EXAGERE RIVISTA - Gennaio-Febbraio 2024, n. 1-2 anno IX - ISSN 2531-7334

Dieu en Freud, ou le retour du Divin Refoulé dans le projet scientifique de la psychanalyse

(FRA/ITA traduzione in fondo)

par Thémèlis Diamantis

À Adèle et à la mémoire de son père.

« Mon Dieu, combien de bleu tu dépenses pour que nous ne parvenions pas à te voir ». Odyssèas Elytis (extrait de « Maria Neféli », traduction libre)

« Je crois en un seul Dieu, le Père tout puissant,

Créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible (…) » (Credo ou Symbole de Nicée-Constantinople)

« Nous qualifions d’inconscient un processus psychique dont il nous faut admettre l’existence parce que nous l’inférons, par exemple, de ses effets, mais dont nous ne savons rien ». Sigmund Freud (Nouvelles suites des leçons d’introduction à la psychanalyse, 1933 in Sigmund Freud, Œuvres complètes, volume XIX, Paris, PUF, 1995, p. 153)

Freud croyait aux pouvoirs de la science avec une détermination égale à celle qu’il mettait à ne pas croire en l’existence de Dieu. Il voyait même en l’idée de ce dernier un danger, une menace pour la science. Dans « Sur une vision du monde » (1933) il affirmait ainsi que parmi toutes les Weltanschauungen cherchant à disputer à la science son autorité absolue en matière de connaissance des réalités sensibles, « seule la religion était l’ennemi sérieux », précisant au passage que la science – dont la psychanalyse, selon lui, fait partie intégrante – se contente des faits et n’a, par conséquence, nul besoin d’une « vision du monde ». S’inscrivant dans la pensée d’Auguste Comte, Freud est un « positiviste » qui préfère les lois scientifiques aux causes (prétendument) premières, la rationalité des sciences à la spéculation métaphysique de la théologie ou véhiculée par tout un pan de la philosophie depuis l’époque antique. Dans l’un et l’autre cas, la croyance en Dieu avancée par ces traditions traduirait à ses yeux une forme de toute-puissance infantile des idées, un narcissisme qu’il conviendrait de dépasser pour mieux ancrer le sujet dans la réalité objective du monde, comme il en développe notamment aussi l’idée dans la troisième partie de Totem et Tabou (1913).

Il était par ailleurs, comme beaucoup d’autres représentants des milieux naturalistes de son époque et bon nombre de ses propres Maîtres (Theodor Meynert, Ernst Brücke, Herman Helmholz, Justus von Liebig, Ernst Haeckel, Robert Mayer, Carl Vogt, Emil Du Bois-Reymond, etc.) animé par un idéal et une doctrine scientistes : Freud était moniste, physicaliste et agnosticiste. En 1901 déjà, dans Psychopathologie de la vie quotidienne, il qualifiait de « croyances superstitieuses » les lectures du monde métaphysiques ou religieuses et de « délires paranoïaques » l’attribution à des forces prétendument extérieures des conflits psychiques relevant des motions inconscientes, assignant au passage à la psychanalyse la mission de « convertir la métaphysique en métapsychologie »[1].

Il enfoncera plus particulièrement le clou dans L’avenir d’une illusion (1927), sans doute son ouvrage le plus polémique sur la question religieuse, dans lequel il réduisait cette dernière à des mouvements de défense visant à contenir l’angoisse archaïque des hommes face à leur condition mortelle et comparait les rites religieux aux compulsions répétitives telles qu’on les observe chez les sujets atteints de névrose obsessionnelle.

Bref, Freud estimait que les découvertes scientifiques en cours et à venir devaient non seulement guider notre connaissance du monde et des hommes mais également nous éloigner des vaines illusions religieuses ou métaphysiques, aussi vrai que la psychanalyse conduit les névrosés à davantage intégrer le principe de réalité dans leur fonctionnement psychique. C’est à la culture – l’espace commun au sein duquel une cohabitation non-conflictuelle entre les hommes est rendue possible par l’élévation de leurs instincts naturels archaïques – qu’incombe la charge de leur protection et non à Dieu, comme il en exposera le principe dans Malaise dans la culture (1930). La connaissance scientifique et les réalisations auxquelles elle mène y occupent évidemment une place prépondérante.

Obtenue au terme d’un effort de la raison (comme chez Platon ou Aristote), revendiquée au travers d’un acte de Foi (entendu dans le christianisme, comme une réponse libre de l’homme à la Grâce divine, à la révélation par Dieu de son existence) ou sous une quelconque forme composite (comme le pari pascalien d’une foi raisonnable), l’idée de Dieu (ou de tout principe métaphysique d’ordre premier) provoquait chez Freud une même réaction répulsive : aux religieux et aux croyants, il répondait qu’ils prennent leurs fantasmes d’éternité (nés de leurs peurs de la mort et du néant) pour des réalités, qu’ils croient en des histoires et non en des faits, et aux seconds qu’ils font un usage imparfait de leur raison, puisqu’aucune preuve empirique de l’existence de Dieu comme moteur premier (pour prendre la référence d’Aristote) ne peut être apportée. La science, au contraire, s’appuie sur des réalités observables pour mettre à jour des causalités objectives afin d’expliquer la présence et le fonctionnement des phénomènes qu’elle étudie, leurs causes autant que leurs effets. Elle ne se contente pas d’avancer des principes explicatifs ou de causalité, mais s’emploie à les prouver, produisant de ce fait un savoir rigoureux, fiable et également perfectible (ce qu’enseigne le positivisme), à l’opposé des esprits religieux qui s’arriment à leurs croyances et s’enferment dans la rigidité de leurs dogmes. En psychanalyse, cette garantie scientifique serait constituée par la théorie des pulsions, qui situe en dernière instance les causes des phénomènes psychiques au niveau des forces physico-chimiques (monisme épistémologique) qui régissent les corps.

Toutefois, et comme il nous l’a lui-même appris, il ne suffit pas toujours de refouler les pensées qui nous déplaisent ou que l’on veut combattre pour s’en voir débarrassé. La psychanalyse en a-t-elle réellement fini avec l’idée de Dieu ou ce dernier viendrait-il encore, par-delà la mort de son fondateur, tirer par les pieds ce fils qui pensait si bien l’avoir tué ? Les Grecs, pourtant, avaient prévenu Freud. C’est quand ils veulent échapper au Destin, surtout s’ils en sont informés, que les hommes provoquent bien souvent son avènement. Œdipe en a fait l’amère expérience. Freud, qui en connaissait si bien l’histoire, en a-t-il pour autant retiré tous les enseignements utiles ?

Que Dieu soit ou ne soit pas n’est définitivement pas la question des lignes qui suivent. Leur projet pourrait plutôt se résumer de la sorte : Dieu – ou à défaut la parole le prenant pour objet au sein des diverses traditions qui soutiennent l’idée de son existence – serait-il parvenu à se faufiler dans le lit du projet scientifique freudien, comme pratique et comme théorie, à se nicher dans son intimité épistémique à l’insu de son fondateur ? Cela prouverait que Dieu a de l’humour, qu’il n’est pas rancunier, qu’il a de la suite dans les idées…ou que la théorie du refoulement déploie ses effets au-delà du périmètre psychique au sein duquel son instigateur en situait l’inscription. À l’évidence, je ne dispose pas de la réponse définitive à ces questions… Je peux néanmoins vous proposer comme lot de consolation[2] un projet plus modeste, celui de m’accompagner dans un petit tour de piste non-exhaustif des correspondances et des analogies entre les deux traditions, une sorte de flânerie contemplative au cours de laquelle un œil poétique verrait peut-être davantage de choses qu’un esprit cartésien.

Le fil rouge en serait assuré par cette question des croyances que Freud voulait remplacer par un savoir objectif fondé sur l’étude empirique des faits observables et leur transcription dans des théories rigoureuses. Si la psychanalyse correspondait effectivement à ce modèle, l’étude des phénomènes de la cure (rêves, symptômes, etc.) mènerait directement aux causes pulsionnelles (physiologiques) sur lesquelles repose l’édifice théorique freudien. Est-ce le cas ? Non. Il faut, pour le comprendre, saisir l’articulation du savoir initié par Freud. Celle-ci est exposée dans « Psychanalyse » et « Théorie de la libido » (1923) : la théorie psychanalytique voit le jour depuis son terreau clinique. C’est ce que l’on appelle son articulation clinico-théorique. Avant (ou afin) d’être une science, la psychanalyse, sur le plan de la cure, s’intéresse au sujet singulier, aux phénomènes qu’il produit et aux recoupements ou aux correspondances en termes de sens qui s’en dégagent. À la manière d’Œdipe face au Sphinx, la psychanalyse devrait d’abord résoudre les énigmes du sens. De la réussite de ce projet dépendrait celui à se constituer en tant que science. Or dans la cure le sens n’est rendu apparent que par l’investigation des … croyances exprimées par les personnes sur le divan. Je prends évidemment ici le terme de « croyances » en son sens strictement laïc : ce en quoi quelqu’un croit[3], la manière dont il donne du sens aux phénomènes qu’il produit, sa manière personnelle d’en offrir une lecture, d’en habiter le ressenti. Parler de soi, c’est toujours dire (ou – se – cacher) ce à quoi l’on croit. Même désirer ou craindre quelque chose que l’on ignore (c’est la définition psychanalytique du fantasme) signifie ne pas voir que l’on croit en quelque chose. C’est pourquoi la Deutungskunst freudienne – l’art de l’interprétation dans la cure – peut se définir comme un système d’exploration anthropologique des croyances des individus sur la base des représentations qu’ils produisent plutôt que comme un procédé naturaliste d’étude empirique de quelque substrat physique ou physiologique. L’ « analyse », dans l’acception du chimiste Lavoisier – dont Freud se serait inspiré pour la création du terme de « psychanalyse » – diffère en effet substantiellement de l’attention portée dans la cure aux récits des sujets singuliers, à leur manière de rapporter et de commenter leurs souvenirs, leur histoire de vie, leurs expériences du moment, leurs pensées, leurs rêves, leurs émotions, considérés selon Freud comme autant de supports ou de témoignages intimes des croyances qu’ils manifestent.

Freud lui-même accrédite indirectement l’idée de ce primat des croyances sur la connaissance scientifique. Dans « Un trouble du souvenir sur l’Acropole » (1936), il écrit : « lorsqu’ensuite, l’après-midi de notre arrivée, je me trouvai sur l’Acropole et que mon regard embrassa le paysage, il me vint subitement cette curieuse pensée : ainsi donc tout cela existe effectivement comme nous l’avons appris à l’école ?! ».

Le doute dont parle Freud aurait-il pu porter sur l’existence matérielle de l’illustre temple d’Athéna ? Cela paraît peu probable… on pourrait par contre imaginer que la rencontre physique (comme on parlerait de la rencontre clinique avec un patient) avec le monument de l’Acropole aurait en quelque sorte révélé à Freud la « présence » de la déesse Athéna en l’honneur de laquelle le temple a été érigé. Cette présence est évidemment à comprendre comme celle de la croyance en la déesse et non comme celle de la déesse elle-même ! Les marbres sacrés de l’Acropole seraient le résultat autant que les contenants ou les révélateurs des croyances qui leur ont valu le jour. L’Acropole existe parce que le culte d’Athéna – la croyance en son existence et son pouvoir – existait chez les Grecs du temps de Périclès. Le parallèle avec la psychanalyse pourrait dès lors s’énoncer ainsi : pareils à de tels monuments, les phénomènes explorés sur le plan clinique permettraient, par-delà le temps écoulé, de saisir le sens et l’essence sur lesquels ils sont bâtis et dont ils seraient encore les témoins actifs.

Dans Sur le rêve (1901), Freud va plus loin : « À ma grande surprise, je découvris un jour que la conception non médicale du rêve, la conception profane, celle qui reste à demi prisonnière de la superstition, se rapproche de la vérité. » (S. Freud, Sur le rêve, Paris, Gallimard, 1988, p. 49). À quelles conceptions, Freud fait-il ici référence ? Celles qui, aux quatre coins du monde et à travers les époques, considèrent notamment que les rêves ont une valeur prophétique ou qu’ils sont des messages envoyés aux humains par des dieux ou des esprits. Autrement dit, en matière de rêves, la palme de la vérité reviendrait à ceux qui pensent qu’ils ont un sens. Or énoncer une telle idée revient très exactement à avancer…une croyance. On peut en effet croire que les rêves ont un sens (cela relèverait d’une forme d’intuition fondamentale, pouvant être vraie ou fausse) ; on peut par ailleurs interpréter les rêves (qu’ils aient ou non du sens, de bien des manières et selon de multiples traditions, y compris par la psychanalyse, en ayant tort ou raison dans les conclusions qu’on en tire, peu importe) ; mais on ne pourra jamais considérer l’interprétation des rêves comme une preuve du fait que ceux-ci ont un sens ! Ce serait une erreur logique, une tautologie faisant dépendre une « explication » d’une croyance qui en dirige la méthode et en induit les résultats. En considérant, comme il est courant de le faire, l’Interprétation des rêves (1900) comme l’ouvrage fondateur de la psychanalyse, ayant, sur le long terme, conduit de la théorie du rêve, à celle du psychisme et au final, sur un plan métapsychologique, à celle des pulsions, il devient urgent d’affirmer que l’ensemble de l’édifice freudien, dans son versant pratique et théorique, repose sur … une croyance, celle dans le sens des rêves. Cette dernière va constituer la trame et le paradigme épistémique de toute l’œuvre freudienne.

Freud le reconnaît d’ailleurs dans un aveu surprenant : « la théorie des pulsions est pour ainsi dire notre mythologie. Les pulsions sont des êtres mythiques, grandioses dans leur indétermination » (S. Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse). Fondé à double titre sur les croyances (celles propres aux patients et celle de Freud dans le sens des rêves), le naturalisme théorique et explicatif consigné par Freud dans la théorie des pulsions serait lui-même une mythologie, c’est-à-dire un récit auquel il fait du sens de croire (de l’intérieur) plutôt qu’une théorisation explicative érigée sur le modèle externe des sciences. À défaut, l’étude des croyances représenterait, dans l’articulation clinico-théorique du savoir freudien, l’étape et la condition nécessaire à toute élaboration théorique secondaire. La métapsychologie serait une « métacroyance », pour m’autoriser un néologisme, une croyance elle-même bâtie sur l’étude d’autres croyances. « Sacrée » dans sa valeur profane, en tant qu’agent de la vérité, cette parole recueillie dans la cure conduirait par sa transcription à une parole « savante » dont Freud aimait à souligner la valeur scientifique.

Pour prendre un exemple en dehors du champ clinique, la tragédie de Sophocle – Œdipe Roi – n’a-t-elle pas représenté un formidable accélérateur en vue de la théorisation par Freud du Complexe d’Œdipe ? L’œuvre de Sophocle, au même titre que les mythes ou les croyances en général, ne sont-ils pas une « voie royale » – comme le rêve serait celle de l’inconscient – vers les théorisations de la psychanalyse ? La science psychanalytique s’érige définitivement depuis une parole profane, celle des récits, des rêves ou des patients. C’est pourquoi il convient d’en retirer les enseignements épistémologiques susceptibles d’offrir au projet freudien des assises qui lui correspondent à défaut d’être celles d’un pur naturalisme. Reprenant la distinction établie en 1936 déjà par Roland Dalbiez dans La méthode psychanalytique et la doctrine freudienne, je pense qu’il convient, afin de rendre justice à la psychanalyse, de distinguer ce que Freud fait (et qui tient à sa méthode) de ce qu’il prétend faire (et qui relève de la doctrine).

Sur le plan clinique, à la question des croyances s’ajoute celle du lien et du ressenti. Il est intéressant à ce propos de rappeler que le terme de religion vient du latin religare, mettre en lien. Sur quoi porte l’attention des psychanalystes dans la cure ? Précisément sur le lien, celui qui relie entre elles des manifestations du patient a priori disparates, semblant appartenir à des plans ou des époques différents (un élément de rêve, un souvenir d’enfance, une situation du présent, un fantasme, etc.). Le ressenti qui accompagne la mise en lien (dans l’association libre du patient ou l’interprétation de l’analyste) guide d’autant plus la production et l’interprétation du matériel analytique qu’elle s’inscrit elle-même dans la dynamique des liens transférentiels et contre-transférentiels qui caractérisent les rapports d’affects unissant l’analyste à son patient. Associés aux croyances et aux vecteurs de leur interprétation inter et intrasubjective ils constituent la matière première indispensable au projet de guérison psychique et à l’élaboration du savoir scientifique chers à Freud.

Le psychanalyste Serge Viderman, à titre d’illustration, comparait les interprétations produites au cours des séances de psychanalyse aux fresques des grottes de Lascaux : hors de l’intimité de leur énonciation et de leur lecture dans les cabinets des analystes, exposées à une lumière publique trop forte, les interprétations cliniques, comme les fresques préhistoriques de son exemple, seraient condamnées à se dissoudre dans l’atmosphère, à se vider de leur sens et de leur substance. Une vérité intime nécessite un espace et un lien qui le sont tout autant.

Le sens relierait ainsi la pratique à la théorie psychanalytique : pour comprendre les concepts théoriques, il conviendrait d’en rencontrer d’abord la manifestation en soi, un peu comme dans la conception intimiste de la croyance et du lien telle que la professait Saint Augustin quand il affirmait que Dieu existe en nous (au plus profond de nous-mêmes) et hors ou au-dessus de nous. Ce n’est pas parce qu’on ne le croise pas directement dans le monde sensible qu’il n’existe pas ou que sa présence ne se manifeste pas en nous. Nous allons bientôt revenir sur ce point autour de la question de l’inconscient.

 « Hors de l’Église, point de Salut », disait de son côté Cyprien de Carthage (environ 200 – 258). L’Église, comme la foi ou la prière constitueraient des espaces intimes reliant le croyant à Dieu. Ces liens seraient de nature interne et non externe. Or que rétorquait Freud à ceux qui mettaient en doute la méthode ou les théories de la psychanalyse ? Qu’ils ne peuvent pas les comprendre car ils n’ont pas éprouvé en eux-mêmes les effets du travail analytique, qu’ils n’ont pas eu accès au sens dans sa manifestation première, celle dont la cure assure l’investigation. Ils se trouveraient de ce fait exclus à double titre du lien et donc de la connaissance : n’ayant rencontré les manifestations de l’inconscient en eux-mêmes, ils ne pourraient pas non plus les saisir sous un jour théorique. Comme pour Dieu (l’ineffable expérience de la Foi, disent ceux qui la possèdent), il faudrait se mesurer intimement au sens pour être en mesure d’en saisir les principes … Autant dire que les naturalistes en qui Freud voyait ses pairs et ses frères d’armes, n’ont pas tous été convaincus par cet argument… Certains le lui ont fait savoir, pointant notamment le fait que la psychanalyse n’était pas en mesure de produire les preuves de ce qu’elle avance (le philosophe des sciences Karl Popper parlait plutôt de l’absence de procédés de falsification des expériences). Nombreux ont été ceux dès lors à avoir reproché à la psychanalyse ce que Freud critiquait précisément dans les religions : l’affirmation de l’existence d’une réalité supérieure inobservable et sa transcription théorique dans un concept central invérifiable (l’inconscient), accompagné de principes et d’un vocabulaire hermétiques, dont l’évidence n’apparaîtrait qu’aux seuls membres d’une communauté d’initiés. Comble de l’ironie, en forçant (à peine) le trait, Freud serait une sorte de prophète illuminé et ses disciples les membres d’une religion, voire d’une secte. Les deux parades favorites de Freud face à ses détracteurs se réduisaient souvent à voir en eux des névrosés ou des antisémites… C’était peut-être un peu court… Ou peut-être de telles critiques le mettaient-elles en présence d’une vérité trop confrontante pour qu’il puisse la regarder de face ? Parfois le plus névrosé n’est pas celui que l’on pense.

La manière dont la psychanalyse conduit l’investigation de cette parole première du patient dans la cure met d’autant plus à mal la critique que Freud adressait aux religieux : pouvait-il reprocher à des personnes de donner du crédit à des histoires dont ils ne peuvent être certains qu’elles correspondent à des faits réels, alors que lui-même faisait preuve de cette disposition face aux récits de ses patients ? La conclusion à laquelle il parvenait au terme de l’étude du cas de son patient connu comme « l’Homme aux loups » (1918) est pourtant sans appel : la vérité psychique prime sur la vérité événementielle…, le récit sur les faits. La psychanalyse, dans sa cure, est une investigation du discours et des symptômes du patient dont elle se met en quête – toujours au sens laïc du terme – de la « vérité sacrée » ou première que dans un même mouvement cette parole délivre et recouvre. N’est-ce pas, ni plus ni moins, ce que font les traditions religieuses qui se livrent à une exégèse des textes sacrés ? Plonger dans l’étude psychanalytique des rêves des patients présente une proximité plus forte avec l’activité de ces exégètes qu’avec celle des scientifiques en blouse blanche qui du fond de leurs laboratoires étudient des supports biologiques sous leurs microscopes.

Cette similitude est d’autant plus importante que la psychanalyse recherche le sens dans le mystère et l’opacité des supports qui le délivrent et qu’elle le lit dans sa circularité, c’est-à-dire dans la correspondance souvent étonnante ou paradoxale entre divers fragments du discours, par-delà toute causalité objective entre ceux-ci : dans le système des représentations du patient, le tout se comprend par le détail et le détail par le tout. C’est ce que l’on appelle le cercle herméneutique. Une fois encore, ce n’est pas le modèle épistémique des sciences naturelles (la décomposition – Zerlegung – expérimentale du tout en ses parties élémentaires) qui se trouve au cœur de la méthodologie freudienne. Celle-ci semble davantage s’inspirer, sous son jour clinique, de celle reconnaissable – pour donner un exemple – chez Moïse Maïmonide (1138 – 1204), médecin, philosophe et théologien talmudiste, qui au même titre que son contemporain Averroès cherchait dans l’étude des textes saints autant que dans ceux d’Aristote notamment, une convergence entre la connaissance scientifique, la philosophie et la révélation divine.

Freud revendiquait sa judéité autant que son athéisme. Une culture et une tradition aussi fortes que celle du judaïsme, pris dans sa sève religieuse, ne l’auraient-elles pas néanmoins imprégné, lui inspirant certains principes de connaissance ? C’est du moins la thèse que défend Jacquy Chemouni dans Freud, la psychanalyse et le judaïsme (2004). L’exégèse juive consiste à élucider le sens de la parole divine (contenue principalement dans la Torah, remise directement par Dieu à Moïse) afin d’en tirer la Loi. Elle abrite aussi un important courant résolument mystique et ésotérique (anti-maïmonidien et anti-aristotélicien), la Kabbale, qui, en parallèle à la Loi écrite et publique contenue dans la Torah, entend représenter la Loi orale et secrète donnée par Dieu à Moïse sur le Mont Sinaï. Selon Charles Mopsik, l’œuvre maîtresse de la Kabbale, le Zohar, considérerait la Bible comme un document chiffré dont les récits seraient comme un voile qui cache un système de pensée menant à la connaissance de la structure du monde, de l’homme et de Dieu.

En comparant la structure des démarches respectives, Freud est-il éloigné de ce qui précède quand il scrute la parole de ses patients (plus particulièrement quand il se penche sur leurs rêves) pour y découvrir la variété des significations qu’elle contient, elle-même mise à jour au travers de la pluralité des interprétations non-contradictoires auxquelles mène leur étude[4], ou quand il veut découvrir les lois (certes naturelles uniquement) auxquelles mène l’interprétation des mystères contenus dans la Nature ? Il ne faut en effet pas oublier que Freud, de son propre aveu, a entrepris des études de médecine après avoir entendu une conférence de Carl Brühl consacrée à l’essai de Goethe sur la Nature (plus vraisemblablement d’un ami de ce dernier, le théologien et écrivain suisse Georg Christoph Tobler). L’étude de la parole (dans la « sacralité » de la vérité qu’elle révèle et contient) et celle de la Nature présentent en effet une étonnante convergence dans leur lecture par Freud.

Nous sommes ici au cœur du paradoxe épistémologique de la pensée freudienne, qui en assure également la formidable puissance innovante. La Nature, au même titre que les rêves ou les individus singuliers allongés sur les divans des psychanalystes sont des sujets qui parlent avant d’être des objets (au sens philosophique du terme) à connaître. Pour les comprendre, il convient de se mettre à leur écoute, de déchiffrer la parole mystérieuse qu’ils délivrent pour en comprendre le sens et éventuellement en assurer une transcription en termes scientifiques. Quand la Nature parle, comme dans le romantisme, auquel Freud était très réceptif, mais aussi au travers des récits, des rêves ou des symptômes des patients, c’est que Dieu n’est jamais loin. La Naturwissenschaft prend des airs de Naturphilosophie et surtout le paradigme métaphysique de la Vérité entendue comme dévoilement déploie sa pleine autorité sur la découverte freudienne. On croirait entendre Freud derrière les premiers vers du magnifique poème de Baudelaire intitulé « Correspondances » : La Nature est un temple où de vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles ; / L’homme y passe à travers des forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards familiers. 

Cette parole première d’un Autre qui se dévoile et se recouvre dans son mystère et dans sa vérité, qu’il faut apprendre à écouter pour la connaître en l’accueillant, pourrait être rapprochée, dans sa forme à défaut de l’être dans le fond, du Prologue de l’Évangile selon Jean (Jn :1 :1), où ce dernier désigne Jésus par le terme de Logos (parole, raison, pensée) : « Au commencement était le Logos et le Logos était avec Dieu et le Logos était Dieu ». Il faudrait entendre ce verbe premier, « accueillir la parole de Dieu », disent les croyants.

Si par ailleurs, comme Platon le fait dire à Socrate dans Le Banquet, l’unique amour est celui du Beau (indissociable selon le même texte du Bon, du Vrai, du Juste et du Bien), il suffit de s’abandonner, de se laisser guider, voire aspirer par eux. L’amour contemplatif de ce qui est Beau, en ouvrant les portes du cœur, ouvrirait aussi celles de la connaissance et de la sagesse. Il faut savoir aimer pour être philosophe…

En psychanalyse aussi, en amont de toute conceptualisation explicative, on y comprend une parole en se laissant pénétrer par elle, celle du patient dans la cure, celle de la Nature ou de l’inconscient sur un plan plus général. C’est cette parole qui nous précède et qui nous guide ; c’est à elle qu’on s’abandonne ; c’est elle qui nous ouvre les portes d’un savoir.

Que ce soit sous son jour religieux ou philosophique, la métaphysique ne lâche décidément pas la main de Freud…

La plus éclatante illustration de ce qui précède est celle qui entoure la principale découverte de Freud, celle de l’inconscient. Pour Freud, comme pour ceux qui croient en Dieu, l’inconscient existe véritablement ; comme lui, il ne peut être vu directement mais uniquement au travers des manifestations qu’il produit et qui permettent de remonter jusqu’à lui. Bien qu’étant à nos yeux invisibles sous leur forme première, Dieu comme l’inconscient existeraient derrière les phénomènes observables et déploieraient leurs effets jusque dans le monde sensible. Freud renoue ici, en termes méthodologiques, avec les sources de la métaphysique ontologique occidentale, reprenant à Platon le principe d’une dialectique ascendante permettant de s’élever des choses sensibles aux causes invisibles dont elles émanent. Toujours dans l’idée selon laquelle L’interprétation des rêves constitue le livre fondateur de la psychanalyse, celle-ci inscrit alors ses principes de connaissance à l’intérieur du modèle de pensée inauguré par Platon dans la République. L’opposition de Freud au modèle métaphysique est incontestable ; l’inscription de sa découverte dans l’horizon de celui-ci l’est tout autant. Dieu représente le retour du refoulé auquel Freud s’attendait sans doute le moins[5]. Sophocle, bien avant Freud, l’écrivait pourtant déjà : ce qu’on cherche, on peut le trouver, mais ce qu’on néglige nous échappe…

Sur un plan strictement métapsychologique, le mode supposé de fonctionnement de l’inconscient, ce que Freud nomme les processus primaires, présente d’ailleurs des similitudes flagrantes avec des propriétés attribuées au divin. Je prendrai pour illustrer ce point l’exemple de la Sainte Trinité dans le christianisme, l’affirmation (relevant du Dogme) selon laquelle Dieu est unique ET qu’il existe simultanément en trois personnes, le Père, le Fils et l’Esprit-Saint, chacune étant Dieu tout entier tout en n’existant que dans l’union de chacune avec les deux autres.

Dans l’analyse du rêve de l’injection faite à Irma (figurant dans l’Interprétation des rêves, p. 254 dans la traduction de Meyerson au PUF), dont Freud est l’auteur et le commentateur, il affirme une même idée à trois reprises : le personnage principal de son rêve « est sa malade Irma, vue avec ses traits propres et représentant en premier lieu elle-même ». Puis, dans l’enchaînement immédiat du propos, il établit la liste de toutes les personnes n’étant pas Irma auxquelles cette dernière dans le rêve le conduit à penser. L’interprétation psychanalytique des rêves se produisant sur le plan des représentations, elle revient à poser, sur le plan du signifié, le principe de la simultanéité des multiples et des contraires sous la forme de la condensation – Verdichtung – (toutes ces femmes en Irma), du déplacement – Verschiebung – (Irma dans d’autres femmes qu’elle-même) et de la non contradiction…(comme pour la Sainte Trinité où un est trois et trois est un), et, sur le plan des signifiants, comme dans la tradition de la Kabbale, par exemple, qui associe 72 noms d’anges à Dieu afin d’en obtenir le vrai nom, le Schem-hamephorash, son nom secret et imprononçable. Si on ajoute à ce qui précède que l’inconscient, selon Freud, ne connaîtrait pas le temps (zeitlosigkeit) … on pourrait bien finir par penser que le point de comparaison le plus proche dont nous disposons est le plan de Dieu, l’alpha et l’oméga, ce qui est sans commencement ni fin. Dieu est celui qui est, qui était et qui sera, disait Saint Jean dans l’Apocalypse (1,8). C’est ce temps hors du temps qui est représenté sur les icônes orthodoxes, lesquelles placent les personnages sur un fond doré afin d’éviter l’effet de perspective qui renverrait aux représentations de l’espace terrestre et au temps linéaire qui lui est corollaire.

L’invisible n’a évidemment jamais eu pour Freud la dimension métaphysique ou supra-sensible qu’il possède notamment au sein d’une tradition allant de Platon, au néo-platonisme et jusqu’à Saint Augustin, pour en prendre quelques jalons significatifs. L’appréhension et la théorisation de l’invisible proprement psychanalytique – l’inconscient et ce qui l’entoure – repose par contre sur sa trame méthodologique. La psychanalyse viserait en somme une forme de connaissance non-métaphysique…tout en étant construite sur le modèle et les procédés de la métaphysique.

Certains représentants de la psychanalyse parlent parfois d’une voix trop forte, trop assurée, trop dogmatique, à l’instar des personnes qui, sur le plan socio-religieux, pensent que l’idée de leur Dieu a valeur d’absolu et ne peut souffrir d’aucune critique et d’aucun doute. Pour peu, cette vérité mériterait d’être imposée aux autres… Le sociologue Robert Castel dans Le psychanalysme (1973) avait en son temps dénoncé cette volonté hégémoniste d’une psychanalyse arrogante et dogmatique qui chercherait à imposer ses idées au débat public et au tissu social. L’assurance, toute scientifique, de certains psychanalystes amène ces derniers à devenir eux-mêmes ce sujet-supposé-savoir dont parle Lacan, celui dont un sujet pense qu’il sait quelque chose de notre propre inconscient. Ils seraient, en quelque sorte, dupes de leur propre illusion de scientificité.

Ce n’est pas le visage de ma discipline que je préfère, pour user d’un euphémisme. En plus de vingt-cinq ans d’exercice de ce métier, je n’ai récolté aucune preuve de l’existence de l’inconscient (et ne m’en porte pas plus mal), pas plus que j’ai été convaincu par les arguments de ceux qui défendent la stricte scientificité de la psychanalyse à partir de la théorie des pulsions (autrement que comme une « mythologie »…). Cela ne m’empêche pas de croire en l’inconscient, au surgissement du sens dans les phénomènes et d’utiliser la métapsychologie comme une boussole théorique indispensable et irremplaçable, un canevas abstrait structurant un travail qui ne l’est pas.

Sur un plan épistémologique, je préfère – dans le sillage de Freud – chercher les fondements de la psychanalyse depuis sa pratique, plutôt qu’à partir de sa théorie. La parole qui se déploie dans la cure est à l’inverse du langage « savant » une parole humble, fragile, qui interroge ou qui tâtonne plus qu’elle n’affirme. Chercher du sens dans les mots et le ressenti, vouloir comprendre ce qui nous échappe, suppose une humilité comparable à celle dont font preuve ceux qui prient, comme en témoignent ces verbes figurant dans le Credo, Πιστεύω… ὁμολογῶ… προσδοκῶ : je crois, je confesse, j’attends.

Pour ces croyants, il s’agit d’un acte de Foi qu’ils adressent à Dieu ; pour moi, c’est une position épistémologique qui donne du sens à une discipline, qui correspond à ses principes de recherche ainsi qu’à son éthique et à sa vision de l’humain, et qui relie sa pratique à ses théorisations.


[1] Pour rappel, la métapsychologie constitue la part la plus abstraitement théorique des travaux freudiens.

[2] Comme le savent ceux qui s’intéressent à la fois à l’art, à la religion et à la psychanalyse, consoler l’humain de l’idée de sa mort était l’une des fonctions principales que Freud assignait aux domaines artistiques et religieux. Certains auteurs ont même tenté la fusion des trois, comme le psychanalyste lausannois Armand Müller dans « L’art et la psychanalyse » (in Revue française de psychanalyse, volume 17, n°3, Paris, PUF, 1953)

[3] Je place délibérément sur un même plan des propositions comme : « je crois me souvenir qu’un jour… », « je crois que ma mère ne m’a jamais aimé », « je crois que Dieu existe », « je crois que nous sommes mardi »…

[4] « L’arbre de vie » du Zohar, représentant symboliquement les lois de l’Univers, pourrait facilement faire penser à un schéma des liens associatifs ou interprétatifs à partir d’un rêve en psychanalyse…autant qu’aux mathèmes de Lacan…

[5] À titre de plaisanterie, si ce n’est Dieu en personne ou l’inconscient de Freud qui lui ont joué ce tour, alors ce sont certainement des farfadets (ces petits personnages imaginaires des contes populaires, taquins, vifs et malicieux) qui ont fait le coup, tant ces situations cocasses, inattendues et embarrassantes sont de celles qui les amusent…


Dio in Freud, ovvero il ritorno del Divino Rimosso nel progetto scientifico della psicoanalisi.

di Thémèlis Diamantis

Ad Adèle e in memoria di suo padre.

“Mio Dio, quanto blu disperdi  per non farti vedere “. Odyssèas Elytis (da “Maria Neféli”, traduzione libera)

“Credo in un solo Dio, il Padre onnipotente,

Creatore del cielo e della terra, dell’universo visibile e invisibile (…)” (Credo o Simbolo di Nicea-Costantinopoli)

Chiamiamo inconscio un processo psichico di cui dobbiamo ammettere l’esistenza perché lo deduciamo, ad esempio, dai suoi effetti, ma di cui non sappiamo nulla. Sigmund Freud (Nouvelles suites des leçons d’introduction à la psychanalyse, 1933 in Sigmund Freud, Œuvres complètes, volume XIX, Paris, PUF, 1995, p. 153)

Freud credeva nei poteri della scienza con una determinazione pari a quella che mostrava nel non credere nell’esistenza di Dio. Ha persino visto nell’idea di quest’ultimo un pericolo, una minaccia per la scienza. In Una visione del mondo (1933) affermava così che tra tutte le Weltanschauungen che cercavano di contestare alla scienza la sua autorità assoluta in materia di conoscenza delle realtà sensibili, “solo la religione era il serio nemico”, specificando, di passaggio, che la scienza – di cui la psicoanalisi, secondo lui, è parte integrante – si accontenta dei fatti e quindi non ha bisogno di una “visione del mondo”. Aderendo al pensiero di Auguste Comte, Freud è un “positivista” che preferisce le leggi scientifiche alle (presumibilmente) cause prime, la razionalità della scienza alla speculazione metafisica della teologia o veicolata dall’intera filosofia a partire dall’antichità. In entrambi i casi, la fede in Dio avanzata da queste tradizioni rifletterebbe, ai suoi occhi, una forma di onnipotenza infantile delle idee, un narcisismo che dovrebbe essere superato per ancorare meglio il soggetto nella realtà oggettiva del mondo, come si sviluppa in particolare anche l’idea nella terza parte di Totem e tabù (1913).

Fu anche, come molti altri rappresentanti dei circoli naturalisti del suo tempo e molti dei suoi stessi Maestri (Theodor Meynert, Ernst Brücke, Herman Helmholz, Justus von Liebig, Ernst Haeckel, Robert Mayer, Carl Vogt, Emil Du Bois-Reymond, ecc. .), animato da un ideale e da una dottrina scientista: Freud fu monista, fisicalista e agnostico. Già nel 1901, in Psicopatologia della vita quotidiana, qualificava le letture metafisiche o religiose del mondo come “credenze superstiziose” e come “deliri paranoici” l’attribuzione a presunte forze esterne di conflitti psichici relativi a moti inconsci, assegnando di passaggio alla psicoanalisi la missione di “convertire la metafisica in metapsicologia”.

Si spingerà oltre ne Il futuro di un’illusione (1927), senza dubbio la sua opera più polemica sulla questione religiosa, in cui riduce quest’ultima a movimenti di difesa volti a contenere l’arcaica angoscia degli uomini di fronte alla loro mortale condizione e paragona, i riti religiosi, a compulsioni ripetitive come si osservano nei soggetti affetti da nevrosi ossessiva.

In breve, Freud riteneva che le scoperte scientifiche, in corso e future, non dovessero solo guidare la nostra conoscenza del mondo e degli uomini, ma anche tenerci lontani da vane illusioni religiose o metafisiche, così come è vero che la psicoanalisi porta i nevrotici a integrare meglio il principio di realtà nel loro funzionamento mentale. È sulla cultura – lo spazio comune entro il quale una convivenza non conflittuale tra gli uomini è resa possibile dall’elevazione dei loro istinti naturali arcaici – che grava il peso della loro protezione e non su Dio, che esporrà il principio in Disagio della Civiltà(1930). La conoscenza scientifica e le conquiste a cui conduce, ovviamente, occupano un posto di rilievo.

Ottenuto al termine di uno sforzo della ragione (come Platone o Aristotele), rivendicato attraverso un atto di Fede (inteso nel cristianesimo, come libera risposta dell’uomo alla Grazia divina, alla rivelazione da parte di Dio della sua esistenza) o in qualche composita forma (come la scommessa di Pascal su una fede ragionevole), l’idea di Dio (o di qualsiasi principio metafisico di prim’ordine) provocò in Freud la stessa reazione ripugnante: ai religiosi e ai credenti, rispose che prendono le loro fantasie di eternità (nati dalle loro paure della morte e del nulla) per la realtà, che credono nelle storie e non nei fatti, e ai secondi, che fanno un uso imperfetto della loro ragione, poiché nessuna prova empirica dell’esistenza di Dio come motore primo ( per prendere il riferimento di Aristotele) possono essere forniti. La scienza, al contrario, fa affidamento su realtà osservabili per aggiornare le causalità oggettive al fine di spiegare la presenza e il funzionamento dei fenomeni che studia, le loro cause tanto quanto i loro effetti. Essa non si accontenta di proporre principi esplicativi o di causalità, ma lavora per dimostrarli, producendo così una conoscenza rigorosa, affidabile e anche perfettibile (ciò che insegna il positivismo), a differenza degli spiriti religiosi che si attengono alle loro credenze e si rinchiudono nella rigidità della loro dogmi. In psicoanalisi, questa garanzia scientifica sarebbe costituita dalla teoria delle pulsioni che, in ultima analisi, colloca le cause dei fenomeni psichici al livello delle forze fisico-chimiche (monismo epistemologico) che governano i corpi.

Tuttavia, e come lui stesso ci ha insegnato, non sempre è sufficiente reprimere i pensieri che ci dispiacciono o che vogliamo combattere per liberarcene. La psicoanalisi ha davvero finito con l’idea di Dio o quest’ultimoverrebbe ancora, dopo la morte del suo fondatore, a tirare per i piedi questo figlio che pensava bene di averlo ucciso? I greci, tuttavia, avevano avvertito Freud. È quando vogliono sfuggire al Destino, soprattutto se ne lo conoscono, che molto spesso gli uomini ne realizzano l’avverarsi. Edipo ebbe l’amara esperienza di questo. Freud, che conosceva bene la sua storia, ne trasse tuttavia tutte le lezioni utili?

Se Dio esista o non esista sicuramente non è la questione delle righe seguenti. Il mio progetto si potrebbe piuttosto riassumere così: Dio – o, in mancanza, la parola prendendolo come oggetto all’interno delle varie tradizioni che sorreggono l’idea della sua esistenza – sarebbe riuscito a intrufolarsi nel progetto scientifica freudiano, come pratica e come teoria, e annidarsi nella sua intimità epistemica all’insaputa del suo fondatore? Ciò dimostrerebbe che Dio ha il senso dell’umorismo, che non porta rancore, che ha seguito nelle idee… o che la teoria della rimozione dispiega i suoi effetti oltre il perimetro psichico entro il quale il suo fondatore l’ha collocata. Ovviamente non ho la risposta definitiva a queste domande… Posso comunque proporvi come premio di consolazione un progetto più modesto, quello di accompagnarmi in un breve giro, non esaustivo, dei collegamenti e delle analogie tra le due tradizioni, una specie di passeggiata contemplativa durante la quale un occhio poetico vedrebbe forse più cose di una mente cartesiana.

Il filo conduttore sarebbe fornito dal problema delle credenze che Freud ha voluto sostituire con una conoscenza oggettiva basata sullo studio empirico di fatti osservabili e sulla loro trascrizione in teorie rigorose. Se la psicoanalisi corrispondesse effettivamente a questo modello, lo studio dei fenomeni della cura (sogni, sintomi, ecc.) porterebbe direttamente alle cause istintuali (fisiologiche) su cui poggia l’edificio teorico freudiano. È così? No.

Per comprendere è necessario cogliere l’articolazione della conoscenza avviata da Freud. Essa è ben esposta in Psicoanalisi e Teoria della libido (1923): la teoria psicoanalitica nasce dal suo terreno clinico. Cioè dalla sua articolazione clinico-teorica. Prima (o per) di essere una scienza, la psicoanalisi, sul piano della cura, si interessa al singolo, ai fenomeni che produce e alle sovrapposizioni o corrispondenze di significato che ne emergono. Come Edipo di fronte alla Sfinge, la psicoanalisi dovrebbe prima risolvere gli enigmi del significato. Dal successo di questo progetto dipenderebbe quello di affermarsi come scienza. Tuttavia, nel trattamento, il significato è reso evidente solo dall’indagine sulle… credenze espresse dalle persone sul lettino. Ovviamente prendo qui il termine “credenze” nel suo senso strettamente laico: ciò in cui uno crede, il modo in cui dà senso ai fenomeni che produce, il suo modo personale di offrirne una lettura, di abitare il sentimento. Parlare di se stesso è sempre dire (o – nascondere) ciò in cui crede. Anche volere o temere qualcosa che non conosci (questa è la definizione psicoanalitica di fantasia) significa non vedere che credi in qualcosa. Ecco perché la Deutungskunst freudiana – l’arte dell’interpretazione in cura – può essere definita come un sistema di esplorazione antropologica delle credenze degli individui sulla base delle rappresentazioni che producono, piuttosto che come un processo naturalistico di studio empirico di qualche substrato fisico o fisiologico. “Analisi”, nel senso del chimico Lavoisier – da cui Freud avrebbe tratto ispirazione per la creazione del termine “psicoanalisi” – si discosta infatti sostanzialmente dall’attenzione prestata nella trattazione alle storie dei singoli soggetti, nelle loro modo di riferire e commentare i propri ricordi, la propria storia di vita, le proprie esperienze del momento, i propri pensieri, i propri sogni, le proprie emozioni, considerati secondo Freud come tanti supporti o testimonianze intime delle credenze che manifestano.

Lo stesso Freud accredita indirettamente l’idea di questo primato delle credenze sulla conoscenza scientifica. In Un trouble du souvenir sur l’Acropole [ si è mantenuto il titolo  riportato dall’autore (NdT)] (1936), scrive: “Quando poi, il pomeriggio del nostro arrivo, mi sono ritrovato sull’Acropoli e il mio sguardo ha abbracciato il paesaggio, mi è venuto in mente all’improvviso questo pensiero curioso: così tutti questo esiste davvero come abbiamo imparato a scuola?! “.

Il dubbio di cui parla Freud poteva riguardare l’esistenza materiale dell’illustre tempio di Atena? Ciò sembra improbabile… si potrebbe invece immaginare che l’incontro fisico (come si direbbe dell’incontro clinico con un paziente) con il monumento dell’Acropoli avrebbe in qualche modo rivelato a Freud la “presenza” della dea Atena in onore della quale fu eretto il tempio. Questa presenza è ovviamente da intendersi come quella della fede nella dea e non come quella della dea stessa! I marmi sacri dell’Acropoli sarebbero il risultato tanto quanto i contenitori o i rivelatori delle credenze che li hanno originati. L’Acropoli esiste perché il culto di Atena – la fede nella sua esistenza e nel suo potere – esisteva tra i Greci del tempo di Pericle. Il parallelo con la psicoanalisi si potrebbe quindi affermare così: come tali monumenti, i fenomeni esplorati sul piano clinico permetterebbero, oltre il tempo trascorso, di cogliere il significato e l’essenza su cui sono costruiti e di cui si sarebbero ancora testimoni attivi.

In Il sogno (1901), Freud va oltre: “Con mia grande sorpresa, ho scoperto un giorno che la concezione non medica del sogno, la concezione profana, quella che rimane per metà prigioniera della superstizione, si avvicina alla verità. (S. Freud, Sur le rêve, Parigi, Gallimard, 1988, p. 49). A quali concezioni si riferisce Freud qui? Quelle che, ai quattro angoli del mondo e attraverso i secoli, ritengono in particolare che i sogni abbiano un valore profetico o che siano messaggi inviati all’uomo da divinità o spiriti. In altre parole, quando si tratta di sogni, il premio della verità andrebbe a coloro che pensano che questi abbiano un significato. Tuttavia, affermare un’idea del genere equivale esattamente a avanzare… una credenza. Possiamo infatti credere che i sogni abbiano un significato (questo verrebbe da una forma di intuizione fondamentale, che può essere vera o falsa); possiamo anche interpretare i sogni (che abbiano senso o meno, in molti modi e secondo molteplici tradizioni, compresa la psicoanalisi, avendo ragione o torto nelle conclusioni che ne traiamo, poco importa); ma non possiamo mai considerare l’interpretazione dei sogni come una prova che questi hanno un significato! Sarebbe un errore logico, una tautologia che fa dipendere una “spiegazione” da una credenza che ne orienta il metodo e ne induce i risultati. Considerando, come spesso accade, l’Interpretazione dei sogni (1900) un’opera fondante della psicoanalisi, avendo condotto, alla lunga, dalla teoria onirica a quella psichica e, infine, a livello metapsicologico, a quella pulsionale, diventa urgente affermare che l’intero edificio freudiano, nella sua parte pratica e teorica, si basa su… una credenza, quella nel significato dei sogni. Quest’ultimo costituirà la cornice e il paradigma epistemico di tutta l’opera freudiana.

Freud lo riconosce peraltro in una sorprendente ammissione: “la teoria delle pulsioni è, per così dire, la nostra mitologia. Le pulsioni sono esseri mitici, grandiosi nella loro indeterminatezza» (S. Freud, Nuove Lezioni di Psicoanalisi). Fondato a doppio titolo su credenze (quelle specifiche dei pazienti e quella di Freud nel senso dei sogni), il naturalismo teorico ed esplicativo registrato da Freud nella teoria delle pulsioni sarebbe esso stesso una mitologia, cioè una narrazione in che ha senso credere (dall’interno) piuttosto che una teorizzazione esplicativa eretta sul modello esterno delle scienze. Diversamente, lo studio delle credenze rappresenterebbe, nell’articolazione clinico-teorica del sapere freudiano, il palcoscenico e la condizione necessaria per ogni elaborazione teorica secondaria. La metapsicologia sarebbe una “metacredenza”, per permettermi un neologismo, una credenza essa stessa costruita sullo studio di altre credenze. “Resa sacra” nel suo valore profano, come agente di verità, la parola raccolta durante la terapia porterebbe, per la sua trascrizione, a una parola “sapiente” il cui valore scientifico Freud amava sottolineare.

Per fare un esempio al di fuori dell’ambito clinico, la tragedia di Sofocle – Edipo Re – non rappresentò un formidabile acceleratore per la teorizzazione freudiana del Complesso di Edipo? L’opera di Sofocle, così come i miti o le credenze in genere, non sono forse una “via maestra” – come sarebbe il sogno dell’inconscio – verso le teorizzazioni della psicoanalisi? La scienza psicoanalitica è sicuramente eretta da una parola profana, quella delle storie, dei sogni o dei pazienti. Per questo è opportuno trarne le lezioni epistemologiche che possono offrire al progetto freudiano i fondamenti che gli corrispondono, se non quelli di un puro naturalismo. Tornando alla distinzione stabilita nel 1936 già da Roland Dalbiez in Il metodo psicoanalitico e la dottrina freudiana, ritengo opportuno, per rendere giustizia alla psicoanalisi, distinguere ciò che Freud fa (e che è dovuto al suo metodo) da quello che afferma di fare (e che è una questione di dottrina).

Sul piano clinico, alla questione delle convinzioni si aggiunge quella del legame e del percepito. È interessante a questo proposito ricordare che il termine religione deriva dal latino religare, legare. A cosa prestano attenzione gli psicoanalisti durante il trattamento? Proprio sul legame, quello che collega tra loro manifestazioni del paziente a priori disparate, che sembrano appartenere a piani o tempi diversi (un elemento di un sogno, un ricordo d’infanzia, una situazione del presente, una fantasia, ecc.). Il sentimento che accompagna il collegamento (nella libera associazione del paziente o nell’interpretazione dell’analista) guida la produzione e l’interpretazione del materiale analitico tanto più perché esso stesso è parte della dinamica dei legami di transfer e controtransfer che caratterizzano le relazioni di affetti che uniscono l’analista al suo paziente. Associate alle credenze e ai vettori della loro interpretazione inter e intrasoggettiva, costituiscono la materia prima essenziale al progetto di guarigione psichica e all’elaborazione della conoscenza scientifica cara a Freud.

Lo psicoanalista Serge Viderman, a titolo illustrativo, ha paragonato le interpretazioni prodotte durante le sedute di psicoanalisi agli affreschi delle grotte di Lascaux: al di fuori dell’intimità della loro enunciazione e della loro lettura negli armadi degli analisti, esposte a una luce troppo forte, le interpretazioni cliniche, come gli affreschi preistorici del suo esempio, sarebbero condannate a dissolversi nell’atmosfera, ad essere svuotate del loro significato e della loro sostanza. Una verità intima richiede uno spazio e una connessione altrettanto importanti.

Il significato legherebbe così la pratica alla teoria psicoanalitica: per comprendere i concetti teorici, sarebbe opportuno incontrarne anzitutto la manifestazione in sé, un po’ come nell’intima concezione della fede e del legame professata da sant’Agostino, quando affermava che Dio esiste dentro di noi (nel profondo di noi) e fuori o sopra di noi. Non è perché non lo incontriamo direttamente nel mondo sensibile che non esiste o che la sua presenza non si manifesta in noi. Torneremo presto su questo punto sulla questione dell’inconscio.

 “Fuori dalla Chiesa non c’è Salvezza”, diceva Cipriano di Cartagine (circa 200 – 258). La Chiesa, come la fede o la preghiera, costituirebbe degli spazi intimi che legano il credente a Dio. Questi collegamenti sarebbero di natura interna e non esterna. Ma cosa rispondeva Freud a chi metteva in dubbio il metodo o le teorie della psicoanalisi? Che questi non possono comprenderli perché non hanno sperimentato in se stessi gli effetti del lavoro analitico, che non hanno avuto accesso al significato nella sua prima manifestazione, quello che la cura assicura all’indagine. Si troverebbero quindi esclusi per due motivi dal nesso e quindi dalla conoscenza: non avendo incontrato in se stessi le manifestazioni dell’inconscio, non sarebbero nemmeno in grado di coglierle in una luce teorica. Come con Dio (l’ineffabile esperienza della Fede, dicono coloro che la possiedono), bisognerebbe misurarsi intimamente con il significato per poterne coglierne i principi… Basti pensare che i naturalisti in cui Freud vide i suoi coetanei e i suoi compagni d’armi, non furono tutti convinti da questa argomentazione… Alcuni glielo fecero sapere, additando in particolare il fatto che la psicoanalisi non era in grado di produrre le prove di ciò che propone (il filosofo delle scienze Karl Popper parlò piuttosto di un’assenza di processi di falsificazione degli esperimenti). Molti sono stati quindi coloro che hanno criticato la psicoanalisi proprio per ciò che Freud criticava nelle religioni: l’affermazione dell’esistenza di una realtà superiore non osservabile e la sua trascrizione teorica in un concetto centrale non verificabile (l’inconscio), accompagnato da principi e vocabolario ermetici, la cui evidenza apparirebbero solo ai membri di una comunità di iniziati. Ironia della sorte, forzando (a malapena) la linea, Freud sarebbe una specie di profeta illuminato e i suoi discepoli i membri di una religione, persino di una setta.  Freud, di fronte ai suoi detrattori, spesso li considerava nevrotici o antisemiti… Forse era un po’ sintetico… O forse tali critiche lo portavano faccia a faccia con una verità troppo conflittuale per poterla guardare frontalmente? A volte il più nevrotico non è quello che si pensa.

Il modo in cui la psicoanalisi conduce l’indagine sulle parole del paziente in cura, mina  la critica che Freud rivolgeva ai religiosi:  rimproverare alle persone di dare credito a storie di cui non hanno la certezza che corrispondano a fatti reali, mentre lui stesso ha dimostrato questa disposizione di fronte ai resoconti dei suoi pazienti? La conclusione a cui è giunto al termine dello studio del caso del suo paziente noto come L’uomo lupo (1918) è però inappellabile: la verità psichica ha la precedenza sulla verità degli eventi…, la storia dei fatti. La psicoanalisi, nel suo trattamento, è un’indagine del discorso e dei sintomi del paziente da cui parte alla ricerca – sempre nel senso laico del termine – della verità “sacra” o primaria che questo discorso consegna e recupera. Non è questo, né più né meno, ciò che fanno le tradizioni religiose che si dedicano all’esegesi dei testi sacri? L’immersione nello studio psicoanalitico dei sogni dei pazienti presenta una maggiore vicinanza all’attività di questi esegeti che a quella degli scienziati in camice bianco che, dal profondo dei loro laboratori, studiano i supporti biologici al microscopio.

Questa somiglianza è tanto più importante in quanto la psicoanalisi cerca senso nel mistero e nell’opacità dei supporti che la forniscono e che essa legge nella sua circolarità, cioè nella corrispondenza spesso stupefacente o paradossale tra vari frammenti del discorso, al di là qualsiasi causalità oggettiva tra di loro: nel sistema di rappresentazioni del paziente, il tutto è inteso dal dettaglio e il dettaglio dal tutto. Questo è chiamato il circolo ermeneutico. Ancora una volta, non è il modello epistemico delle scienze naturali (la scomposizione sperimentale – Zerlegung – del tutto nelle sue parti elementari) ad essere al centro della metodologia freudiana. Ciò sembra ispirarsi maggiormente, nella sua luce clinica, a quella riconoscibile – per fare un esempio – in Mosé Maimonide (1138 – 1204), medico, filosofo e teologo talmudista, che, come il suo contemporaneo Averroè, cercò nello studio di testi sacri tanto quanto in quelli di Aristotele in particolare, convergenza tra conoscenza scientifica, filosofia e rivelazione divina.

Freud rivendicava la sua ebraicità tanto quanto il suo ateismo. Una cultura e una tradizione forti come quella dell’ebraismo, assunte nella sua linfa religiosa, non l’avrebbero tuttavia impregnata, ispirandogli  certi principi di conoscenza? Questa è almeno la tesi difesa da Jacquy Chemouni in Freud, Psychoanalysis and Judaism (2004). L’esegesi ebraica consiste nel chiarire il significato della parola divina (contenuto principalmente nella Torah, data direttamente da Dio a Mosè) per trarne la Legge. È anche sede di un’importante corrente risolutamente mistica ed esoterica (anti-maimonidiana e anti-aristotelica), la Cabala, che, parallelamente alla Legge scritta e pubblica contenuta nella Torah, intende rappresentare la Legge orale e segreta data da Dio a Mosè sul monte Sinai. Secondo Charles Mopsik, il capolavoro della Kabbalah, lo Zohar, considererebbe la Bibbia come un documento cifrato i cui resoconti sarebbero come un velo che nasconde un sistema di pensiero che conduce alla conoscenza della struttura del mondo, dell’uomo e di Dio.

Confrontando la struttura dei rispettivi approcci, Freud è lontano da ciò che precede quando scruta le parole dei suoi pazienti (più in particolare quando si china sui loro sogni) per scoprirvi la varietà di significati che essi contengono, anche aggiornati attraverso una pluralità di interpretazioni non contraddittorie a cui conduce il loro studio, o quando si vogliono scoprire le leggi (certamente solo naturali) a cui conduce l’interpretazione dei misteri contenuti nella Natura? Non va dimenticato che Freud, per sua stessa ammissione, intraprese gli studi di medicina dopo aver ascoltato una conferenza di Carl Brühl dedicata al saggio di Goethe sulla Natura (più probabilmente da un amico di quest’ultimo, il teologo e scrittore svizzero Georg Christoph Tobler). Lo studio della parola (nella “sacralità” della verità che essa rivela e contiene) e quello della Natura presentano infatti una sorprendente convergenza nella loro lettura di Freud.

Siamo qui al centro del paradosso epistemologico del pensiero freudiano, che ne assicura anche la formidabile forza innovatrice. La natura, proprio come i sogni o i singoli individui sdraiati sui divani degli psicoanalisti, sono soggetti che parlano prima di essere oggetti (nel senso filosofico del termine) da conoscere. Per capirli è necessario ascoltarli, decifrare le misteriose parole che pronunciano per capirne il significato ed eventualmente assicurarne la trascrizione in termini scientifici. Quando la Natura parla, come nel romanticismo, a cui Freud era molto ricettivo, ma anche attraverso le storie, i sogni o i sintomi dei pazienti, significa che Dio non è mai lontano. La Naturwissenschaft assume l’aria di Naturphilosophie e soprattutto il paradigma metafisico della Verità intesa come svelamento dispiega tutta la sua autorità sulla scoperta freudiana. Sembra di udire Freud dietro i primi versi del magnifico poema di Baudelaire intitolato “Corrispondenze”: La natura è un tempio dove pilastri viventi / A volte emettono parole confuse; / L’uomo attraversa foreste di simboli / Che lo osservano con occhi familiari.

Questa parola primaria di un Altro che si svela e si ritrova nel suo mistero e nella sua verità, che bisogna imparare ad ascoltare per conoscerla accogliendola, potrebbe essere avvicinata, nella sua forma, al Prologo del Vangelo secondo Giovanni (Gv, 1, 1), dove quest’ultimo indica Gesù con il termine di Logos (parola, ragione, pensiero): «In principio era il Logos e il Logos era presso Dio e il Logos era Dio». Dovremmo sentire questo primo verbo, “accogliere la parola di Dio”, dicono i credenti.

Se, inoltre, come fa dire Platone a Socrate ne Il Convivio, l’unico amore è quello del Bello (indissociabile secondo lo stesso testo dal Bene, il Vero, il Giusto e il Buono), basta abbandonarsi, a lasciarsi guidare, anche aspirare da loro. L’amore contemplativo del Bello, aprendo le porte del cuore, aprirebbe anche quelle della conoscenza e della saggezza. Devi sapere amare per essere un filosofo…

Anche in psicoanalisi, a monte di ogni concettualizzazione esplicativa, comprendiamo una parola lasciandoci penetrare da esso, quello del paziente in cura, quello della Natura o dell’inconscio a livello più generale. È questa parola che ci precede e ci guida; è a lei che ci abbandoniamo; è lei che ci apre le porte della conoscenza.

Che sia nella sua luce religiosa o filosofica, la metafisica sicuramente non lascia andare la mano di Freud…

L’illustrazione più sorprendente di quanto sopra è quella che circonda la principale scoperta di Freud, quella dell’inconscio. Per Freud, come per chi crede in Dio, l’inconscio esiste veramente; come lui, non può essere visto direttamente ma solo attraverso le manifestazioni che produce e che gli permettono di risalire a lui. Sebbene invisibile ai nostri occhi nella loro forma primaria, Dio, come l’inconscio, esisterebbe dietro i fenomeni osservabili e ne dispiegherebbe gli effetti anche nel mondo sensibile. Freud si riconnette qui, in termini metodologici, con le fonti della metafisica ontologica occidentale, riprendendo da Platone il principio di una dialettica ascendente che permette di elevarsi dalle cose sensibili alle cause invisibili da cui esse emanano. Sempre nell’idea che L’interpretazione dei sogni costituisca il libro fondante della psicoanalisi, quest’ultima inscrive poi i suoi principi di conoscenza all’interno del modello di pensiero inaugurato da Platone nella Repubblica. L’opposizione di Freud al modello metafisico è indiscutibile; l’iscrizione della sua scoperta nell’orizzonte di questo è altrettanto importante. Dio rappresenta il ritorno del rimosso che Freud probabilmente meno si aspettava. Sofocle, ben prima di Freud, lo scriveva già: ciò che cerchiamo lo possiamo trovare, ma ciò che trascuriamo ci sfugge…

Sul piano strettamente metapsicologico, il presunto modo di funzionamento dell’inconscio, quelli che Freud chiama i processi primari, presenta inoltre evidenti somiglianze con proprietà attribuite al divino. Per illustrare questo punto, prenderò l’esempio della Santissima Trinità nel cristianesimo, l’affermazione (dal Dogma) che Dio è unico E che esiste simultaneamente in tre persone, il Padre, il Figlio e lo Spirito Santo, ciascuno essendo tutto Dio mentre esiste solo nell’unione di ciascuno con gli altri due.

Nell’analisi del sogno dell’iniezione fatta a Irma (che compare nell’Interpretazione dei sogni, p. 254 nella traduzione di Meyerson al PUF), di cui Freud è autore e commentatore, afferma la stessa idea tre volte: la protagonista del suo sogno “è la sua paziente Irma, vista con i suoi stessi lineamenti e che rappresenta principalmente se stessa”. Quindi, nell’immediata sequenza del soggetto, stabilisce l’elenco di tutte le persone che non sono Irma a cui quest’ultima nel sogno lo porta a pensare. L’interpretazione psicoanalitica dei sogni che avvengono sul piano delle rappresentazioni, equivale a porre, sul piano del significato, il principio della simultaneità di multipli e opposti in forma di condensazione – Verdichtung – (tutte queste donne in Irma), spostamento – ​​Verschiebung – (Irma nelle donne diverse da se stessa) e non contraddittorio… (come per la Santissima Trinità dove uno è tre e tre è uno), e, a livello di significanti, come nella tradizione della Kabbalah, per esempio, che associa 72 nomi di angeli a Dio per ottenere il suo vero nome, lo Schem-hamephorash, il suo nome segreto e impronunciabile. Se aggiungiamo a quanto sopra che l’inconscio, secondo Freud, non conoscerebbe il tempo (zeitlosigkeit)… potremmo benissimo finire per pensare che il punto di confronto più vicino che abbiamo è il piano di Dio, l’alfa e l’omega, che è senza inizio né fine. Dio è colui che è, che era e che sarà, diceva san Giovanni nell’Apocalisse (1,8). È questo tempo fuori dal tempo che è rappresentato sulle icone ortodosse, che collocano le figure su fondo dorato per evitare l’effetto prospettico che si riferirebbe a rappresentazioni dello spazio terrestre e del tempo lineare che ne è il corollario.

L’invisibile ovviamente non ha mai avuto per Freud la dimensione metafisica o soprasensibile che possiede in particolare all’interno di una tradizione che va da Platone, al neoplatonismo e fino a sant’Agostino, per compiere alcune tappe significative. L’apprensione e la teorizzazione dell’invisibile strettamente psicoanalitico – l’inconscio e ciò che lo circonda – poggia, invece, sul suo quadro metodologico. In breve, la psicoanalisi mirerebbe a una forma di conoscenza non metafisica… pur essendo costruita sul modello e sui processi della metafisica.

Certi esponenti della psicoanalisi a volte parlano con voce troppo alta, troppo sicura, troppo dogmatica, come le persone che, sul piano socio-religioso, pensano che l’idea del loro Dio abbia valore assoluto e non può soffrire di critiche e  dubbi.  Il sociologo Robert Castel in Le psychanalysme (1973) aveva a suo tempo denunciato questa volontà egemonica di una psicoanalisi arrogante e dogmatica che avrebbe cercato di imporre le sue idee al dibattito pubblico e al tessuto sociale. La certezza tutta scientifica di certi psicoanalisti li porta a diventare essi stessi quel soggetto che presume conoscere di cui parla Lacan, quello di cui un soggetto crede di sapere qualcosa del nostro inconscio. Sarebbero, in un certo senso, ingannati dalla loro stessa illusione di scientificità.

Non è questo l’aspetto  della mia disciplina che preferisco, per usare un eufemismo. In più di venticinque anni di esercizio di questa professione, non ho raccolto alcuna prova dell’esistenza dell’inconscio (e non me ne sono ammalato), non più di quanto mi abbiano convinto le argomentazioni di chi difende il rigorosa scientificità della psicoanalisi dalla teoria delle pulsioni (oltre che come “mitologia”…). Questo non mi impedisce di credere nell’inconscio, nell’emergere del significato nei fenomeni e di utilizzare la metapsicologia come bussola teorica indispensabile e insostituibile, una tela astratta che struttura un’opera che non lo è.

A livello epistemologico preferisco – sulla scia di Freud – cercare i fondamenti della psicoanalisi dalla sua pratica, piuttosto che dalla sua teoria. La parola che si dispiega nella cura è, a differenza del linguaggio “sapiente”, una parola umile, fragile che interroga o brancola più di quanto afferma. Cercare senso nelle parole e nei sentimenti, voler capire ciò che ci sfugge, presuppone un’umiltà paragonabile a quella di chi prega, come dimostrano questi verbi che compaiono nel Credo, Πιστεύω… ὁμολογῶ… προσδοκῶ: Credo, io confesso, io aspetto.

Per questi credenti è un atto di Fede che esssi rivolgono a Dio; per me è una posizione epistemologica che dà senso a una disciplina, che corrisponde ai suoi principi di ricerca così come alla sua etica e alla sua visione dell’essere umano, e che lega la sua pratica alle sue teorizzazioni.

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