par Thémélis Diamantis
(FRA/ITA – traduzione in fondo)
À la mémoire de Jean-Claude Piguet, mon Maître de Philosophie à l’Université de Lausanne.
« Un coup de dés jamais n’abolira le hasard » (Stéphane Mallarmé).
« La lumière montre l’ombre et la vérité le mystère » (proverbe médiéval).
« Je ne puis agir et porter des jugements de valeur dans un monde autre que celui qui trouve
en moi et tire de moi-même son sens et sa validité » (Edmund Husserl, Méditations cartésiennes).
L’autre jour, une patiente est venue en séance avec le rêve suivant (dont je ne rapporte ici que le début ; c’est elle qui parle): « c’est une grande pièce, très blanche, impersonnelle, sans décoration. Directement du plafond, contre le mur, se trouve un escalier en maçonnerie, également blanc. C’est un homme qui est attendu, mais c’est moi qui en descends. Une femme tourne le dos à la scène. Elle regarde vers l’extérieur par une fenêtre. Je m’approche d’elle. Elle se retourne et je réalise que c’est une nonne. Son visage est fermement enserré dans sa coiffe. Elle me regarde sans bienveillance ».
Nous nous trouvons ici dans le temps défini d’une cure psychanalytique autant qu’au cœur de l’édifice épistémologique tout entier de cette discipline, pris dans son double versant, clinique et théorique, puisque dans la Traumdeutung (1899-1900), Freud écrivait faire dépendre prioritairement la question de la vérité … du rêve lui-même. Des rêves des patients découleront en effet – dans l’ordre qui suit – leur investigation, la théorie du rêve, celle du psychisme et pour finir la métapsychologie (la partie la plus théorique ou la plus abstraite de cette discipline) qui comprend et expose notamment la théorie des pulsions dans ses intentions scientifiques, générales et explicatives.
Comme le rapporte Ernest Jones, Freud aurait un jour dit : « On devient psychanalyste en étudiant ses rêves ». Le rêve (en lui-même) poserait ainsi les fondations de la psychanalyse, comme le cogito celles de la certitude de l’être chez Descartes. C’est sans doute pourquoi la Traumdeutung est considérée aujourd’hui encore comme l’ouvrage théorique fondateur de cette discipline. Certes, des moyens – notamment la libre-association du patient (laquelle n’est en réalité ni libre ni arbitraire puisqu’elle relève du déterminisme psychique du rêveur et en orchestre les chaînes associatives…) – seront appliqués au rêve pour en comprendre le sens, mais ceux-ci trouvent leur ancrage épistémique dans le fait que le patient est lui-même le producteur de son rêve et qu’il est considéré que ce dernier a un sens, forcément familier et intime au patient. Cette intuition fondamentale du sens des rêves, Freud la partageait avec des traditions éloignées des principes en vigueur dans les sciences naturelles de son temps…Si les problèmes que la science s’attache à résoudre attendent leur solution de l’application maîtrisée de la raison aux faits empiriques, celle d’énigmes comme le rêve repose sur la découverte, également intuitive, du sens dont leur mystère est le témoin. La différence de leurs objets supporte celle des paradigmes épistémologiques servant à leur appréhension.
En effet, comme Freud l’écrivait en 1901 dans Sur le rêve : « À ma grande surprise, je découvris un jour que la conception non médicale du rêve, la conception profane, celle qui reste à demi prisonnière de la superstition, se rapproche de la vérité. » Si elle s’en approche, c’est parce que le rêve la dit…
Il ne rejoint d’ailleurs « ces conceptions non-médicales » (qui dans leur ensemble postulent que les rêves ont une valeur prophétique ou qu’ils véhiculent les messages que des dieux ou des esprits adressent aux hommes) que sur un unique point : celui que les rêves ont un sens, qu’ils l’expriment et qu’il convient d’en produire une interprétation. Le sens du rêve précèderait donc son interprétation, il la guide même, la rend possible. Il est de ce fait premier dans l’ordre du savoir. N’en déplaise à son fondateur, c’est bien ce postulat qui inscrit la psychanalyse dans l’horizon de la métaphysique, entendue comme dévoilement de l’être à partir de lui-même[1].
Cette idée, étendue à l’ensemble des phénomènes cliniques observables – symptômes, actes manqués, phénomènes de résistance ou de transfert, etc. – et à passablement de manifestations culturelles ou sociétales construira la psychanalyse dans toutes les dimensions de son projet, comme pratique thérapeutique, comme action culturelle et comme entreprise de savoir.
Freud ne manque jamais de préciser que la vérité des rêves est indissociable de leur caractère absurde et énigmatique. C’est à travers eux qu’elle se dit. Le rêve serait une énigme, un rébus, qui révèle autant qu’il la recouvre, la vérité psychique de celui qui le produit. L’apparente absurdité du phénomène serait donc la gardienne du sens qu’il manifeste, recouvre et contient. La vérité du rêve ne se confond donc pas avec celle à laquelle conduisent les expériences de la vie diurne ou courante. On ne peut en comparer les termes car ils appartiennent à des plans distincts[2]. La nonne et l’escalier du rêve de ma patiente lui appartiennent de manière intime ; ils font écho à des scènes de son vécu et traduisent des représentations et des interrogations personnelles ; ils ne sont à ce titre pleinement comparables avec aucune nonne ou escalier pouvant être croisés dans la vie réelle ou des escaliers et des nonnes susceptibles de peupler les rêves d’autres personnes. Rien ne ressemble, au final, moins à une nonne ou à un escalier réels qu’une nonne ou un escalier apparaissant dans un rêve, au même titre que rien ne ressemble moins à une nonne et un escalier dans le rêve d’une personne que ces mêmes éléments dans le rêve d’une autre. Si des correspondances, même symboliques, peuvent toujours exister, elles sont forcément partielles. Comment pourrait-on d’ailleurs, dans la vraie vie, descendre d’un escalier auquel aucun espace ouvert n’autorise l’accès ? Et que ferait ici une nonne au regard sévère porté sur une femme qu’elle ne connaît même pas ? C’est en perçant de tels mystères qu’on accèderait à leur sens. Pour en élargir le propos sur un plan théorique ou général, l’inconscient – comme élément théorique central de la psychanalyse – ne se donne à penser qu’au travers des énigmes du sens exprimées par les phénomènes observables qui en véhiculent la trace ou les effets par ceux qui dans la cure les mettent en actes et en mots.
Une question ainsi se pose : des énigmes singulières peuvent-elles s’accommoder de normes communes ? La psychanalyse peut-elle résoudre les mystères du sens et parvenir à une théorie explicative des phénomènes à partir de cette investigation ?
C’est sur ce point que notre propos croise la question des normes. À vrai dire, il la percute plus qu’il ne la croise à partir de l’instant où la psychanalyse revendique un statut scientifique à ses théories[3]. Mais il la rencontre tout autant sur le plan de sa cure : sur quelles normes interprétatives sa clinique repose-t-elle ? Nous retrouvons ici une question qui poursuit la psychanalyse depuis sa création : la cure comme les théories psychanalytiques relèvent-elles de la science ? Une définition des normes s’avère donc nécessaire. J’en définirai d’abord les contours existants, avant d’en proposer une variante m’apparaissant plus conforme à la spécificité épistémique de la psychanalyse.
Pour en situer l’enjeu dans les termes de l’excellente critique de Paul Ricoeur (De l’interprétation, 1965), l’herméneutique (c’est-à-dire l’activité d’interprétation) de la cure ne peut servir de fondement au physicalisme de la théorie en même temps que cette dernière servirait d’explication aux phénomènes de la cure sur lesquels porte précisément l’exercice herméneutique. C’est une tautologie avérée, une faute de raisonnement.
La psychanalyse serait-elle alors condamnée à choisir l’un des deux plans en renonçant à l’autre, en sacrifiant, par exemple, la part subjective et individuelle sur laquelle repose sa méthodologie sur le plan clinique afin de la rendre conforme aux normes en vigueur dans les sciences naturelles ? Ce serait pour elle un choix cornélien. Je pense à l’inverse qu’elle ne dispose, pour assurer la cohérence et l’unité de son projet, ni de la possibilité de choisir l’un au profit de l’autre ni d’en exclure l’un en faveur de l’autre.
En repensant la question des normes, je tenterai de montrer que la psychanalyse produit un paradigme épistémique distinct du strict naturalisme ou du monisme épistémologique que Freud pensait indissociables de la légitimité épistémique de sa découverte. Je chercherai de même à montrer que cette définition alternative des normes permet de regrouper en un même horizon la pratique et la théorie freudiennes, en assurant la continuité entre l’une et l’autre.
Sur un plan d’ensemble, toute norme s’inscrit dans l’une des deux acceptions suivantes :
- Dans l’espace social, les normes traduisent les principes qui régulent une activité collective. De ce point de vue, le Code Pénal remplit une fonction analogue à celle des règles du Monopoly ou du football. C’est à ces normes et aux instances en incarnant l’autorité qu’on fera appel pour porter un jugement sur des situations données : est normal ce qui ne contrevient pas aux règles communes. Celles-ci ont donc une valeur normative en tant qu’elles veillent au respect de la distinction entre ce qui est autorisé (voire imposé) et ce qui ne l’est pas. La norme sociale ou collective ne se confond donc pas avec l’appréciation subjective ou personnelle qu’un sujet a de ses actes. Elle constitue au contraire une référence externe à celui-ci, à laquelle des faits et des actions sont rapportés dans le but également de garantir l’équilibre commun et les intérêts collectifs.
- Dans l’espace scientifique, par contre, les normes ne véhiculent aucun jugement de valeur ; elles sont dégagées par l’étude des propriétés qui définissent une majorité de phénomènes analogues. Est normal ce qu’il est fréquent de constater et dont la science assure l’explication. C’est une observation statistique et expérimentale qui établit ici les normes. Conformément à leur héritage aristotélicien, les lois scientifiques sont obtenues à partir des propriétés communes aux divers objets qu’elles étudient ainsi que sur les différences spécifiques qui les distinguent. Comme Aristote nous l’apprend, il n’existe de science que du général et elle s’érige depuis l’étude du particulier, autrement dit des propriétés identiques et comparables entre des supports objectifs distincts. En voici deux illustrations. (1) Les propriétés du système osseux sont les mêmes pour tous les humains ; elles connaissent les mêmes variations avec l’âge (du nourrisson à la personne âgée), mais il existe des exceptions à ces normes chez certains sujets, en fonction de maladies identifiées, donc composant elles aussi une catégorie définie par ses normes propres (exemple : l’ostéogenèse imparfaite qui est une maladie génétique). De tels principes président dans le monde médical à la connaissance des propriétés du corps humain, à définir des catégories de symptômes et à élaborer des traitements visant à les résorber – quand c’est possible – en fonction de leurs causes. Les normes empiriques servant à connaître les propriétés du corps humain conduisent donc à celles servant à guérir les malades. (2) La loi de la gravitation universelle repose sur l’étude de la masse des corps, y compris celle de la Terre qui les abrite. Là aussi, on n’y compare que ce qui est comparable (les masses des corps). Les normes résultent de cette réduction aux facteurs identiques ou dont les propriétés peuvent faire l’objet d’une comparaison. La méthodologie scientifique s’emploie donc à rendre objectives, quantifiables, reproductibles et vérifiables les normes qu’elle dégage par son étude des phénomènes particuliers. C’est d’ailleurs bien la critique que Karl Popper adressait à la psychanalyse[4] en dénonçant le caractère expérimentalement non-falsifiable de ses hypothèses…
Pour reprendre le paradigme du rêve, l’absurdité singulière qui le caractérise peut-elle servir aux besoins d’une comparaison objective sur laquelle reposent l’activité scientifique et les normes qui lui valant sa reconnaissance publique ? L’intimité du sens dont la psychanalyse fait l’objet de son investigation clinique et sur laquelle elle fonde son objectif thérapeutique ne l’éloigne-t-elle pas du monde factuel commun, et en définitive du projet scientifique tout entier ?
Pour le dire autrement, l’attention prioritaire portée au sens singulier de phénomènes émanant d’individus qui le sont tout autant, invalident-ils définitivement la psychanalyse dans ses ambitions de savoir ou sont-ils les ferments de sa formidable singularité épistémique, les garants de ses pouvoirs thérapeutiques et de l’innovation théorique à laquelle la cure l’a menée ? C’est ce dernier point de vue que je chercherai à défendre, mais qui pour cela exige de repenser la question des normes.
Comme les normes sociales, celles constituant les lois scientifiques excèdent la case des sujets singuliers ; elles les définissent sur un plan général, de l’extérieur d’eux-mêmes, puisqu’elles déterminent toujours un ensemble d’individus considérés sous le jour de ce qui les unit ou les rend semblables. C’est à l’extérieur d’eux-mêmes que les phénomènes ou les sujets sont rapportés – aux catégories dégagées par le regroupement des caractéristiques communes ou comparables – afin de rendre compte de leurs propriétés intrinsèques ou juger de leur normalité. Un justiciable ou un diabétique sera toujours, aux yeux du Droit ou de la Médecine, un justiciable ou un diabétique parmi d’autres. Ce qui est vrai pour l’un l’est aussi pour les autres (tous les conducteurs automobiles ont – en principe – un permis de conduire valable, de même que tous les diabétiques connaissent des problèmes liés à l’insuline). De la même façon, les principes s’appliquant aux uns s’appliquent aussi aux autres (en tenant compte, le cas échéant, des différences spécifiques entre les classes ou les catégories de sujets) : la sanction encourue est en principe la même si l’infraction routière est identique, tout comme un traitement à base d’insuline s’impose à tous les diabétiques de type 1.
Dans l’ensemble des situations recourant à des normes, les sujets ou les phénomènes sont donc bien des cas particuliers ; leur singularité ne participe pas davantage à l’élaboration des normes qu’à la manière dont celles-ci s’appliquent à eux. Être, par exemple, roux, polyglotte, danseur de claquettes, professeur de mathématiques, avoir ou non la Foi et avoir perdu son père dans un accident d’avion à l’âge de cinq ans ne change rien à la manière dont un sujet est un justiciable ou un diabétique. Pour comprendre par contre un rêve et l’individu qui le produit, chacune de ces données peut s’avérer essentielle…Ma patiente, pour revenir à notre exemple, a grandi dans une culture catholique dont elle s’est progressivement distanciée et entretient avec sa mère une relation complexe qui l’amène à interroger la nature des sentiments que cette dernière lui portait durant son enfance (voire même du temps où elle était attendue…). Comme tout rêve, celui de ma patiente est hors-normes en tant qu’il met en scène une situation singulièrement absurde et invraisemblable au regard de toute norme de la vie réelle, en même temps qu’il est totalement normal, rapporté à la configuration psychique de son auteur. Il lui ressemble et il l’exprime même mieux qu’elle ne le ferait elle-même. Il traduit la vérité des questionnements qui sont les siens, réfléchit son parcours de vie et son organisation fantasmatique. Il n’y avait qu’elle pour rêver d’un tel contenu sous cette forme, au même titre que seul Francis Bacon pouvait peindre les toiles dont il est à l’origine ou Mozart composer ses sonates, concertos, symphonies et opéras. Pour prolonger cette comparaison entre la musique et la psychanalyse, les mêmes notes ont la même valeur sur des partitions différentes (elles sont à ce titre particulières) mais conduisent dans la réalité sonore qu’elles produisent à la création d’œuvres singulières et représentatives des sensibilités individuelles de leurs auteurs respectifs. Beethoven et Schubert, morts à un an d’écart, ont produit des œuvres distinctes et singulières en utilisant les mêmes notes, en se référant aux mêmes principes musicologiques et en appartenant à une même culture musicale. C’est la singularité de la « musique » produite par les « notes » des patients que les psychanalystes tentent de recueillir et de restituer à leur intention. En musique comme en psychanalyse, le tout est toujours singulier et contient davantage que la somme de ses parties d’autant que les manifestations des patients entretiennent à l’intérieur d’elles-mêmes et entre elles, une dynamique qui leur est propre et en dehors de laquelle la question de leur sens ne peut être élucidée. On nomme cette dynamique interne l’idiosyncrasie individuelle. Celle-ci diffère ainsi du strict principe de causalité sur lequel reposent les sciences naturelles et les théories qui en consignent les connaissances. L’idiosyncrasie en psychanalyse relève plus d’une corrélation intime et singulière que d’une causalité objective avérée depuis un point de vue externe.
L’inconscient ne se comprend pas dans des comparaisons car il s’exprime, comme Lacan nous le dit, par des métaphores et des métonymies. Les notions freudiennes de déplacement et de condensation pointent en direction de cette même réalité. L’ « objet interne » dont la connaissance constitue le projet de la psychanalyse et dont l’étude s’effectue par l’analyse des récits ne peut être appréhendé par les mêmes moyens que ceux qui servent à la connaissance empirique des réalités naturelles dont s’occupent les sciences du même nom.
Il est généralement admis que la psychanalyse est une clinique du sujet avant d’être une clinique du symptôme. La notion de normes place ainsi la psychanalyse face à une double difficulté[5] – clinique et théorique – concentrée autour des questions de l’individuel (ou du singulier)[6] figurant au cœur de son paradigme clinique. Par individuel, il s’agit d’entendre qu’aucune personne, aucun rêve ou élément de rêve, aucun parcours de vie, aucun récit personnel, aucun symptôme, aucune relation intersubjective (a fortiori dans le cadre de la cure psychanalytique), etc. n’est pleinement identique à d’autres, même si des similitudes entre eux existent. Chaque patient est considéré en psychanalyse comme le producteur de phénomènes qui sous le jour de l’inconscient constituent sa signature psychique propre et dont la signification est mise à jour dans le cadre de la relation (elle aussi) singulière qui l’unit à son psychanalyste, notamment dans le transfert. La psychanalyse ne peut de ce fait fonder la spécificité de son savoir uniquement sur les phénomènes particuliers, ne pouvant se permettre de réduire entièrement ceux qui les produisent aux propriétés communes que leurs manifestations partageraient avec d’autres car au fond chacun de nous n’est pleinement comparable qu’à lui-même[7] en même temps qu’il est le dépositaire de son énigme intime personnelle qu’il habite seul et dont il est seul capable de faire émerger la nature.
Les seules comparaisons véritablement utiles ou éclairantes en psychanalyse, comme Jean-Claude Rolland l’a admirablement démontré[8], ne s’effectuent pas avec des tiers externes mais entre les phénomènes exprimés par une même personne, à l’intérieur du champ discursif qu’elle produit. C’est la résonance interne et intime entre les parties qui dirige l’interprétation dans la cure sur le mode d’une circularité herméneutique portée par les affects et les représentations : le tout se comprend par chaque détail et chaque détail par le tout. En psychanalyse, les manifestations des patients entretiennent à l’intérieur des totalités qui les constituent ainsi qu’entre celles-ci, une dynamique qui leur est propre et à laquelle il convient de confier le processus de la connaissance clinique. Le psychanalyste cherche à accompagner ses patients ou les phénomènes qu’ils produisent, de l’intérieur de ceux-ci (par une compréhension et une écoute empathique) plutôt qu’en s’employant à les normer extérieurement.
La psychanalyse rejoint ainsi à sa manière l’idée de totalités et de relations internes, comme on les trouve chez Gilles Deleuze ou Bertrand Russel, dans le sillage de la pensée hégelienne. Sans entrer plus avant dans un débat philosophique qui nous éloignerait de notre sujet, je souhaite seulement souligner ici le fait que Freud, à contre-courant de l’approche en vigueur dans les sciences naturelles, a toujours privilégié une approche interne aux phénomènes et à la relation, autrement dit en situant l’investigation à l’intérieur de ce qui relie le producteur du phénomène à ce dernier et le patient à son psychanalyste. C’est pourquoi tout analyste retourne, d’une manière ou d’une autre, à ses patients la question du sens des phénomènes qu’ils produisent.
Je défendrai sur ce modèle la nécessité de fonder la connaissance en psychanalyse sur des « normes internes », tant sur le plan clinique que théorique de cette discipline, à l’inverse des normes – sociales ou scientifiques – dont l’élaboration et l’application reposent, comme nous l’avons vu, sur un ensemble de « normes externes » construites sur des catégories regroupant des sujets réduits à ce qui les rend objectivement comparables. Ces normes internes émergeraient de l’intérieur des ensembles qui les mettent en scène, sur le plan de la pratique comme sur celui de la théorie. Elles traduiraient ce qui y fait sens dans un effet de résonance interne, intime et dynamique. C’est de l’intérieur des totalités qu’ils forment que se comprendraient le sens de phénomènes cliniques comme les rêves ou le transfert … mais aussi les théorisations de la psychanalyse. Tous engagent, afin de les comprendre, l’intimité psychique de ceux qui les croisent avant même l’usage de leur raison. En psychanalyse, ce que l’on comprend et qu’on ressent ou qu’on éprouve (intérieurement) dirige également l’élaboration et la compréhension des principes explicatifs propres à cette discipline.
Sur le plan clinique de la psychanalyse, la norme est forcément celle du sujet. Elle se définit – ou mieux, se découvre – à partir de lui-même, dans la résolution progressive des énigmes qu’il exprime, par sa dynamique psychique propre, à l’intérieur de ses manifestations, en les rapportant les unes aux autres ainsi qu’au sein de la relation transférentielle (qui en assure la reproduction dans le temps et l’espace de la cure), elle aussi singulière. C’est de l’intérieur de ses manifestations que le patient en découvre le sens, avec l’aide de son analyste. Les connaissances théoriques de ce dernier participent évidemment de ce mouvement du savoir ; on pourrait à ce titre les considérer comme un facteur externe au patient, mais en fait même le bagage théorique se voit intégré à l’interprétation produite en s’appuyant sur les exemples fournis (rêves, scènes, etc.) et les termes (et les mouvements d’affects) amenés par les patients et perlaborés durant la cure. C’est de l’intérieur des récits singuliers et des liens intersubjectifs unissant les acteurs de la cure que leur sens se révèle, en y intégrant la composante extérieure que la théorie représente et non en subordonnant les faits cliniques à son autorité ou à la vérité abstraite dont elle serait la garante au titre d’une norme externe au sujet. Une vérité singulière se dit d’elle-même et dans sa norme propre ; elle n’attend pas de la recevoir de l’extérieur.
C’est en cela que la psychanalyse est une Deutungskunst, un art de l’interprétation, comme Freud la désignait, une intuition des correspondances internes entre les phénomènes ou entre leurs parties.
Peut-on pour autant justifier les concepts de la psychanalyse ou la validité des théorisations auxquelles elle est parvenue depuis son exercice clinique ?
Revendiquer une telle légitimité sur le seul modèle des sciences me semble vain et même contraire aux intérêts de la psychanalyse. Je préfère depuis longtemps[9] leur attribuer un statut de modélisations conceptuelles dégagées par l’étude du sens des phénomènes cliniques. La valeur de ces modélisations est paradigmatique, elle traduit une mise en sens autant qu’en concepts à des fins explicatives, sur le modèle des sciences naturelles, tout en se situant en décalage de celles-ci. Ce paradoxe s’explique sans doute par le fait que la Deutung (interprétation) allemande, telle qu’on la trouve chez Freud également, unit les versants de la compréhension et de l’explication. Adoptant une forme explicative, les théories de la psychanalyse visent selon moi simultanément à produire une compréhension du sens (celui des phénomènes cliniques que la psychanalyse étudie autant que celui propre à la théorie et aux concepts eux-mêmes par lesquels cette lecture est produite).
Comme en réponse au rêve, les théories de la psychanalyse chercheraient à pointer en direction d’un objet énigmatique et ne pouvant être directement appréhendé sur un mode empirique. Ma proposition est qu’il faut donc saisir le sens des propositions théoriques en ayant préalablement éprouvé (c’est-à-dire intérieurement rencontré et ressenti) celui des phénomènes dont la psychanalyse assure l’exploration clinique. Sur le plan pratique et théorique de la psychanalyse, il faut comprendre le sens des choses que l’on entend ; et j’ajouterai, le comprendre de l’intérieur, dans la cure comme pour la théorie. La parole théorique devrait en quelque sorte être accueillie comme celle du patient, dans l’espoir qu’elle vienne rencontrer quelque chose en nous.
De même que je mets au défi n’importe quel psychanalyste de prouver que les rêves ont un sens ou que l’inconscient existe (de la manière dont le pancréas, par exemple, existe), je les défie également de prouver que les hypothèses de la théorie répondent aux normes de la démarche scientifique.
Je considère ainsi que le savoir théorique de la psychanalyse repose sur la même articulation que celle qui fonde sa clinique, qu’il en produit la répétition sur un changement de plan : sur chacun d’eux, le dévoilement du sens et le ressenti qui l’accompagne précèdent et induisent leur compréhension par la raison de ceux qui les rencontrent. Dans la cure, on comprend, des deux côtés du divan, ce qu’on a ressenti. N’en serait-il alors pas de même pour la théorie ?
C’est sur ce point que les théories de la psychanalyse diffèrent fondamentalement de celles des sciences puisque le sens de phénomènes intimes ne se dégage pas, de la manière dont les sciences naturelles le pratiquent dans leur domaine, de l’étude des phénomènes particuliers directement observables. Le sens des phénomènes comme leur théorisation par la psychanalyse ne relèvent pas d’un procédé analogue à celui par lequel la Médecine étudie et théorise le pancréas, par exemple. L’inconscient – comme propriété psychique des humains ou en tant que concept principal de la théorie – ne s’accommode pas d’un tel principe épistémique. Ce sont les conséquences de ce constat, notamment sur la théorie psychanalytique, qu’il nous faudra évaluer.
En effet, si les propriétés du pancréas figurent dans des manuels de Médecine, c’est parce que le pancréas lui-même a été empiriquement vu et étudié. Le sens des rêves, à titre comparatif, est-il un objet, un phénomène particulier d’étude empirique ? L’inconscient existe-t-il de la façon dont le pancréas existe, comme réalité naturelle sur laquelle un savoir théorique peut être produit ? Est-il dès lors possible pour la psychanalyse de parvenir à une théorie de l’inconscient ou à la constitution de lois générales et normatives sur le modèle scientifique né d’Aristote ?
Pour résumer mon point de vue, j’avance l’idée que les théories psychanalytiques traduisent une proposition de pensée – une modélisation – sur le sens des phénomènes, puisque ce dernier – à l’inverse des phénomènes qui le révèlent – ne peut faire l’objet d’une étude empirique. C’est du sens que la psychanalyse veut parvenir à des lois ou à des normes. La difficulté à laquelle elle doit faire face, est que celui-ci n’est rendu visible que par les phénomènes qui l’expriment. C’est tout le paradoxe de la psychanalyse : son objet véritable se situerait en amont de ce qui peut être vu et étudié autant qu’il est indissociable des phénomènes qui le révèlent. C’est bien à ce paradoxe que Freud donne le nom d’inconscient… Comment une telle particularité ne se retrouverait-elle dès lors pas dans les concepts et les théories d’une discipline dont cette notion assure le centre ? Personne ne peut voir ou toucher l’inconscient, de la même façon que des principes comme les processus primaires (déplacement, condensation, absence de contradiction, atemporalité…) sont irreprésentables, flous, invérifiables ; ils semblent dire une chose et son contraire, etc. Pourtant, ce vocabulaire et les concepts qu’il accompagne sont les représentants incontournables de l’innovation produite par la psychanalyse autant que de son identité épistémique. Sans sa méthode et ses théories, la psychanalyse n’existerait pas. Il est donc … normal que ses théories se distinguent de celles produites par les sciences naturelles, car elles ont pour ambition de réfléchir le sens des phénomènes plutôt que de produire une stricte explication scientifique de ses supports empiriques.
Plutôt que d’affirmer ainsi, comme Freud le faisait parfois, qu’il existe « de nombreuses preuves de l’existence de l’inconscient », je préfère dire que je crois en la pertinence du concept d’inconscient (des pulsions de vie et de mort, de l’angoisse de castration, des processus primaires, du complexe d’Œdipe, etc.) en fondant cette affirmation sur le sens des phénomènes cliniquement étudiés et celui des extensions théoriques dont ces dernières sont une modélisation rationnelle. La psychanalyse, dans son ensemble (pratique et théorie) cherche à faire voir le sens des vérités psychiques intimes. Sa volonté de faire science se voit de ce fait subordonnée à l’exigence de faire sens que son objet clinique lui a imposée. C’est également par la revendication assumée de cette singularité épistémique qu’il lui est possible de prendre part au débat psychopathologique général, en partageant avec d’autres les catégories qui composent ce domaine (psychoses, névroses, perversions, états-limites, etc.). La psychanalyse en partage la nosologie en cherchant à y apportant sa propre lecture étiopathologique, les théories auxquelles elle est parvenue et les principes thérapeutiques qui sont les siens[10].
Georges Braque a dit un jour : « les preuves fatiguent la vérité » ; et Paul Klee : « l’art ne reproduit pas le visible, il rend visible ». Fonder les théories psychanalytiques sur le sens plutôt que sur la preuve revient à en subordonner la pertinence au pouvoir interne de résonance qu’elles détiennent plutôt qu’à leur valeur normative et déterminative externe.
Freud lui-même, dans ses Nouvelles conférences (1932) semblait d’ailleurs penser la même chose au moment d’affirmer que « la théorie des pulsions est pour ainsi dire notre mythologie. Les pulsions sont des êtres mythiques, grandioses dans leur indétermination ».
Sorte de « métacroyance », la métapsychologie, sur le modèle du rêve[11] auquel la psychanalyse dans son ensemble doit son impulsion créatrice, serait elle-même une énigme épistémologique tentant de donner du sens au mystère des phénomènes cliniques dont elle explore le sens. Comprendre la théorie psychanalytique ne se réduirait ainsi pas à saisir intellectuellement le contenu des concepts qui la composent mais leur sens, dans la correspondance théorique interne des concepts (on ne comprend pas le déplacement sans la condensation, l’absence de contradiction, l’atemporalité, etc.) autant que par la façon intime dont ceux-ci rencontrent (ou non) en chacun les énigmes du sens dont il est le témoin vivant. Il conviendrait en somme de comprendre la théorie en nous et non comme une norme externe dégagée par un travail exclusif de la raison et qui nous définirait de manière unilatéralement explicative.
Les théories de la psychanalyse pourraient en de telles conditions représenter une véritable norme, dont la reconnaissance serait en quelque sorte réservée à ceux qui sont sensibles aux mystères parlants que Freud avant d’autres s’est employé à étudier, à mettre en mots et en concepts.
Les psychanalystes s’agacent souvent de l’accusation qui leur est faite d’appartenir à une secte, d’être des illuminés (qui voient du sens partout) plutôt que des scientifiques rigoureux qui s’attachent à l’étude des faits. Je m’en attriste évidemment, au même titre que l’ensemble de mes confrères et consœurs, mais ajouterai peut-être aussi à leur intention que cette accusation – dont il faut aussi savoir accepter la légitimité à partir du moment où Freud revendiquait pour sa découverte un statut de science naturelle – représente peut-être le prix à payer pour garantir à la psychanalyse la préservation de l’intégralité du champ formé par sa pratique et sa théorie. L’exploration et la mise en théorie des phénomènes par les moyens propres à cette discipline lui valent, jusque dans nos jours, sa place spécifique dans le concert des savoirs, et peut-être même … ses lettres de noblesse.
I misteri del senso alla luce delle norme: quale spazio per dire e pensare la psicoanalisi?
di Thémélis Diamantis
In ricordo di Jean-Claude Piguet, mio maestro in Filosofia all’Università di Losanna.
« Un coup de dés jamais n’abolira le hasard » (Stéphane Mallarmé).
« La lumière montre l’ombre et la vérité le mystère » (proverbe médiéval).
« Je ne puis agir et porter des jugements de valeur dans un monde autre que celui qui trouve en moi et tire de moi-même son sens et sa validité » (Edmund Husserl, Méditations cartésiennes).
L’altro giorno una paziente è venuta in seduta con il seguente sogno (di cui riporto qui solo l’inizio; è lei a parlare): “è una stanza grande, bianchissima, impersonale, senza decorazioni. Direttamente dal soffitto, addossato al muro, parte una scala in muratura, anch’essa bianca. È un uomo quello che si attende, ma sono io che scendo. Una donna volta le spalle alla scena. Lei guarda fuori da una finestra. Mi avvicino a lei. Si gira e mi rendo conto che è una suora. Il suo viso è saldamente racchiuso nel suo copricapo. Mi guarda severamente.”
Ci troviamo qui nel tempo definito di una cura psicoanalitica come nel cuore dell’intero edificio epistemologico di questa disciplina, intesa nel suo duplice aspetto, clinico e teorico, poiché nella Traumdeutung (1899-1900), Freud riteneva far dipendere la questione della verità innanzitutto… dal sogno stesso. Dai sogni dei pazienti nasceranno infatti – nell’ordine – la loro indagine, la teoria dei sogni, quella della psiche e infine la metapsicologia (la parte più teorica o più astratta di questa disciplina) che comprende e spiega in particolare la teoria delle pulsioni nelle sue intenzioni scientifiche, generali ed esplicative.
Come riporta Ernest Jones, Freud una volta disse: “Diventi uno psicoanalista studiando i tuoi sogni”. Il sogno (in sé) getterebbe così le basi della psicoanalisi, come il cogito quelle della certezza di essere in Cartesio. Questo è senza dubbio il motivo per cui la Traumdeutung è considerata ancora oggi l’opera teorica fondativa di questa disciplina. Certamente degli strumenti- in particolare la libera associazione del paziente (che in realtà non è né libera né arbitraria poiché dipende dal determinismo psichico del sognatore e ne orchestra le catene associative…) – verranno applicati al sogno per comprenderne il significato, ma questi trovano il loro ancoraggio epistemico nel fatto che il paziente è lui stesso il produttore del suo sogno e che si ritiene che quest’ultimo abbia un significato, necessariamente familiare e intimo al paziente stesso. Freud condivise questa fondamentale intuizione del significato dei sogni con tradizioni lontane dai principi vigenti nelle scienze naturali del suo tempo…Se i problemi che la scienza cerca di risolvere attendono la loro soluzione dall’applicazione controllata della ragione ai fatti empirici, quella degli enigmi come i sogni poggia sulla scoperta, altrettanto intuitiva, del significato di cui è testimone il loro mistero. La differenza dei loro oggetti supporta quella dei paradigmi epistemologici utilizzati per la loro comprensione.
Infatti, come scriveva Freud nel 1901 in Sul sogno: “Con mia grande sorpresa, ho scoperto un giorno che la concezione non medica del sogno, la concezione profana, quella che rimane semiprigioniera della superstizione, è vicina alla verità. » Se si avvicina è perché lo dice il sogno…
Inoltre, concorda con “queste concezioni non mediche” (che nel loro insieme postulano che i sogni abbiano un valore profetico o che trasmettano i messaggi che gli dei o gli spiriti indirizzano agli uomini) solo su un punto: che i sogni hanno un significato, che lo esprimono e che è opportuno produrre un’interpretazione. Il significato del sogno precede quindi la sua interpretazione, addirittura la guida, la rende possibile. È quindi il primo nell’ordine della conoscenza. Con tutto il rispetto per il suo fondatore, è proprio questo postulato che colloca la psicoanalisi nell’orizzonte della metafisica, intesa come svelamento dell’essere a partire da se stesso.
Questa idea, estesa a tutti i fenomeni clinici osservabili – sintomi, azioni mancate, fenomeni di resistenza o transfert, ecc. – e un buon numero di manifestazioni culturali o sociali costruirà la psicoanalisi in tutte le dimensioni del suo progetto, come pratica terapeutica, come azione culturale e come impresa di conoscenza.
Freud non manca mai di sottolineare che la verità dei sogni è inseparabile dal loro carattere assurdo ed enigmatico. È attraverso loro che parla. Il sogno sarebbe un enigma, un rebus, che rivela tanto quanto la nasconde, la verità psichica di chi lo produce. L’apparente assurdità del fenomeno sarebbe quindi custode del significato che esso manifesta, copre e contiene. La verità del sogno non è quindi da confondere con quella a cui portano le esperienze della vita diurna o di tutti i giorni. Non possiamo confrontare i termini perché appartengono a piani distinti. La suora e la scala del sogno della mia paziente le appartengono in modo intimo; fanno eco a scene delle sue esperienze e traducono rappresentazioni e domande personali; In quanto tali, non sono del tutto paragonabili a nessuna suora o scala che si possa incontrare nella vita reale o a scale e suore che potrebbero popolare i sogni di altre persone. Niente, in definitiva, somiglia meno a una vera suora o a una scala di una suora o una scala che appare in un sogno, così come niente assomiglia meno a una suora e a una scala nel sogno di una persona di questi stessi elementi nel sogno di un altro. Se le corrispondenze, anche simboliche, possono sempre esistere, esse sono necessariamente parziali. Come si potrebbe, nella vita reale, scendere una scala alla quale nessuno spazio aperto consente l’accesso? E cosa farebbe qui una suora con lo sguardo severo verso una donna che nemmeno conosce? È svelando tali misteri che potremo accedere al loro significato. Per ampliare il discorso sul piano teorico o generale, l’inconscio – in quanto elemento teorico centrale della psicoanalisi – viene alla mente solo attraverso gli enigmi di senso espressi dai fenomeni osservabili che ne portano la traccia o gli effetti da parte di chi nella cura pone trasformarli in azioni e parole.
Sorge quindi una domanda: possono gli enigmi singolari adattarsi a standard comuni? Può la psicoanalisi risolvere i misteri del significato e pervenire a una teoria esplicativa dei fenomeni basata su questa indagine?
È su questo punto che le nostre osservazioni si incrociano con la questione delle norme. A dire il vero, egli la centra dal momento in cui la psicoanalisi rivendica uno statuto scientifico per le sue teorie. Ma la incontra anche sul piano della sua cura: su quali canoni interpretativi si fonda la sua clinica? Qui troviamo una domanda che perseguita la psicoanalisi fin dalla sua creazione: il trattamento come le teorie psicoanalitiche fanno parte della scienza? È quindi necessaria una definizione di regole. Ne definirò innanzitutto i contorni esistenti, prima di proporre una variante che mi sembra più coerente con la specificità epistemica della psicoanalisi.
Per situare la questione nei termini dell’eccellente critica di Paul Ricoeur (De l’interpretation, 1965), l’ermeneutica (cioè l’attività interpretativa) della cura non può servire da fondamento al fisicalismo della teoria allo stesso tempo poiché quest’ultimo servirebbe a spiegare i fenomeni della cura su cui appunto si concentra l’esercizio ermeneutico. Questa è una tautologia provata, un errore di ragionamento.
La psicoanalisi sarebbe allora condannata a scegliere uno dei due piani rinunciando all’altro, sacrificando, ad esempio, la parte soggettiva e individuale su cui si fonda la sua metodologia sul piano clinico per renderla conforme alle norme in vigore nelle scienze naturali? Sarebbe un dilemma corneliano. Ritengo, invece, che, per garantire la coerenza e l’unità del suo progetto, non abbia né la possibilità di sceglierne uno a vantaggio dell’altro né di escludere l’uno a favore dell’altro.
Ripensando la questione delle norme, cercherò di mostrare che la psicoanalisi produce un paradigma epistemico distinto dal rigoroso naturalismo o dal monismo epistemologico che Freud riteneva inseparabili dalla legittimità epistemica della sua scoperta. Cercherò anche di mostrare che questa definizione alternativa di norme permette di riunire pratica e teoria freudiana sullo stesso orizzonte, garantendo la continuità tra l’una e l’altra.
A livello generale, qualsiasi standard rientra in uno dei due significati seguenti:
1) Nello spazio sociale le norme traducono i principi che regolano l’attività collettiva. Da questo punto di vista il codice penale svolge una funzione simile a quella delle regole del Monopoli o del calcio. È a questi standard e alle autorità che ne sono autorità che ci appelleremo per esprimere un giudizio su determinate situazioni: ciò che è normale è ciò che non contravviene alle regole comuni. Queste hanno quindi valore normativo in quanto assicurano il rispetto della distinzione tra ciò che è autorizzato (o addirittura imposto) e ciò che non lo è. La norma sociale o collettiva non va quindi confusa con la valutazione soggettiva o personale che un soggetto ha delle proprie azioni. Costituisce, al contrario, un riferimento esterno ad essa, al quale riferire fatti e azioni anche al fine di garantire equilibri comuni e interessi collettivi.
2) In ambito scientifico, invece, gli standard non esprimono alcun giudizio di valore; vengono individuati attraverso lo studio delle proprietà che definiscono la maggior parte dei fenomeni analoghi. Normale è ciò che si osserva frequentemente e per il quale la scienza fornisce la spiegazione. È un’osservazione statistica e sperimentale che stabilisce gli standard qui. Secondo la loro eredità aristotelica, le leggi scientifiche si ottengono dalle proprietà comuni ai vari oggetti studiati così come dalle differenze specifiche che li distinguono. Come ci insegna Aristotele, esiste solo la scienza del generale e si fonda sullo studio del particolare, cioè delle proprietà identiche e comparabili tra supporti oggettivi distinti. Ecco due esempi. (A) Le proprietà del sistema osseo sono le stesse per tutti gli esseri umani; presentano le stesse variazioni con l’età (dai neonati agli anziani), ma esistono eccezioni a questi standard in alcuni soggetti, a seconda delle malattie identificate, componendo quindi anche una categoria definita dai loro stessi standard (esempio: l’osteogenesi imperfetta che è una malattia genetica malattia). Tali principi governano nel mondo medico la conoscenza delle proprietà del corpo umano, la definizione di categorie di sintomi e lo sviluppo di trattamenti volti a risolverli – quando possibile – in base alle loro cause. Gli standard empirici utilizzati per conoscere le proprietà del corpo umano portano quindi a quelli utilizzati per curare i malati. (B) La legge di gravitazione universale si basa sullo studio della massa dei corpi, compresa quella della Terra che li ospita. Anche qui confrontiamo solo ciò che è paragonabile (le masse dei corpi). Gli standard risultano da questa riduzione a fattori identici o le cui proprietà possono essere oggetto di un confronto. La metodologia scientifica lavora quindi per rendere oggettivi, quantificabili, riproducibili e verificabili gli standard che individua attraverso lo studio di particolari fenomeni. Questa è infatti la critica che Karl Popper rivolse alla psicoanalisi denunciando il carattere sperimentalmente non falsificabile delle sue ipotesi…
Per tornare al paradigma del sogno, la singolare assurdità che lo caratterizza può servire alle esigenze di un confronto oggettivo su cui si fonda l’attività scientifica e i criteri che le valgono il pubblico riconoscimento? L’intimità di significato di cui la psicoanalisi è oggetto della sua indagine clinica e su cui fonda il suo obiettivo terapeutico non la allontana forse dal mondo fattuale comune e, in definitiva, dall’intero progetto scientifico?
In altri termini, l’attenzione prioritaria al significato singolare di fenomeni provenienti da individui altrettanto singolari invalida definitivamente la psicoanalisi nelle sue ambizioni conoscitive o sono essi i fermenti della sua formidabile singolarità epistemica, i garanti della sua azione terapeutica? poteri e l’innovazione teorica a cui la cura lo ha portato? È quest’ultimo punto di vista che cercherò di difendere, ma per farlo è necessario ripensare la questione delle norme.
Come le norme sociali, quelle che costituiscono le leggi scientifiche vanno oltre la scatola dei soggetti singolari; li definiscono a livello generale, dall’esterno di sé, poiché determinano sempre un insieme di individui considerati alla luce di ciò che li unisce o li rende simili. È fuori di sé che i fenomeni o i soggetti vengono messi in relazione – alle categorie individuate dal raggruppamento di caratteristiche comuni o comparabili – per rendere conto delle loro proprietà intrinseche o giudicarne la normalità. Un imputato o un diabetico sarà sempre, agli occhi della legge o della medicina, un imputato o un diabetico tra gli altri. Ciò che vale per gli uni vale anche per gli altri (tutti gli automobilisti – in linea di principio – hanno una patente di guida valida, così come tutti i diabetici soffrono di problemi legati all’insulina). Allo stesso modo, i principi che valgono per alcuni valgono anche per altri (tenendo conto, ove applicabile, delle specifiche differenze tra classi o categorie di soggetti): la sanzione inflitta è in linea di principio la stessa se l’infrazione stradale è la stessa, basta poiché il trattamento con insulina è necessario per tutti i diabetici di tipo 1.
In tutte le situazioni che utilizzano norme, i soggetti o i fenomeni sono quindi casi particolari; la loro singolarità non partecipa allo sviluppo delle norme più di quanto non lo sia il modo in cui queste si applicano ad esse. Essere, ad esempio, rosso di capelli, multilingue, ballerino di tip tap, insegnante di matematica, avere o non avere la Fede e aver perso il padre in un incidente aereo all’età di cinque anni, non cambia il modo di un imputato o un diabetico. Per comprendere invece un sogno e l’individuo che lo produce, ognuno di questi dati può rivelarsi essenziale… La mia paziente, per tornare al nostro esempio, è cresciuta in una cultura cattolica dalla quale si è progressivamente allontanata e mantiene con la madre un rapporto complesso che la porta a interrogarsi sulla natura dei sentimenti che quest’ultima nutriva per lei durante la sua infanzia (o anche durante il periodo in cui era attesa…). Come ogni sogno, quello del mio paziente è straordinario in quanto descrive una situazione singolarmente assurda e improbabile rispetto a qualsiasi standard di vita reale, e allo stesso tempo del tutto normale, rispetto alla configurazione psichica del suo autore. Le somiglia e lo esprime anche meglio di quanto farebbe lei stessa. Traduce la verità delle sue domande, riflette sul suo percorso di vita e sulla sua organizzazione fantastica. Lei era l’unica a sognare un simile contenuto in questa forma, allo stesso modo in cui solo Francis Bacon poteva dipingere i quadri da lui creati o Mozart comporre le sue sonate, concerti, sinfonie e opere. Per estendere questo paragone tra musica e psicoanalisi, le stesse note hanno lo stesso valore su partiture diverse (sono particolari in questo senso) ma conducono nella realtà sonora che producono alla creazione di opere singolari e rappresentative delle sensibilità individuali dei rispettivi autori. Beethoven e Schubert, morti a un anno di distanza, produssero opere distinte e singolari utilizzando le stesse note, riferendosi agli stessi principi musicologici e appartenenti alla stessa cultura musicale. È la singolarità della “musica” prodotta dalle “note” dei pazienti che gli psicoanalisti tentano di raccogliere e restaurare a loro beneficio. Nella musica come nella psicoanalisi, l’insieme è sempre singolare e contiene più della somma delle sue parti, tanto più che le manifestazioni dei pazienti mantengono, in se stessi e tra di loro, una dinamica che è loro specifica e all’esterno della quale si pone la questione della il loro significato non può essere chiarito. Chiamiamo questa idiosincrasia individuale dinamica interna. Ciò si differenzia quindi dallo stretto principio di causalità su cui si basano le scienze naturali e le teorie che ne documentano le conoscenze. L’idiosincrasia in psicoanalisi si riferisce più a una correlazione intima e singolare che a una causalità oggettiva dimostrata da un punto di vista esterno.
L’inconscio non può essere compreso per paragone perché si esprime, come ci dice Lacan, attraverso metafore e metonimie. Le nozioni freudiane di spostamento e condensazione puntano nella direzione di questa stessa realtà. L’“oggetto interno” la cui conoscenza costituisce il progetto della psicoanalisi e il cui studio si realizza attraverso l’analisi delle storie non può essere colto con gli stessi mezzi che servono alla conoscenza empirica delle realtà naturali di cui si occupano le scienze della stessa. nome.
È generalmente accettato che la psicoanalisi sia una clinica del soggetto prima ancora che una clinica del sintomo. La nozione di norma pone quindi la psicoanalisi di fronte a una doppia difficoltà – clinica e teorica – concentrata attorno alle questioni dell’individuo (o del singolare) che appaiono al centro del suo paradigma clinico. Per individuo intendiamo che nessuna persona, nessun sogno o elemento onirico, nessun percorso di vita, nessuna storia personale, nessun sintomo, nessuna relazione intersoggettiva (a fortiori nel contesto del trattamento psicoanalitico), ecc. non è completamente identico agli altri, anche se esistono somiglianze tra loro. Ciascun paziente è considerato in psicoanalisi come produttore di fenomeni che, alla luce dell’inconscio, costituiscono la propria firma psichica e il cui significato viene portato alla luce nel quadro della relazione (anche) singolare che lo unisce al suo psicoanalista. soprattutto nel trasferimento. La psicoanalisi non può quindi fondare la specificità della sua conoscenza unicamente su fenomeni particolari, poiché non può permettersi di ridurre del tutto quelli che li producono alle proprietà comuni che le loro manifestazioni condividerebbero con gli altri perché in fondo ciascuno di noi non è pienamente paragonabile che a se stesso , in quanto custode del suo personale intimo enigma che abita solo in lui e di cui solo lui è capace di far emergere la natura.
Gli unici confronti veramente utili o illuminanti in psicoanalisi, come ha mirabilmente dimostrato Jean-Claude Rolland, non si fanno con terzi esterni ma tra i fenomeni espressi dalla stessa persona, all’interno del campo discorsivo che essi producono. È la risonanza interna e intima tra le parti che orienta l’interpretazione nella cura secondo le modalità di una circolarità ermeneutica portata dagli affetti e dalle rappresentazioni: il tutto è compreso da ogni dettaglio e ogni dettaglio dal tutto. In psicoanalisi, le manifestazioni dei pazienti mantengono, all’interno delle totalità che li costituiscono e tra di loro, una dinamica che è loro specifica e alla quale deve essere affidato il processo di conoscenza clinica. Lo psicoanalista cerca di sostenere i suoi pazienti o i fenomeni da essi prodotti, dal loro interno (attraverso la comprensione e l’ascolto empatico) piuttosto che lavorare per normalizzarli esternamente.
La psicoanalisi si unisce così a suo modo all’idea di totalità e di relazioni interne, come le troviamo in Gilles Deleuze o Bertrand Russell, sulla scia del pensiero hegeliano. Senza entrare ulteriormente in un dibattito filosofico che ci distoglierebbe dal nostro argomento, desidero solo sottolineare il fatto che Freud, controcorrente rispetto all’approccio corrente nelle scienze naturali, ha sempre privilegiato un approccio interno ai fenomeni e alla relazione, in altre parole situando l’indagine all’interno di ciò che collega il produttore del fenomeno a quest’ultimo e il paziente al suo psicoanalista. Ecco perché ogni analista restituisce, in un modo o nell’altro, ai suoi pazienti la questione del significato dei fenomeni da essi prodotti.
Difenderò su questo modello la necessità di fondare la conoscenza in psicoanalisi su “norme interne”, sia a livello clinico che teorico di questa disciplina, in contrapposizione alle norme – sociali o scientifiche – il cui sviluppo e applicazione si basano, come abbiamo visto, su un insieme di “standard esterni” costruiti su categorie che raggruppano soggetti ridotti a ciò che li rende oggettivamente comparabili. Queste norme interne emergerebbero dall’interno dei gruppi che le mettono in mostra, sia a livello pratico che teorico. Tradurrebbero ciò che ha senso in un effetto di risonanza interna, intima e dinamica. È dall’interno delle totalità che essi formano che si può comprendere il significato di fenomeni clinici come il sogno o il transfert… ma anche le teorizzazioni della psicoanalisi. Per comprenderli, tutti coinvolgono l’intimità psichica di chi li incontra prima ancora che usare la ragione. In psicoanalisi, ciò che comprendiamo, sentiamo o sperimentiamo (internamente) dirige anche lo sviluppo e la comprensione dei principi esplicativi specifici di questa disciplina.
Sul piano clinico della psicoanalisi la norma è necessariamente quella del soggetto. Si definisce – o meglio, scopre – a partire da se stessa, nella progressiva risoluzione degli enigmi che esprime, con la propria dinamica psichica, all’interno delle sue manifestazioni, mettendole in relazione tra loro così come all’interno della relazione di transfert (che ne assicura la riproduzione). nel tempo e nello spazio del trattamento), anch’esso singolare. È all’interno delle sue manifestazioni che il paziente ne scopre il significato, con l’aiuto del suo analista. La conoscenza teorica di quest’ultimo partecipa ovviamente a questo movimento della conoscenza; a questo proposito potremmo considerarli come un fattore esterno al paziente, ma in realtà anche il background teorico viene integrato nell’interpretazione prodotta facendo affidamento sugli esempi forniti (sogni, scene, ecc.) e sui termini (e i movimenti di affetti) portati dai pazienti e su cui si è lavorato durante il trattamento. È dall’interno delle storie singolari e dei legami intersoggettivi che uniscono gli attori della cura che se ne svela il significato, integrando la componente esterna che la teoria rappresenta e non subordinando i fatti clinici alla sua autorità o alla verità. sarebbe il garante in base ad una norma esterna alla materia. Una verità singolare si dice da sola e nella sua norma; non aspetta di riceverlo dall’esterno.
Ecco perché la psicoanalisi è un Deutungskunst, un’arte dell’interpretazione, come la definì Freud, un’intuizione delle corrispondenze interne tra fenomeni o tra loro parti.
Possiamo però giustificare i concetti della psicoanalisi o la validità delle teorizzazioni a cui è arrivata a partire dalla sua pratica clinica?
Rivendicare tale legittimità unicamente sul modello scientifico mi sembra vano e addirittura contrario agli interessi della psicoanalisi. Da tempo preferisco attribuire loro lo status di modelli concettuali individuati dallo studio del significato dei fenomeni clinici. Il valore di questi modelli è paradigmatico, traduce una costruzione di senso tanto quanto concetti a scopo esplicativo, sul modello delle scienze naturali, pur essendo in contrasto con esse. Questo paradosso si spiega senza dubbio con il fatto che la Deutung (interpretazione) tedesca, come la troviamo anche in Freud, unisce i lati della comprensione e della spiegazione. Adottando una forma esplicativa, le teorie della psicoanalisi mirano, a mio avviso, a produrre contemporaneamente una comprensione del significato (quello dei fenomeni clinici che la psicoanalisi studia così come quello proprio della teoria e dei concetti stessi attraverso i quali tale lettura si produce). .
Come in risposta ai sogni, le teorie della psicoanalisi cercherebbero di indicare un oggetto enigmatico che non può essere colto direttamente in modo empirico. La mia proposta è che dobbiamo quindi cogliere il significato delle proposizioni teoriche avendo precedentemente sperimentato (cioè incontrato e sentito internamente) quello dei fenomeni di cui la psicoanalisi assicura l’esplorazione clinica. Sul piano pratico e teorico della psicoanalisi dobbiamo comprendere il significato delle cose che ascoltiamo; e aggiungerei, capirlo dall’interno, sia nella cura che nella teoria. Il discorso teorico va in qualche modo accolto come quello del paziente, nella speranza che arrivi a incontrare qualcosa in noi.
Proprio come sfido qualsiasi psicoanalista a dimostrare che i sogni hanno un significato o che l’inconscio esiste (come esiste, ad esempio, il pancreas), lo sfido anche a dimostrare che le ipotesi della teoria soddisfano gli standard dell’approccio scientifico. .
Ritengo così che il sapere teorico della psicoanalisi poggi sulla stessa articolazione di quello che fonda la sua clinica, che produce la sua ripetizione su un cambiamento di piano: in ciascuno di essi, lo svelamento del senso e del sentimento che l’accompagna precede e induce la loro comprensione attraverso la ragione di coloro che li incontrano. Durante il trattamento capiamo, da entrambi i lati del divano, ciò che abbiamo provato. Non sarebbe lo stesso anche per la teoria?
È su questo punto che le teorie della psicoanalisi differiscono fondamentalmente da quelle delle scienze poiché il significato dei fenomeni intimi non emerge, dal modo in cui le scienze naturali lo praticano nel loro campo, dallo studio dei fenomeni particolari direttamente osservabili. . Il significato dei fenomeni e la loro teorizzazione da parte della psicoanalisi non nascono da un processo analogo a quello con cui la Medicina studia e teorizza, ad esempio, il pancreas. L’inconscio – come proprietà psicologica dell’uomo o come concetto principale della teoria – non accoglie un simile principio epistemico. Sono le conseguenze di questa osservazione, in particolare sulla teoria psicoanalitica, che dovremo valutare.
Infatti, se le proprietà del pancreas compaiono nei testi di medicina, è perché il pancreas stesso è stato visto e studiato empiricamente. Il significato dei sogni, per confronto, è un oggetto, un fenomeno particolare di studio empirico? L’inconscio esiste come esiste il pancreas, come realtà naturale su cui si può produrre conoscenza teorica? È dunque possibile che la psicoanalisi giunga ad una teoria dell’inconscio o alla costituzione di leggi generali e normative basate sul modello scientifico nato da Aristotele?
Per riassumere il mio punto di vista, avanzo l’idea che le teorie psicoanalitiche traducono una proposta di pensiero – una modellazione – sul significato dei fenomeni, poiché questi – a differenza dei fenomeni che lo rivelano – non possono costituire oggetto di uno studio empirico. È nel senso che la psicoanalisi vuole arrivare a leggi o norme. La difficoltà che deve affrontare è che è reso visibile solo dai fenomeni che lo esprimono. Qui sta tutto il paradosso della psicoanalisi: il suo vero oggetto si troverebbe a monte di ciò che può essere visto e studiato quanto è inseparabile dai fenomeni che lo rivelano. È a questo paradosso che Freud dà il nome di inconscio… Come potrebbe allora una tale particolarità non ritrovarsi nei concetti e nelle teorie di una disciplina di cui questa nozione costituisce il centro? Nessuno può vedere o toccare l’inconscio, allo stesso modo in cui principi come i processi primari (spostamento, condensazione, assenza di contraddizione, atemporalità, ecc.) sono irrappresentabili, vaghi, inverificabili; sembrano dire una cosa e il suo contrario, ecc. Tuttavia, questo vocabolario e i concetti che lo accompagnano sono i rappresentanti essenziali tanto dell’innovazione prodotta dalla psicoanalisi quanto della sua identità epistemica. Senza il suo metodo e le sue teorie la psicoanalisi non esisterebbe. È quindi… normale che le sue teorie si distinguano da quelle prodotte dalle scienze naturali, perché la loro ambizione è quella di riflettere il significato dei fenomeni piuttosto che di produrre una rigorosa spiegazione scientifica dei suoi supporti empirici.
Piuttosto che affermare, come ha fatto talvolta Freud, che esistono “numerose prove dell’esistenza dell’inconscio”, preferisco dire che credo nell’attualità del concetto di inconscio (delle pulsioni di vita e di morte, dell’angoscia di castrazione, processi primari, il complesso di Edipo, ecc.) basando tale affermazione sul significato dei fenomeni clinicamente studiati e su quello delle estensioni teoriche di cui queste ultime costituiscono un modello razionale. La psicoanalisi nel suo insieme (pratica e teoria) cerca di rivelare il significato delle verità psichiche intime. Il suo desiderio di fare scienza è quindi subordinato all’esigenza di dare senso che il suo oggetto clinico gli ha imposto. È anche attraverso la presunta pretesa di questa singolarità epistemica che gli è possibile inserirsi nel dibattito psicopatologico generale, condividendo con gli altri le categorie che compongono questo ambito (psicosi, nevrosi, perversioni, stati borderline, ecc.). ). La psicoanalisi condivide la sua nosologia cercando di portare la propria lettura eziopatologica, le teorie a cui è pervenuta ed i principi terapeutici che le sono propri.
Georges Braque una volta disse: “l’evidenza stanca la verità”; e Paul Klee: “l’arte non riproduce il visibile, rende visibile”. Basare le teorie psicoanalitiche sul significato piuttosto che sulla prova equivale a subordinare la loro rilevanza al potere di risonanza interno che detengono piuttosto che al loro valore normativo e determinante esterno.
Lo stesso Freud, nelle sue Nuove Lezioni (1932), sembrava pensare la stessa cosa quando affermava che “la teoria delle pulsioni è, per così dire, la nostra mitologia. Le pulsioni sono esseri mitici, grandiosi nella loro indeterminatezza”.
Una sorta di “meta-credenza”, la metapsicologia, sul modello del sogno a cui tutta la psicoanalisi deve il suo impulso creativo, sarebbe essa stessa un enigma epistemologico che tenta di dare senso al mistero dei fenomeni clinici di cui esplora il senso. Comprendere la teoria psicoanalitica non si ridurrebbe quindi a cogliere intellettualmente il contenuto dei concetti che la compongono ma il loro significato, nella corrispondenza teorica interna dei concetti (non si può comprendere lo spostamento senza la condensazione, l’assenza di contraddizione, l’atemporalità, ecc.) .) tanto dal modo intimo in cui incontrano (o meno) in ciascuno gli enigmi di senso di cui è testimone vivente. Sarebbe, insomma, opportuno intendere la teoria dentro di noi e non come una norma esterna sprigionata da un lavoro esclusivo della ragione e che ci definirebbe in maniera unilateralmente esplicativa.
Le teorie della psicoanalisi potrebbero in tali condizioni rappresentare una vera norma, il cui riconoscimento sarebbe in qualche modo riservato a coloro che sono sensibili ai misteri parlanti che Freud prima di altri si è adoperato per studiare, per tradurre in parole e in concetti.
Agli psicoanalisti spesso dà fastidio l’accusa che viene loro mossa di appartenere a una setta, di essere persone illuminate (che vedono il significato ovunque) piuttosto che scienziati rigorosi che si concentrano sullo studio dei fatti. Ne sono ovviamente dispiaciuto, come tutti i miei colleghi, ma forse vorrei anche aggiungere alla loro intenzione che questa accusa – la cui legittimità dobbiamo anche saper accettare dal momento in cui Freud rivendicò la sua scoperta lo status di scienza naturale – rappresenta forse il prezzo da pagare per garantire alla psicoanalisi la preservazione dell’intero campo formato dalla sua pratica e dalla sua teoria. L’esplorazione e la teoria dei fenomeni con i mezzi propri di questa disciplina le hanno valso, ancora oggi, il suo posto specifico nel concerto del sapere, e forse anche… le sue credenziali nobiliari.
[1] Les lecteurs désireux d’approfondir ce sujet peuvent aussi consulter deux autres de mes articles parus dans Exagere, « L’angle mort de la vérité : Derrida, Freud et la métaphysique » (mai-juin 2021) et « Dieu en Freud ou le retour du Divin Refoulé dans le projet scientifique de la psychanalyse » (octobre-décembre 2022).
[2] Ce point sera développé sous peu.
[3] Pour Freud, la psychanalyse appartient aux sciences naturelles. Voir Paul-Laurent Assoun, Introduction à l’épistémologie freudienne (1981).
[4] Karl Popper, Conjectures et réfutations (1963).
[5] Elle-même renforcée par l’articulation clinico-théorique sur laquelle repose cette discipline (son savoir théorique est dégagé à partir de son champ clinique).
[6] J’utiliserai par la suite ces deux termes à la manière de synonymes.
[7] C’est la définition de l’individuel.
[8] Guérir du mal d’aimer (1998).
[9] Thémélis Diamantis, Sens et connaissance en psychanalyse (1997)
[10] En l’absence d’une telle précaution – c’est-à-dire en adoptant un propos résolument causal et explicatif sur les phénomènes depuis la théorie psychanalytique, comme il ressort parfois des travaux de Jean Bergeret et de son équipe – la psychanalyse risque de susciter, à l’inverse du but recherché, le rejet ou l’incompréhension de ceux qu’elle tente de convaincre.
[11] qui consigne, rappelons-le, les représentations auxquelles le rêveur accorde un sens auquel il croit.