, limitando le mie osservazioni al campo psicoanalitico.

Diciamolo subito, non sono propenso a credere nell’esistenza di poteri soprannaturali (angeli, dei, demoni, spiriti, ecc.) che si manifesterebbero dall’interno o dall’esterno dei soggetti umani. Ciò non significa, però, che nulla venga a parlarci, da dentro o fuori di noi stessi, che non ci si faccia sentire una voce, che non sia né esattamente quella di un parlante esterno individuato, né quella che noi stessi produciamo nella coscienza. Questa voce, che non è nemmeno quella della follia, guida anzi la nostra comprensione intuitiva delle situazioni complesse, in vista della soluzione dell’enigma che esse rappresentano per noi, di cui anche la psicanalista Catherine Muller ha rilevato l’importanza in Freud stesso nel suo libro L’énigme, une passion freudienne (2004) in cui sottolinea in particolare la ricorrenza del verbo indovinare (erraten) nel fondatore della psicoanalisi.

Quello che in psicoanalisi si potrebbe chiamare Daimon comprende, ai miei occhi, un lato interno e un altro esterno. Li opporrò prima, per unirli meglio in un secondo. io la penso così:

1) Che l’inconscio rappresenta un terzo che parla dentro di noi, come una voce che ci è insieme familiare e sconosciuta, interna ed esterna alla nostra consapevolezza di noi stessi, una sorta di estraneo ed estraneo – unheimlich, direbbe Freud – a noi stessi in cui ci troviamo comunque a casa, come una conferma della profezia rimbaldiana che affermava che “io sono un altro”.

2) Che questo terzo inconscio comincia a parlare in noi, che produce la sua voce, solo quando viene attivato da un terzo esterno con il quale entra in risonanza durante un incontro che coinvolge il soggetto in tutte le sue componenti. Nel campo clinico della psicoanalisi, è attraverso l’ascolto empatico del suo paziente (il terzo) che l’analista può, in modo sufficiente, trovarsi a casa con quest’altro per venire in suo aiuto. È proprio in questo che la cornice serve il praticante. Senza la disponibilità del proprio inconscio, il suo ascolto neutro e benevolo e l’assenza di giudizio di valore, l’analista non può cogliere i movimenti psichici inconsci del suo paziente, né identificarli nel transfert.

Anche per questo, tornando al nostro esempio iniziale, l’angelo e il demone si rivolgono a Haddock o Milou da dentro e fuori di sé, da ciò che li costituisce intimamente e da ciò che al di fuori li fronteggia. Insomma, sentiremmo la voce interiore del Daimon solo dallo spazio di incontro di ogni singolo soggetto con un terzo, una cosa o una situazione che dall’esterno lo attiva e lo interroga. Anche per questo ognuno sente il proprio Daimon… mentre la voce demoniaca, considerata per sé, ha il potere di rivolgersi a ciascuno, ma non lo fa allo stesso modo per tutti (l’angelo o il demone non parlano di whisky a Milou o osso a Haddock…). Ma il caso non sarebbe più complesso?

Per affinare il discorso, direi che l’inconscio svolge, in un gioco di risonanze sia interne che esterne, il ruolo di guida per trovare intuitivamente la soluzione a situazioni complesse, dentro di sé e fuori di sé. Solo la complessità della struttura inconscia (luogo psichico condensante, senza principio di contraddizione, molteplice e contrario) potrebbe fornire al soggetto – paziente e/o psicoanalista – una soluzione agli enigmi di senso incarnati nelle situazioni esterne o nelle complessità di un teatro interno di spettacoli. Questo incontro del soggetto con un terzo (interno e/o esterno; dentro di lui o fuori di lui) sarebbe precisamente ciò che produce lo spazio del discorso demonico. Identificato con una guida inconscia, il Daimon, farebbe sentire la sua voce nello spazio intermedio dell’incontro collegando intimamente il soggetto con un terzo esterno e/o interno a lui.

Ma allora, data l’importanza del fattore dell’incontro e dell’irriducibile articolazione tra queste due facce del terzo (interno ed esterno), è ancora necessaria, utile o addirittura rilevante la stretta opposizione tra il dentro e il fuori?

L'”io è un altro” si può infatti intendere all’interno del rapporto del soggetto con se stesso così come quello che intrattiene con un terzo esterno, sosterrei ancor di più il principio secondo cui “l’io è un altro” tra di noi, più precisamente nello spazio intermedio articolando un terzo interno ad un terzo esterno, in noi e con l’altro. “L’ego non è padrone in casa sua”, scriveva Freud. Senza contraddirlo, aggiungerei che può benissimo sentirsi a casa anche nella casa di un terzo, interno come esterno… È proprio in questo spazio intermedio, articolare un soggetto (in tutta la profondità della sua costruzione) a un terzo, in questa parte dell’ignoto che ognuno è per sé e per l’altro, che si sente una voce, che i greci attribuivano a Daimon e in cui pazienti e psicoanalisti possono riconoscere i poteri dell’inconscio e farne uso di essa… lasciandosi guidare da essa.

Come corollario, le parole del paziente tradurrebbero una voce (il suo Daimon) prima di comporre il suo discorso. Anche quelli dell’analista. Quest’ultimo, inoltre, segue un ascolto profondo – fluttuante, come lo chiama Freud – che conferisce al significato inconscio dell’osservazione ricevuta un valore superiore a quello dei soli significati del discorso. È indubbiamente in questa alchimia demoniaca che l’analista e il suo paziente possono andare d’accordo (in senso letterale e figurato) o incontrarsi, al di sopra delle spalle di significanti e significati.

Nel suo articolo “Sull’eziologia dell’isteria” (1896), Freud proponeva un confronto tra la metodologia degli psicoanalisti e quella degli etnologi o degli archeologi: Saxa loquuntur (le pietre parlano), scriveva. Ma queste pietre non parlano da sole; le cose – o più esattamente i fenomeni – parlano nel nostro modo di incontrarle. Questa dimensione è tanto più essenziale in relazione alle manifestazioni umane. È una questione fondamentalmente fenomenologica, come attestano, sulla scia delle opere di Emmanuel Kant, Edmund Husserl e Martin Heidegger, quelle di Ludwig Binswanger, Henri Maldiney o Maurice Merleau-Ponty.

Qui, nonostante l’inesorabile naturalismo del suo autore e il suo rifiuto – espresso in particolare a Binswanger – di tener conto dello sguardo fenomenologico, due illustrazioni mutuate da Freud per giustificare la possibile rinuncia a una rigida dicotomia tra le categorie del dentro e del fuori, del soggetto (spinto da un desiderio di conoscenza) e dell’oggetto (conoscere). È il contenuto manifesto dei sogni (le immagini che lo compongono e che sono mutuate dal contesto empirico del giorno prima o del giorno prima del sogno) che conduce, attraverso il gioco delle libere associazioni, al suo contenuto latente (il significato inconscio del sogno). L’uno non va senza l’altro; ognuna assume significato grazie all’aiuto dell’altra. I sogni parlano (e ci parlano) dal profondo della nostra psiche perché sono stati attivati ​​anche nel presente dall’incontro empirico con stimoli esterni. Il sogno è un terzo che pone di fronte a colui che lo produce allo stesso modo del suo analista una stranezza familiare (l’ossimoro ha tutta la sua importanza!)… esterna oltre che interna. Si tratta di due realtà o di due dinamiche distinte ma convergenti o complementari. Siamo abitati da ciò che da tempo ci perseguita (l’inconscio, nell’esempio del sogno, parteciperà alla selezione delle immagini che compongono il suo contenuto manifesto) e lo comprendiamo, in un effetto speculare, da ciò che noi sono sensibili. La rappresentazione è il legame tra il piano soggettivo e quello oggettivo. In psicoanalisi, come Freud ha costantemente difeso il principio a partire da L’interpretazione dei sogni (1900), le rappresentazioni si dispiegano in una temporalità e in una spazialità proprie dell’inconscio; non traducono per un soggetto il semplice riflesso di una cosa esterna, ma rappresentano il suo modo intimo di relazionarsi con essa, di darle senso. Nella cura, ciò che un paziente vede o dice è sempre legato a quest’ultimo, alla sua lettura così come al suo discorso. Ponendo, nel suo approccio epistemico come nell’incontro terapeutico con il paziente, la rappresentazione (delle cose – Sachvorstellung – o delle parole: Wortvorstellung) al di sopra dei fatti, Freud, anche se lo ignora o si rifiuta di ascoltare, si allontana da il paradigma strettamente naturalista – in cui l’oggetto (il Gegenstand in tedesco, letteralmente “ciò a cui” ci si appoggia) è in effetti l’opposto del soggetto in quanto si trova al di fuori di esso – e compie un notevole passo verso un approccio fenomenologico.

Un altro esempio è lo studio di Freud sul “Mosè di Michelangelo” (1914).

L’obiettivo di Freud, senza entrare nei dettagli della sua dimostrazione, è quello di portare alla luce le intenzioni di Michelangelo, di cui la sua statua porta ancora l’impronta, l’enigma da sciogliere è se il momento preciso inciso da Michelangelo Angelo nel marmo sia quello in cui Mosè, durante la sua discesa dal Monte Sinai, sta per far esplodere la sua ira – alzati e fracassa a terra le Tavole della Legge – o quella, più tardi, durante la quale si siede, una volta passato questo moto di ira.

Per questo Freud adotterà un approccio metodologico ispirato alla clinica psicoanalitica. Questo si basa sull’osservazione dei dettagli (la posizione del piede di appoggio, quella del gomito sulle Tavole e le dita nella barba) unita alle impressioni e alle forti emozioni che questa statua ha generato in lui. L’interpretazione avviene nella dinamica di questo doppio movimento, al di là dell’opposizione tra la soggettività dell’interprete e l’oggettività del substrato studiato su cui poggia lo sforzo della conoscenza.

In sintesi, Michelangelo – oltre la sua morte – così come la sua statua avrebbero cominciato a “parlare” (Saxa loquuntur…) all’orecchio di Freud – come un Daimon venuto dall’esterno per guidare la sua interpretazione – nell’incontro con il proprio Daimon interiore, la sua inconscia e intima capacità strutturale di scoprire indovinandolo (perché lo sperimenterebbe interiormente) il senso di un fenomeno complesso. Forzando appena la linea, Michelangelo parteciperebbe all’interpretazione che Freud dà della sua statua, del modo in cui ogni paziente partecipa alle interpretazioni su ciò che produce nella cura. Riconosciamo in questo esempio sia ciò che Freud descrive come “comunicazione dall’inconscio all’inconscio” sia l’indispensabile partecipazione di un terzo (interno ed esterno) la cui “voce” guiderebbe l’interpretazione.

Per tutte queste ragioni, direi che il singolare incontro con il fenomeno abolisce l’opposizione tra le nozioni di dentro e di fuori, allo stesso tempo rende di nuovo udibile la voce del Daimon nello spazio intermedio che le collega. Oltre alle parole dei pazienti e dei loro analisti, qualsiasi supporto che abbia valore di rappresentazione è dotato in psicoanalisi di una voce: i sogni, le statue e talvolta anche i morti ai quali li dobbiamo…

Per illustrare quanto sopra, concluderò il mio intervento con un esempio tratto dalla mia clinica.

Il paziente è un uomo di circa 35 anni. Durante il nostro primo incontro, non ha mostrato alcuna sofferenza apparente. Al contrario, adotta una posizione apertamente cinica e una visione perfettamente disillusa del mondo e dei suoi occupanti. Sono lì per lui per divertirsi. Questo è tutto e va bene. Lavora in borsa, dove riscuote grande successo. Inoltre guadagna molto denaro e possiede beni costosi che esibisce in modo vistoso e con soddisfazione. Parallelamente alle sue attività professionali, vive un’intensa sessualità. Omosessuale (prevalentemente passivo), moltiplica i suoi incontri sessuali con molti amanti – spesso diversi al giorno – di cui non vuole sapere i nomi o chi sono o cosa fanno per vivere, limitando le sue interazioni con loro alla durata del loro rapporto sessuale. La sua perfetta padronanza delle risorse informatiche e la sua frequentazione di siti specializzati gli assicurano la rinnovata soddisfazione dei suoi bisogni sessuali. Alla mia domanda: perché una psicoanalisi? lui risponde: “Beh, te l’ho detto, mi guadagno bene da vivere. Quindi ho i soldi. posso pagarti. È questo che ti interessa, vero? E se no?, gli ho chiesto… “Per vedere, per curiosità, per interesse, per non morire stupidi…”.

Ero perplesso, un piccolo doppio di me stesso (in una giacca di tweed) su una spalla mi ha detto “lascia perdere, è un perverso, non vuole nulla, nessuna introspezione, nessuno spazio per la guarigione per lui, leggi Bergeret ne troverai tanti come lui”, un secondo, dall’altro (sempre in giacca di tweed) mi ha sussurrato all’orecchio “perché dici questo, sei sicuro, perché è venuto qui?, è forse solo una copertura che nasconde un possibile spazio di lavoro, ed inoltre esempi come lui si trovano  anche in Bergeret…”. Alla fine mi sono deciso ad ascoltare… entrambi e ho fatto alla paziente la seguente proposta: “Se lei è d’accordo, inizieremo su un periodo di dieci sedute, il tempo di un’anamnesi. Alla fine di queste, facciamo il punto e vediamo se vale la pena continuare. ” Lui ha acconsentito.

Dall’anamnesi, infatti, non emergeva nulla… Impeccabilmente puntuale, è venuto alle nostre sedute, si è sdraiato e si è subito ed esclusivamente lanciato nel resoconto entusiasta e dettagliato dei suoi ultimi incontri sessuali. Ho imparato molto su certi luoghi della mia città, anche su certe pratiche. Intuendo che il mio orientamento sessuale fosse diverso dal suo, non mancava mai di divertirsi con quello che mi diceva, punteggiando il suo discorso con “per quelli come te” e denigrando considerazioni (per essere educati…) su ciò che lo ispirava con i corpi delle donne e i desideri che questi potevano produrre in una certa categoria di uomini cui, grazie a Dio, non apparteneva. A volte si lanciava in espliciti tentativi di sedurmi (“Ebbene sì, per non morire stupidi anche tu… del resto io stesso sto facendo una psicanalisi con te… non vuoi provare? Quello stabilirebbe la parità…e poi , ti aiuterebbe a capirmi…”) che lo divertiva molto. Quando cercavo di portare la storia su altri soggetti o di favorire certe associazioni, mi rispondeva: “oh no! ti pago; sono io che decido; sei qui per ascoltarmi! “. La questione della sua infanzia e dei suoi genitori si è risolta in due tappe, tre movimenti: “l’infanzia, va bene, doveva solo finire, e i genitori, due vecchi idioti che non hanno mai capito la mia sessualità. Non importa ; È successo ; e adesso ti racconto cosa ho fatto l’altra sera in un pisciatoio non lontano da qui…”.

A volte mi guardavo alle spalle, cercando il mio Daimon, specialmente quello che diceva “non andare”. Ma era scomparso. Deve aver riso anche lui…

Poi è arrivata la decima seduta. Mentre aprivo la porta del mio studio per il paziente, mi sembrò di notare un insolito luccichio nei suoi occhi. Era furtivo; quasi impercettibile. Si è seduto sul divano e mi ha detto: “Ho fatto un sogno”. Era la prima volta che ne portava uno. Ecco la storia: “Sono sulla pista di un aeroporto. Sono solo io. Devo prendere un aereo. So che è importante per me. Vedo l’aereo. È di fronte a me, pronto a partire. I suoi motori sono in funzione. Vedo il ponte di imbarco sul retro della macchina (dice: devo prenderlo da dietro). Vedo il pilota dell’aereo installato nella sua cabina di pilotaggio. So che devo sbrigarmi. Vado a muovermi verso il ponte ma non riesco a fare un passo, come se una forza invisibile (come un forte vento, solo che non soffia) me lo impedisse. Sento molta ansia. L’aereo sta per partire. Mi preoccupo. Mi sveglio “.

Immediatamente fece il seguente commento: “l’aereo è la psicanalisi e il pilota sei tu”. Prima di continuare: “Vedi, faccio anche il tuo lavoro… E adesso ti racconto cosa ho fatto ieri sera…”

In quel preciso momento, il mio Daimon è tornato sulla mia spalla e mi ha sussurrato la precisa domanda da porre al paziente. Anzi, avevo già, grazie a lui, tutta la sequenza che sarebbe seguita, nei minimi dettagli e con assoluta certezza. Così ho interrotto il paziente prima ancora che iniziasse il suo racconto e gli ho chiesto: “cos’era l’aereo? “. Lui risponde: “Che importa? Un aeroplano, come ci sono negli aeroporti… Cosa vuoi, il modellino? “. Dico: “Puoi descrivermi questo aereo? “. Si arrabbia un po’: “Non ci interessa, vero? Un aereo, ti dico. Aggiungo: “un jet? “. “No, certo (!)” ha risposto, “un aereo ad elica”. Immediatamente gli viene in mente la seguente associazione, apparentemente assurda: “Ti amo, elica” (je t’aime helice, nell’originale; t’aime helice, in francese,   si legge   témélìs –Ndt- ).

Thémélis (témélìs – Ndt- )  è il mio nome. Lo si sente nella sequenza delle parole del paziente, ma lo si trova anche, nell’associazione dei termini, un soggetto (io) associato al verbo amare, che ovviamente può essere inteso nel suo senso sessuale (“prendere l’aereo da dietro”), ma non solo… Per la prima volta ha parlato di attaccamento, di amore. Era angosciato all’idea di perdere questo legame che lo univa a un altro essere umano. Ne prese coscienza, stupefatto.

Il transfer è stato creato; gli esseri umani avrebbero potuto di nuovo esistere nel suo discorso, lui come gli altri, ora come ieri. Nel corso delle sedute, il paziente è diventato notevolmente più umano. Nei suoi ricordi, che riaffioravano anch’essi, i suoi genitori hanno riacquistato un posto e non solo come “due vecchi cretini”. Senza dubbio, mi dicevo, deve aver inconsciamente voluto mettere alla prova la mia benevolenza e la mia capacità di ascolto confrontandomi con il racconto monomaniacale dei suoi fatti sessuali, solo per verificare che non sono come i suoi genitori, che incarno davvero quello che affermo di essere, che può fidarsi di me. Ho seguito quest’uomo per otto mesi, prima che raggiungesse una posizione più importante in un altro continente.

La cosa più sorprendente di questa storia è ancora il mio Daimon. Certo, avevo dati clinici oggettivi sul mia paziente ed entrambi sapevamo di essere alla nostra decima seduta, ma posso assicurarvi che nessun libro di psicopatologia psicoanalitica indica agli psicoanalisti che devono chiedere il tipo di aereo che i loro pazienti vedono in i loro sogni… Ho posto questa domanda solo questa, perché allora sapevo esattamente cosa diceva e mi diceva il suo sogno (meglio, visualizzavo molto concretamente le immagini in me), e che il paziente avrebbe associato l’elica all’amore e con me, in particolare dopo averlo sentito dire cosa rappresentavano per lui l’aereo e il pilota. Ben fatto, mio ​​Daimon!

La struttura psichica del paziente, ovviamente, comprende tratti perversi, ma soprattutto assetti difensivi all’interno di una struttura borderline (stati borderline) segnata da significative tendenze depressive. Questo paziente era tuttavia sensibile alla psicoanalisi. Ha ricevuto aiuto. La sua richiesta esigeva che fosse sufficientemente rassicurato per potersi rivelare, in modo da poter esporre a terzi le sue paure e le sue fragilità.

Continuo a trattare con rispetto i lavori teorici sulla psicoanalisi. Allo stesso modo, conservo tutta la mia simpatia per il pensiero classificatorio nato da Aristotele grazie al quale le leggi generali vengono svincolate dallo studio dei casi particolari… ma non dimentico nemmeno di restare attento alla voce del mio Daimon. Di fronte a situazioni la cui complessità a volte supera i mezzi della mia comprensione, da greco, senza orgoglio e senza vergogna, mi inchino davanti a lui sperando di sentire la sua voce.


[1] Dans la cure, cette fonction serait évidemment tenue par l’écoute psychanalytique.

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