par Thémélis Diamantis
(FRA/ITA testo italiano in fondo)
« Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. » (Paul Éluard, Ralentir Travaux)
Tout le monde le sait : la psychanalyse est l’œuvre de Sigmund Freud. Mais de qui ou de quoi Sigmund Freud est-il l’œuvre ?
De l’essor formidable des sciences naturelles au cours du dix-neuvième siècle, pardi, répondrait[1] sans sourciller l’intéressé ! Mais composent-elles vraiment le tout de la psychanalyse ?
« Y’en a » répliquait Francis Blanche à la remarque de Jean Lefèvre (« j’y trouve un goût de pomme ») dans l’hilarante scène de la cuisine des Tontons flingueurs (1963), au sujet de la composition de l’improbable tord-boyau qu’ils étaient en train de boire …
De même pour Freud, si l’influence du naturalisme scientifique et de ses représentants (Brücke, Meynert, Haeckel, Mayer, etc.) est indéniable, elle n’en exclut pas un ensemble d’autres, culturelles (le romantisme allemand, la culture grecque antique – ne serait-ce que pour la référence aux figures d’Œdipe et de Narcisse – le judaïsme, etc.) et/ou philosophiques (Platon et le néo-platonisme, Hegel, Kant, Spinoza, Schopenhauer, etc.). Freud lui-même s’y réfère et de nombreux auteurs, depuis, se sont intéressés à ces sujets (Jacquy Chemouni ou Émile Malet – parmi d’autres – sur le judaïsme, Monique Schneider sur Spinoza, moi-même sur le paradigme métaphysique né de Platon, etc.).
Il ne paraît pas davantage extravagant de postuler que Freud était aussi un représentant de son époque dont il subissait l’influence. Pour en prendre un exemple, la dichotomie entre nature et culture – centrale chez Freud, comme il ressort de Malaise dans la culture (1930), et dont l’agencement des plans supporte également son projet thérapeutique[2] – est également un des piliers de la pensée occidentale du dix-neuvième siècle[3]. Du temps et dans la ville de Freud, la construction des deux bâtiments jumeaux[4] installés l’un en face de l’autre et abritant respectivement le musée des Beaux-Arts (Kunsthistorisches Museum) et celui des sciences naturelles (Naturhistorisches Museum) en est un des nombreux témoins. Autre exemple : le « fluide magnétique animal » postulé par Franz-Anton Mesmer – Viennois, lui aussi – ou son fameux baquet, en 1780, n’auraient-ils pas aussi participé à leur manière à l’élaboration du principe de communication entre les inconscients, mais également à celui des concepts de transfert ou de libido ?
Les grandes découvertes sont parfois aussi le produit de l’air du temps. C’est précisément à un tel « air » – dans les deux sens du terme – que je souhaite m’intéresser dans les lignes à venir sur les questions de l’amour, du sexe et du rêve. Le support choisi – l’œuvre de Jacques Offenbach (1819 – 1880) – peut paraître surprenant à double titre : d’une part, parce qu’au début de son étude sur « Le Moïse de Michel-Ange » (1914), Freud insistait sur son inaptitude à la jouissance musicale du fait de ses « dispositions rationalistes », et d’autre part parce que strictement rien – ni dans le texte de Freud, ni dans les études biographiques qui lui ont été consacrées – ne permet de penser que Freud aurait croisé à un moment la musique, les livrets ou les mises en scène caractéristiques des pièces de Jacques Offenbach. Tout au plus, en 1919, dans son article « Das Unheimliche », Freud évoque-t-il la nouvelle fantastique de « l’homme au sable » figurant dans le recueil des Contes nocturnes (1817) de Ernst Theodor Amadeus Hoffmann. L’adaptation de cette nouvelle avait par ailleurs aussi servi de trame au Premier Acte (Olympia) du magistral opéra de Offenbach, « Les Contes d’Hoffmann » (1881)[5], dont le titre-même se réfère explicitement à l’écrivain romantique allemand[6], mais dont le livret, tout en s’inspirant des nouvelles de celui-ci, est une adaptation par Jules Barbier de la pièce « Les contes fantastiques d’Hoffmann » qu’il avait écrite avec Michel Carré en 1851.
Reconnaissons-le, c’est maigre pour faire de Freud un connaisseur ou un amateur des œuvres d’Offenbach ou de ce dernier un avant-gardiste éclairé de la psychanalyse. La seule certitude est que les deux connaissaient l’écrivain allemand, mais cela ne prouve rien et certainement pas une influence du musicien français sur l’inventeur de la psychanalyse. Les « Contes d’Hoffmann » sont d’ailleurs considérés comme un monument de l’opéra français ; quant aux pièces antérieures, plus légères, du compositeur – opérettes ou opéras-bouffe – n’est-ce pas leur critique (sous couvert notamment de mythologie) des mœurs du Second Empire (« Orphée aux Enfers », 1858 ; « La Belle Hélène », 1864, « La Vie parisienne », 1866) ou la dénonciation des visées politique de la Prusse sur la France – sous l’influence notamment d’Otto von Bismarck – qui en composent la toile de fond (« La Grande-Duchesse de Gerolstein », 1867) ?
Inutile donc de chercher une correspondance directe qui relierait Offenbach à Freud, à ses prédécesseurs identifiés, voire à la méthode ou aux théories de la psychanalyse. Pour rappel, Offenbach est mort en 1880, l’ouvrage de Charcot Sur les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation chez les hystériques date de 1882, Freud – en tant que boursier étranger – suivit à Paris les travaux de Charcot entre octobre 1885 et février 1886, il avancera l’hypothèse générale de l’étiologie sexuelle des névroses dans sa lettre du 30 mai 1893 à son ami Wilhelm Fliess, Les Études sur l’hystérie datent de 1895, L’interprétation des rêves de 1899-1900 et les « pulsions de mort » ne seront théorisées qu’à partir de 1920. Toutes ces recherches et publications sont donc ultérieures au décès du musicien. Aucune biographie lui étant consacrée ne relève par ailleurs chez lui un intérêt quelconque pour les questions d’ordre psychopathologique.
En élargissant, par contre, le périmètre de lecture aux thématiques qu’ils traitent, aux moyens qu’ils emploient à cet effet et à des éléments culturels partagés, des parallèles intéressants se font jour.
L’idée que je poursuis pourrait se résumer de la sorte : on trouverait dans les pièces d’Offenbach[7] un avant-goût, voire une anticipation extrêmement fine d’un regard qui deviendra la marque de fabrique de la psychanalyse. J’en énonce ici succinctement les aspects avant d’en développer le propos : (1) les fonctions du rire, du rêve et du symptôme (notamment dans l’hystérie[8]), (2) le conflit psychique entre exigences morales et désirs sexuels (3), le sens donné au terme de destin – expression des volontés divines ou destin pulsionnel ? – (4) jusque dans sa mise en perspective dans l’horizon de ce que Freud qualifiera de « pulsions de vie et de pulsions de mort »[9].
Offenbach et ses paroliers traiteront ces thématiques par le biais des arts lyriques et de la scène, dans le registre comique (opéras-bouffe) et tragique (« Les Contes d’Hoffmann ») ; Freud, quelques décennies plus tard, se lancera dans l’étude scientifique de celles-ci. Les deux semblent s’inscrire dans des perspectives distinctes, et pourtant…
Auprès d’un large public, Jacques Offenbach est surtout connu pour ses opéras-bouffes. Je m’intéresserai en un premier temps à trois d’entre eux ayant connu un vif succès : « La Belle Hélène », « La Vie parisienne » et « La Grande-Duchesse de Gerolstein ».
Les airs en sont enlevés, la musique joyeuse et leurs intrigues fourmillent de situations et de dialogues cocasses. Aucun doute, leur intention – conformément au genre musical auquel ces pièces appartiennent – est de divertir le public, de rendre légers des thèmes qui sous un jour différent ne prêteraient pas forcément à rire (rappelons que l’enlèvement d’Hélène par Pâris aurait conduit à la Guerre de Troie dont les combats sanglants sont relatés par Homère dans l’Iliade, l’adultère ou une frivolité excessive sont des sujets sensibles dans les milieux bourgeois du temps de Napoléon III et l’idée d’une nouvelle guerre avec le puissant voisin allemand n’invitait certainement pas le public français de l’époque à se taper de rire sur les cuisses…).
Le rire constitue pourtant un pont authentique qui relie Offenbach à Freud, au regard notamment de l’essai de ce dernier : Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient (1905).
Avec quoi Offenbach fait-il rire ? Quelle analyse Freud produit-il de celui-ci ?
Un éclairage intéressant sur ces questions nous est fourni par Adolphe Nysenholc et A. Willy Szafran, dans deux publications qu’ils ont dirigé : Freud et le rire (1973) et plus récemment « Humour et identité » in La matière et l’esprit, N° 24, 2012. Essentiellement à partir des travaux de Freud, ces auteurs nous apprennent que l’humour met en jeu des processus analogues à ceux se trouvant aux fondements des rêves[10]. Ils définissent aussi cette manière de produire du rire comme « un élément de construction de l’identité individuelle et de définition de la culture juive ». Ce dernier point est d’ailleurs confirmé par Jean-Pierre Kamieniak dans son article « Freud et Vienne : le Witz et l’identité juive » (2004), qui voit également cet humour très particulier comme un signe d’appartenance juive pour des personnes qui vivaient dans un environnement social gangréné par l’antisémitisme.
Rappelons à ce propos que Offenbach et Freud étaient tous deux nés Juifs, le premier de tradition ashkénaze, le second hassidique. L’un comme l’autre se sont éloignés de leur culture et de leur tradition de naissance – le premier pour devenir Français et catholique, le second (sans renier sa judéité) par rejet de toute forme de religion – mais les deux y ont baigné durant leurs jeunes années. Le père d’Offenbach, Isaac, était chantre permanent à la synagogue et il est dit de Jakob, le père de Freud, qu’il fut « fidèle et respectueux de la foi et de la tradition de sa religion (…) jusque dans les détails de sa tenue vestimentaire [le faisant] ressembler à ces juifs pieux d’Europe centrale. »[11]
Il semblerait même que Freud ait eu pour intention de prendre l’humour plutôt que le rêve comme sujet d’étude pour poser les fondements du projet de la psychanalyse. S’il a finalement écrit la Traumdeutung (1899-1900) dans ce but, il est revenu sur la question de l’humour quelques années plus tard avec Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient (1905). Il nous y apprend que le mot d’esprit – le Witz -, à l’inverse du rêve ou des symptômes, ne serait pas à proprement parler une émanation incontrôlée ou spontanée de l’inconscient, témoin du conflit psychique de son producteur, mais une opération dirigée par le préconscient (dont le sens serait donc assez largement conscient au producteur), et qui lui permet, sous le couvert du rire, d’exprimer une idée autrement impossible à mettre en mots pour des raisons de bienséance, de morale ou pour les risques auxquels sa formulation directe exposerait son locuteur[12]. La plupart des fois, le mot d’esprit, comme le rêve, se manifeste sur le mode d’un surgissement, mû par une dynamique pulsionnelle activée par un contexte qui en favorise l’expression. C’est dans ce jaillissement que le Witz entretiendrait une relation avec l’inconscient. Comme le rêve, le Witz permettrait de donner corps à des idées ou des sentiments en contournant l’interdit de l’autorité ou de la morale. L’un comme l’autre rendraient visibles par un effet de sens (plus ou moins conscient) ce qu’ils ne désignent pas explicitement.
Qu’y aurait-il de spécifiquement juif à cela ? Outre une filiation formelle avec l’exégèse rabbinique sur les questions d’herméneutique – dont je n’aborderai ici ni les contenus ni leurs parallèles avec la psychanalyse, l’ayant fait dans un précédent article auquel je renvoie les lecteurs intéressés[13] – il est à relever que pour un peuple fréquemment persécuté, un tel humour jouant sur la polysémie constitue un moyen de rire (aussi de soi et de son malheur !) en échappant à toute forme de censure ou de représailles comme le souligne également Kamieniak. Souvent, l’effet comique du Witz repose sur la variété de sens des mots, la musique des sons qu’ils produisent et leur interprétation contextuelle. C’est souvent du quiproquo et des collusions de sens que naît le rire. En voici un exemple, récemment découvert dans un roman policier de R. J. Ellory, Le Carnaval des ombres. Le personnage qui raconte l’histoire est juif lui-même : un homme accompagne sa femme chez un ami médecin pour la faire examiner. À la fin de l’auscultation, le médecin, l’air grave, revient voir l’homme et lui dit : « je l’ai examinée attentivement et ce que j’ai vu ne m’a vraiment pas plu ». Le mari lui répond alors : « Écoute, je connais aussi ta femme ; elle non plus, ce n’est pas une reine de beauté… ».
Sur un plan plus général, l’interprétation non exclusive de mêmes contenus sémantiques selon les divers champs du signifié auxquels ils renvoient, autant que leur compréhension à partir de la singulière identité de celui qui les profère est un témoin central de la psychanalyse toute entière, dans sa dimension clinique et théorique.
Mais revenons à l’humour. En voici chez Offenbach une illustration qui s’apparente à une forme de Witz. Quand dans « La Vie parisienne », les paroliers – Henri Meilhac et Ludovic Halévy – donnent le nom de « Métella » au personnage tenant le rôle de la courtisane, ils choisissent un prénom qui réellement existe (même s’il n’est pas fréquent) mais ils le font surtout en conscience de l’assonance scabreuse (mettez-là !) qu’un tel nom prend rapporté à une « cocotte », comme on disait sous le Second Empire, autrement dit à une femme monnayant ses charmes à de riches amants choisis dans la société mondaine. Métella est un personnage de théâtre autant qu’un trait d’esprit – parfaitement délibéré – dont la portée dépasse le cadre de la scène (donc de la fiction) pour pointer une réalité de mœurs pouvant au demeurant être entretenue (elle aussi !) par des personnes assises aux meilleurs rangs de la salle. Comme Freud ne manque pas de le souligner, un rire libérateur est bien souvent aussi un rire qui dénonce.
Le Witz partage au fond avec le rêve une capacité à révéler ce qu’il recouvre. En poursuivant ce parallèle, on pourrait dire que le rêve produit l’illusion de l’absurdité pour à la fois cacher et dévoiler des pensées – à l’inverse de ce qui est absurde – porteuses de sens et d’affects pour le rêveur, comme le Witz recouvrirait sous l’effet du rire qu’il génère des contenus moins joyeux. Tous les deux fonctionneraient en somme comme des leurres ou comme une duperie organisée[14], attirant l’attention sur l’absurde ou sur l’effet comique pour mieux révéler ce que dans un même mouvement ils s’emploient à dissimuler. La vérité enfouie aurait ainsi besoin de celle apparente[15] (laquelle la masque et la contredit) pour accéder à un espace de représentation psychique plus proche de la conscience et du langage. Parfois les signifiés véritables se trouvent ailleurs que dans ce que les mots semblent désigner. Voilà bien la principale découverte freudienne théorisée autour du terme d’inconscient. Sous leur jour inconscient, le rêve comme le Witz renvoient en profondeur à une gravité que leur apparence ne permet pas d’identifier au premier regard : le rêve souvent véhicule des angoisses, des traumatismes, des conflits psychiques violents pour le rêveur ; quant au Witz, si on le décortique, comme de nombreux analystes l’ont montré[16], il n’a rien de drôle : dans celui rapporté plus haut, un médecin vient annoncer à un ami que sa femme va peut-être mourir, quant au personnage de Métella, sous les termes chantants de cocotte ou de demi-mondaine, il met sur scène et sous le nez des bourgeois et de leurs femmes, une prostituée dont l’ambition principale est d’obtenir d’une telle population le plus d’avantages matériels possibles en contrepartie de ses services. Derrière le rire, se cachent le tragique (universel) de la mort ou une absence de morale individuelle ou sociétale, autrement dit, des sujets que l’on préfère généralement garder sous le tapis. Le refoulement, le déni et le clivage sont souvent des instruments utiles aux mains d’une bienséance soucieuse de son maintien.
La légèreté des opérettes d’Offenbach ne serait-elle alors pas une sorte de Cheval de Troie, une ruse (comme celles dont ces œuvres fourmillent), un Witz musical dont la légèreté dissimulerait son opposé, comme Freud, sur un plan différent en fera la découverte en explorant certains phénomènes en apparence absurdes, incompréhensibles, insignifiants ou drôles ? Si Offenbach et ses paroliers ont bien eu l’intuition de tels mécanismes psychiques avant Freud, comme je chercherai à le faire voir, alors leurs pièces auraient pour le public une fonction de miroir analogue à celle de l’analyste pour son patient. En mettant sur scène dans leurs opéras-bouffes les mécanismes de la dissimulation, de la ruse et de la métamorphose des désirs, sous le couvert du rire et d’une musique entraînante, ces œuvres conçues pour le divertissement obligeraient de manière subtile ou indirecte le public à voir sur scène ce qu’il ne veut pas voir dans la vie. Comme nous le verrons dans la conclusion, Offenbach exposera d’ailleurs ce fond tragique, – sans fard mais pas avec moins de sensibilité « psychanalytique » – dans ses « Contes d’Hoffmann ».
Une des grandes intuitions des pièces d’Offenbach est d’avoir mis en scène les effets de ce que Freud qualifiera plus tard de refoulement. Pour reprendre une formule célèbre, Freud considérera ce mécanisme de défense comme la pierre angulaire de l’édifice psychanalytique et en étudiera les mécanismes sous le jour du symptôme et du conflit psychique auquel il conduit. On peut néanmoins se demander si Offenbach ne l’avait pas devancé en utilisant le retour du refoulé comme principal ressort … comique dans ses pièces légères. Comme Freud, il pointe le caractère sexuel des désirs refoulés par les instances morales de celui (ou de celle) qui les éprouve (ou le rappel de ces interdits dans les codes sociaux) et montre que ce n’est que par leurs métamorphoses que les désirs refoulés tentent de réapparaître afin de tendre vers leur réalisation. Freud saura voir la souffrance qui accompagne ces métamorphoses pour ceux qui les produisent, là où Offenbach s’amusait simplement à dénoncer le ridicule et la mauvaise foi de leurs auteurs. Mais c’est bien la seule différence entre les deux…
Une intuition particulièrement fine des questions du refoulé et de son retour se donnent à voir chez Offenbach autour de la question des troubles qualifiés d’hystériques (auxquelles les notes aigues des sopranos et leurs qualités de comédiennes assurent un volume particulier), comme en écho aux propos (rapportés bien ultérieurement par Freud) de Joseph Breuer (« c’est toujours une question d’alcôve »), du gynécologue viennois Rudolf Chrobak (« Penis normalis, dosim repetatur ») et de Jean-Martin Charcot (« C’est toujours la chose génitale, toujours, toujours, toujours »). À leur manière, la Belle-Hélène et la Grande-Duchesse semblent dire également qu’une sexualité frustrée pourrait conduire à l’hystérie.
Les opéras-bouffes d’Offenbach peuvent être vus comme une dénonciation subtile de l’hypocrisie sexuelle, politique et sociétale de l’époque. La protagoniste de « La Belle-Hélène », en plus d’être la plus belle femme de Grèce s’avère être également l’épouse du Roi Ménélas, le frère d’Agamemnon. Mais sa vie, son rang et surtout son mari l’ennuient. Comme elle le chante dans un des premiers airs : « Amours divins ! Ardentes flammes ! Vénus ! Adonis ! Gloire à vous ! Le feu brûlant vos folles âmes, Hélas ce feu n’est plus en nous. Écoute-nous, Vénus, Vénus la blonde, il nous faut de l’amour, n’en fût-il plus au monde ! (…) il nous faut de l’amour, nous voulons de l’amour !». Son appel – dans la teneur résolument sexuelle qui l’anime – est non seulement entendu des spectateurs devant lesquels il est chanté mais également de … Vénus elle-même puisque cette dernière venait de promettre à Pâris – le prince troyen, fils du Roi Priam – l’amour de la plus belle femme du monde pour l’avoir désignée elle-même sur le Mont Ida comme plus belle que ses deux rivales, Junon et Athéna. Déguisé en berger, Pâris se rend donc à Sparte chercher sa récompense. Entre Hélène et lui le charme opère immédiatement, mais l’épouse de Ménélas tente d’en réfréner les élans en elle au nom de sa vertu et de son rang. Elle s’adresse alors de nouveau à Vénus, qu’elle accuse cette fois de lui imposer « son » désir, pour ne pas dire sa perversion : « Dis-moi, Vénus, quel plaisir trouves-tu à faire ainsi cascader la vertu ? », lui rappelant au passage que sa famille était régulièrement choisie par les dieux pour leurs expériences, puisque sa propre mère, Léda, avait été séduite par Zeus métamorphosé pour la circonstance en cygne… Loin de l’écouter, Vénus ordonne à l’augure Calchas de favoriser la conquête d’Hélène par Pâris en expédiant Ménélas en Crète. La résistance d’Hélène sera finalement vaincue en se laissant convaincre par Pâris que l’acte d’amour physique qu’ils commettent se produit en rêve et non dans la réalité. « Puisque ce n’est qu’un rêve (…) un doux rêve d’amour », comme le chantent en duo les amants, alors tout est permis…
Pâris sera chassé (refoulé, peut-on dire…) mais reviendra (comme tout refoulé qui se respecte), en l’occurrence sur les plages de Nauplie où se prélassent les Rois de la Grèce – une critique à peine voilée de la cour de Napoléon III qui passait son temps aux bains de mer… – afin de reprendre Hélène et l’emporter à Troie, métamorphosé cette fois en grand augure de Vénus.
À l’exception notoire du conflit œdipien, évoqué pour la première fois par Freud dans sa lettre du 15 octobre 1897 à son ami Fliess, Offenbach semble annoncer par les notes de sa « Belle-Hélène » les découvertes de Freud sur l’hystérie. L’épouse de Ménélas désire (surtout physiquement !) un homme que sa morale, son statut et son rang lui interdisent strictement. Cette équation comprenant simultanément le désir qu’elle éprouve et la condamnation qu’il lui inspire est forcément impossible à résoudre pour cette malheureuse héroïne … aussi longtemps qu’elle la rapporte aux normes morales qui régissent les humains et les sociétés qu’ils organisent, mais en considérant cette même équation sous l’angle des volontés divines et du Destin, la réalisation du désir proscrit devient presque un devoir pour ne pas dire une marque de vertu. N’est-il pas sage d’écouter les dieux et de leur obéir ? Il suffira ainsi à Hélène de se déclarer l’humaine victime du destin et de la fatalité que les dieux (cruels…) lui imposent … pour mieux céder à son désir pour Pâris. Les termes de destin et de fatalité se retrouvent dans la plupart des airs, produisant au passage un rire sonore, comme ici – avec en prime une formidable pirouette sémantique …- lors du départ de Ménélas pour la Crète : « Gagne Ménélas, le pays lointain où te mène, hélas, la voix du Destin ».
Dans une lecture qu’Offenbach tourne en dérision, les dieux, le destin auquel ils président et la fatalité qu’ils imposent aux hommes seraient donc seuls responsables des écarts à la morale que ces derniers pourraient commettre. Comme Hélène le chante : « Nous naissons toutes soucieuses / De garder l’honneur de l’époux, / Mais des circonstances fâcheuses / Nous font mal tourner malgré tout (…) Ah malheureuses que nous sommes ! Beauté, fatal présent des cieux ! Il faut lutter contre les hommes / Il faut lutter contre les dieux / Avec vaillance, moi, je lutte / Je lutte et ça ne sert à rien…/Car si l’Olympe veut ma chute, / Un jour ou l’autre il faudra bien… »
Au final, ni Hélène ni Pâris ne seraient responsables de l’adultère commis puisque la première ne peut se soustraire à la volonté des dieux et que le second n’a pas choisi Hélène mais qu’elle lui a été « donnée » par Vénus en sa qualité de plus belle femme de Grèce. On en viendrait presque à les plaindre…Quant à ce qui leur arrive, Nothing personal auraient dit depuis l’Olympe les dieux grecs s’ils parlaient anglais…
Avant Freud, Offenbach offre ainsi une relecture moderne, vivifiante et disruptive de la notion grecque de destin, montrant que ce dernier ne traduit pas tant ce qui résulte des implacables volontés divines que des irrépressibles désirs humains, surtout quand ils sont inavouables. Dans le public, personne n’est dupe et tous reconnaissent dans ses divers déguisements – au sens propre et métaphorique – le désir portant Hélène vers Pâris (et réciproquement), le plus formidable d’entre eux étant le prétendu rêve qui a raison des dernières défenses surmoïques d’Hélène. L’acte sexuel réprimé par la morale a finalement lieu parce que sa vérité disparaît sous l’alibi du rêve, dont les amants se plaisent à rappeler qu’il n’a ni sens ni ancrage dans la réalité … Aucune conséquence (culpabilité ou représailles par des tiers) ne pourrait ainsi survenir des suites « d’un doux rêve d’amour ». Il suffit pour cela d’être suffisamment convaincu d’une telle…réalité.
Offenbach nous dit en somme que le rêve est un espace psychique de réalisation des désirs et que la prétendue volonté des dieux (destin fatalité, circonstances externes) constitue le prétexte pour les assouvir dans la réalité, ce que le rire dévoile à la façon d’un Witz. Il décrit avec tout autant de justesse les mécanismes que Freud qualifie de projectifs et visant à attribuer à un tiers ses propres désirs refoulés, comme quand Hélène désigne Vénus comme étant la « friponne qui se complaît à la tourmenter ». Quant au symptôme, il est également un artifice servant à exprimer dans un jeu de transformations les désirs qu’il recouvre et qu’il libère. Difficile d’imaginer un meilleur cours sur le fonctionnement névrotique d’un point de vue freudien[17].
Au fil des pièces, ce parallèle de fond avec Freud va même s’amplifier.
Dans la « Grande-Duchesse de Gerolstein » et dans « la Vie parisienne », Offenbach, tout en maintenant le ressort comique du retour du refoulé, tel qu’il figure dans « la Belle-Hélène », s’affranchira du cadre mythologique, pour mettre directement sous les feux de la scène les pulsions (notamment sexuelles) qui animent leurs auteurs. Sans le prétexte des dieux et du Destin, ne restent plus que les hommes. Voilà qui résonne aussi dans l’horizon freudien.
À l’inverse de « la Belle-Hélène », Offenbach, dans ces deux pièces, n’illustrera pas la victoire du désir refoulé sous les déguisements qu’emprunte son retour, mais l’échec dans la réalité des désirs qui contreviennent à la morale. Le Brésilien, dans « la Vie parisienne » se présente lui-même comme une personne peu scrupuleuse, ayant gagné énormément d’argent dans son pays par des moyens douteux, l’ayant déjà perdu une première fois à Paris en compagnie de femmes vénales dans des contextes festifs, et, conscient de cela, revient pour répéter joyeusement cette expérience, les poches à nouveau remplies par les mêmes activités lucratives dans son pays. Il est conscient de ses désirs, de ce qu’ils vont lui coûter et le surmoi de ce sympathique « sauvage »[18] lui impose des restrictions qu’on pourrait qualifier de discrètes. Comme il le chante à la Ville Lumière lors de son arrivée : « Et je viens pour que tu me voles tout ce que là-bas j’ai volé ». Il pourra donc jouir comme il l’entend de la vie parisienne, car au fond il n’est dupe de rien, pas même du caractère intéressé des fêtes auxquelles il participera.
Il en va tout autrement du Baron de Gondremarck – Suédois, respectable et noble – venu avec sa femme à Paris et dissimulant fiévreusement au fond de sa poche une lettre de recommandation d’un de ses amis pour la courtisane Métella. Voulant duper – principalement sa femme – il le sera par ceux grâce auxquels il espérait jouir, là où le Brésilien ne pourra l’être car suffisamment conscient de la duperie à laquelle il se prête. C’est en pleine lumière, écrivait Freud, que l’on triomphe du désir. Autrement dit, il est possible de voir se réaliser les désirs qui ne sont pas entachés de leurs interdits. Pour cela, il convient d’une part d’en être suffisamment conscient et d’autre part d’en assurer une articulation compatible avec sa propre constitution morale. Ce principe laisse finalement une assez grande latitude à chacun.
La Grande-Duchesse, quant à elle, alors qu’elle est promise au triste Prince Paul, jettera son dévolu amoureux sur un simple soldat – Fritz – , aussi, comme elle le chante dans un air particulièrement enlevé, parce qu’elle « aime les militaires ». Fritz, qui ne comprend pas très bien ce que lui veut la Grande-Duchesse et qui est lui-même sincèrement amoureux de sa fiancée Wanda, verra son statut social et militaire considérablement évoluer puisqu’il deviendra, au fil de l’intrigue, général, baron de Vermout-wonbock-bier et comte d’Avallvintt-katt-chopp-Vergismein-nicht … avant de pouvoir épouser Wanda … et redevenir simple soldat.
Outre le soubassement sexuel de la somptueuse crise d’hystérie (au sens plus populaire que nosographique du terme) produite par la Grande-Duchesse dans l’air « elle a ses nerfs » quand elle découvre la complicité amoureuse entre Fritz et Wanda, cette œuvre témoigne d’une intuition étonnante des notions freudiennes de déplacement et de condensation (également sous leurs formes symboliques) ainsi que – de manière certes plus incertaine ou plus lointaine – des enjeux liés à la triangulation œdipienne.
Ne pouvant pas directement déclarer son amour à Fritz du fait de son statut et des devoirs qu’il lui impose, la Grande-Duchesse en déplace l’expression sur les (autres) faveurs qu’elle lui octroie (et qu’il ne peut refuser), lesquelles seront investies de la charge érotique auxquelles elles servent d’agents. Elle confère en somme à Fritz un pouvoir proportionnel au désir qu’elle éprouve pour lui. Dans un mouvement qui préfigure Freud autant que Lacan, Offenbach offre une illustration du déplacement des enjeux sexuels vers le plan symbolique et plus particulièrement celui de la symbolique phallique à laquelle Freud rattache également la question œdipienne. Cette question transparaît plus particulièrement au moment où la Grande-Duchesse, dans un air célèbre, remet solennellement à Fritz, devenu général, le « sabre de son père » ; elle lui confie alors simultanément une arme de guerre, mais aussi un symbole – militaire, mais aussi implicitement phallique, investi pour elle d’affects et ayant appartenu à son père – dont elle espère, comme elle le lui chante, qu’il fera bon usage… Elle met de ce fait inconsciemment Fritz dans l’identité de son propre père. Offenbach et ses paroliers, vifs d’esprit et prompts au Witz, après avoir rendu manifeste l’appétit sexuel de la Grande-Duchesse pour Fritz, auraient-ils pleinement ignoré que la « condensation » des significations symboliques et des fonctions effectives auxquelles pourrait conduire l’usage dudit « sabre », se prêtent à une lecture sexuelle non seulement transgressive au sens courant du terme (dans l’utilisation que Fritz pourrait produire de celui-ci avec la Grande-Duchesse) mais également incestueux, pour elle, sur un plan inconscient (au sens d’un désir œdipien pour le père qui aurait été transposé sur Fritz) ? À défaut de pouvoir affirmer que les auteurs de ces pièces percevaient la connotation œdipienne derrière les simples intentions libidinales transgressives des producteurs de tels actes, il peut néanmoins être mis en avant que la morale de « la Grande-Duchesse de Gerolstein » rejoint celle de « la Vie Parisienne », puisqu’au final, dans les divers trios amoureux qu’on y trouve, seul l’amour légitime triomphe et la morale s’impose. La Grande-Duchesse finit par épouser le Prince Paul – comme elle le dit dans l’acte final : « quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a » – et le Baron de Gondremarck reviendra, tout penaud et sans avoir profité des services de Métella, vers sa femme qui n’ignore plus rien de ses intentions initiales. Fritz épousera Wanda et Métella repartira avec Raoul de Gardefeu. La résolution du conflit œdipien, aussi, suppose le renoncement à l’objet d’amour interdit au profit d’un autre, légitime. S’ils ne l’ont pas su, Offenbach et ses auteurs l’auront peut-être pressenti.
Offenbach semble ainsi dire que ce que les dieux peuvent imposer par leurs désirs, les hommes ne le peuvent pas. Freud qualifiera du terme de principe de réalité cette nécessaire limite imposée au désir. Dans une perspective croisée, le Baron de Gondremarck ne peut pas se comporter comme le Brésilien (alors qu’il partage les mêmes pulsions que lui, mais pas un même surmoi), autant que la Grande-Duchesse n’a ni les mêmes pouvoirs que Vénus pour produire la réalisation des désirs ni les mêmes moyens qu’Hélène pour voir aboutir les siens. Cette morale conservatrice, garante d’une secondarisation suffisante des pulsions, n’est pas éloignée de celle que Freud soutiendra par la suite en vue de préserver l’autorité de la culture sur la nature.
Revenons enfin, pour conclure, à cette idée que l’écume du rire peut recouvrir la noirceur profonde des vagues. « Les Contes d’Hoffmann » reprennent le thème de l’amour contrarié, mais cette fois, dans un horizon tragique dont je m’attacherai brièvement à mettre en évidence leur familiarité avec une fonction différente du rêve et les réflexions produites par Freud à partir de 1920.
Prologue. Dans la taverne de Maître Luther à Nuremberg. Le poète Hoffmann, s’apprête à rejoindre dans sa loge Stella, la chanteuse qu’il aime. Il ignore cependant que la clef qu’elle lui avait adressée à cet effet avait été interceptée par le conseiller Lindorf. Dans l’intervalle, Hoffmann rapporte à la demande d’une joyeuse bande d’étudiants, ses trois grandes histoires d’amour précédentes. Chacun des trois actes de l’opéra porte le nom d’une de ces femmes.
Acte 1. Hoffmann aime Olympia, dont il se croit aimé en retour, sans réaliser qu’elle est en réalité un automate, car il porte sur le nez des lunettes magiques qui la lui font voir comme une vraie femme. À la fin de l’acte, Olympia « meurt » (l’automate est cassé) et Hoffmann, réalisant sa méprise, est dévasté.
Acte 2. À Munich. Hoffmann aime Antonia, la fille du conseiller Crespel. Celle-ci l’aime en retour, mais son père s’oppose à leur union car il craint que Hoffmann – un poète – ne l’encourage à chanter. Or Antonia – laquelle a hérité de sa mère, une cantatrice décédée, la voix magnifique – souffre d’une terrible maladie qui lui interdit de chanter. L’apprenant, Hoffmann fait jurer à Antonia de renoncer au chant, mais le docteur Miracle distille en elle l’idée que Hoffmann la quittera avec le temps et, de ses pouvoirs magiques, fait réapparaître la défunte mère d’Antonia. Ils chantent alors un trio (sublime !) qui finit par conduire Antonia à la syncope. Elle meurt. Hoffmann est de nouveau dévasté.
Acte 3. À Venise. Hoffmann tombe sous le charme de la cruelle courtisane Giulietta, laquelle le séduit pour lui voler son ombre avant de s’enfuir avec son nouvel amant. Une fois, encore, Hoffmann est dévasté.
Épilogue. Dans la taverne de Luther, Hoffmann, désormais totalement ivre, jure de ne plus jamais aimer aucune femme. Il révèle aussi à son public étudiant que Olympia, Antonia et Giulietta sont en réalité les trois facettes d’une même femme, Stella, à la fois jeune fille, artiste et courtisane. Stella apparaît alors et, découvrant l’état dans lequel Hoffmann se trouve, repart au bras de Lindorf.
Outre la condensation (« trois femmes dans une même femme », comme le chante Hoffmann), c’est l’articulation de l’œuvre toute entière, dans la succession des tableaux qui la construit, qui interroge le public, tant la forme du rêve semble en composer la structure narrative d’ensemble. Celle-ci offre une correspondance certaine avec les théorisations métapsychologiques de Freud sur la structure de l’inconscient, comme initiée par ce dernier depuis son étude des rêves.
Cette nouvelle référence de Offenbach au rêve dans « Les Contes d’Hoffmann » n’a rien en commun avec celle de « La Belle-Hélène ». Elle n’en est pas moins « freudienne » pour autant. Comme le ferait l’enchaînement a priori absurde des séquences d’un rêve (ou plus précisément d’un cauchemar), celui des tableaux composant cet opéra montre la fluidité dont font preuve dans leurs déplacements les représentations, leur continuité étant cette fois assurée non par le désir amoureux qui les porterait en les dissimulant mais par le travail d’une inéluctable déliaison et l’issue tragique à laquelle elle mène. Comme plus tard le tableau de Gustav Klimt, « La mort et la vie » (1908-1915), Offenbach fait voir la continuité du travail de la mort, en parallèle de celui que mène la vie, avec la conscience qu’à la fin, c’est la mort qui gagne.
Ce travail de la mort au sein du vivant, plus fort que le désir des hommes à en préserver l’unité par l’amour est ce que Freud nommait « pulsions de mort ». Ce destin universel découlerait de notre condition biologique, de sa progressive dégradation, également de la conscience de la mortalité qu’il entraîne en chacun et qui l’accompagnerait toute sa vie durant. Voilà bien un destin qui ne doit rien aux dieux et auquel les hommes sont bien tenus de croire.
Quand il se lance dans le projet des « Contes d’Hoffmann », en 1877 – soit trois ans avant sa mort – afin de réaliser son vœu le plus cher – produire un véritable opéra, une œuvre sérieuse – la santé d’Offenbach est déjà gravement entamée et il sent sa mort proche. Étrange parallèle que celui entre les fins de vie de Offenbach et de Freud ; le premier souffrait de la goutte depuis les années 1860, le second s’est vu diagnostiquer son cancer de la mâchoire en 1923, alors qu’il remaniait ses théories pour donner aux pulsions de mort la place qu’il pensait devoir leur revenir. La proximité avec leur mort suffirait-elle à justifier la noirceur de leurs productions tardives ? Si l’argument ne peut être entièrement écarté, je préfère croire que tous les grands auteurs, dans bien des domaines – littérature, arts plastiques, peinture, philosophie, musique, etc. – sont accompagnés d’une conscience de la mort dont leur œuvre se fait la nécessaire expression et qui participe de leur grandeur. Que seraient sans la mort les œuvres d’Erik Satie, de Shakespeare, de Francis Bacon ou de Martin Heidegger, parmi d’autres ?
Alors lisons toujours Freud et ne cessons jamais d’écouter Offenbach, qu’ils nous parlent de l’amour ou de la mort, car ils nous instruisent sur nous-mêmes, dans l’universalité des choses qui nous unissent. Chaque grand auteur se nourrit des influences qui l’ont construit autant qu’il vaut à lui seul toutes les influences entre les époques, les individus et les courants.
« Ce n’est qu’un rêve (…) un doux rêve d’amour » : Jacques Offenbach, sconosciuto precursore della psiconalisi?
di Thémélis Diamantis
Tutti lo sanno: la psicoanalisi è opera di Sigmund Freud. Ma di chi o cosa è opera Sigmund Freud?
Naturalmente l’interessato risponderebbe senza batter ciglio sull’enorme sviluppo delle scienze naturali nel XIX secolo! Ma costituiscono davvero l’intera psicoanalisi?
“C’è” ha risposto Francis Blanche all’osservazione di Jean Lefèvre (“Lì trovo un sapore di mela”) nella esilarante scena in cucina di Tontons flingueurs (1963), a proposito della composizione dell’improbabile schifezza che stavano bevendo.. .
Allo stesso modo per Freud, se l’influenza del naturalismo scientifico e dei suoi rappresentanti (Brücke, Meynert, Haeckel, Mayer, ecc.) è innegabile, non esclude un insieme di altri, culturali (romanticismo tedesco, cultura dell’antica Grecia – se non altro per il riferimento alle figure di Edipo e Narciso – Ebraismo, ecc.) e/o filosofici (Platone e neoplatonismo, Hegel, Kant, Spinoza, Schopenhauer, ecc.). Lo stesso Freud vi fa riferimento e da allora molti autori si sono interessati a questi argomenti (Jacquiy Chemouni o Émile Malet – tra gli altri – sull’ebraismo, Monique Schneider su Spinoza, io sul paradigma metafisico nato da Platone, ecc.).
Né sembra stravagante postulare che Freud fosse anche un rappresentante della sua epoca di cui era soggetto all’influenza. Per fare un esempio, la dicotomia tra natura e cultura – centrale per Freud, come emerge da Malattia culturale (1930), e la cui disposizione dei piani sostiene anche il suo progetto terapeutico – è anche uno dei pilastri del pensiero della cultura occidentale ottocentesca. All’epoca e nella città di Freud, la costruzione dei due edifici gemelli posti uno di fronte all’altro e che ospitano rispettivamente il Museo di Belle Arti (Kunsthistorisches Museum) e quello di Scienze Naturali (Naturhistorisches Museum) ne è una numerosa testimonianza. Altro esempio: il “fluido magnetico animale” postulato da Franz-Anton Mesmer – anche lui di Viennois – o la sua famosa vasca, nel 1780, non avrebbero anch’essi partecipato a modo loro allo sviluppo del principio di comunicazione tra l’inconscio, ma anche a quello dei concetti di transfert o di libido?
Le grandi scoperte a volte sono anche il prodotto dei tempi. È proprio su questa “aria” – in entrambi i sensi del termine – che desidero concentrarmi nelle prossime righe sulle questioni dell’amore, del sesso e dei sogni. Il supporto scelto – l’opera di Jacques Offenbach (1819 – 1880) – può sembrare sorprendente per due motivi: da un lato, perché all’inizio del suo studio sul “Mosè di Michelangelo” (1914), Freud insisteva sulla sua inattitudine per la musica godimento dovuto alle sue “disposizioni razionaliste”, e dall’altro perché assolutamente nulla – né nel testo di Freud, né negli studi biografici che gli sono stati dedicati – lascia pensare che Freud si sarebbe imbattuto ad un certo punto nella musica , i libretti o la messa in scena caratteristica delle opere di Jacques Offenbach. Tutt’al più, nel 1919, nell’articolo “Das Unheimliche”, Freud evoca il racconto fantastico dell’“uomo della sabbia” apparso nella raccolta dei Racconti notturni (1817) di Ernst Theodor Amadeus Hoffmann. L’adattamento di questo racconto servì anche come cornice per il primo atto (Olympia) della magistrale opera di Offenbach, “I racconti di Hoffmann” (1881), il cui titolo stesso si riferisce esplicitamente allo scrittore romantico tedesco, ma il cui libretto , pur ispirandosi ai racconti di quest’ultimo, è un adattamento di Jules Barbier dell’opera teatrale “I racconti fantastici di Hoffmann” che aveva scritto con Michel Carré nel 1851.
Ammettiamolo, non basta fare di Freud un conoscitore o un amante delle opere di Offenbach o di quest’ultimo un’avanguardia illuminata della psicoanalisi. L’unica certezza è che entrambi conoscevano lo scrittore tedesco, ma questo non prova nulla e certamente non un’influenza del musicista francese sull’inventore della psicoanalisi. Anche i “Racconti di Hoffmann” sono considerati un monumento dell’opera francese; quanto ai primi brani più leggeri del compositore – operette o opera buffa – non è forse la loro critica (soprattutto con il pretesto della mitologia) alla morale del Secondo Impero (“Orphée aux Enfers”, 1858; “La Belle Hélène?” ” , 1864, “La Vie parisienne”, 1866) o la denuncia delle mire politiche della Prussia sulla Francia – sotto l’influenza in particolare di Otto von Bismarck – che ne fanno da sfondo (“La Grande-Duchesse de Gerolstein”, 1867) ?
Non ha quindi senso cercare una corrispondenza diretta che leghi Offenbach a Freud, ai suoi predecessori identificati, o anche al metodo o alle teorie della psicoanalisi. Ricordiamo che Offenbach morì nel 1880, l’opera di Charcot Sui diversi stati nervosi determinati dall’ipnosi negli stati isterici risale al 1882, Freud – da straniero – seguì il lavoro di Charcot a Parigi dall’ottobre 1885 al febbraio 1886, avanzò l’ipotesi generale dell’eziologia sessuale delle nevrosi nella lettera del 30 maggio 1893 all’amico Wilhelm Fliess, Gli studi sull’isteria risalgono al 1895, L’interpretazione dei sogni del 1899-1900 e le “pulsioni di morte” furono teorizzate solo nel 1920. Tutto questo le ricerche e le pubblicazioni sono quindi avvenute dopo la morte del musicista. Nessuna biografia a lui dedicata rivela alcun interesse nei suoi confronti per questioni di carattere psicopatologico.
Allargando, invece, l’ambito di lettura ai temi trattati, ai mezzi utilizzati a tal fine e agli elementi culturali condivisi, emergono interessanti parallelismi.
L’idea che perseguo si potrebbe riassumere così: troveremmo nelle opere di Offenbach un assaggio, anzi una finissima anticipazione di uno sguardo che sarebbe diventato il marchio di fabbrica della psicoanalisi. Prima di sviluppare l’argomento ne espongo qui brevemente gli aspetti: (1) le funzioni del riso, del sogno e dei sintomi (in particolare nell’isteria), (2) il conflitto psicologico tra esigenze morali e desideri sessuali ( 3), il significato dato al termine destino – espressione di volontà divina o destino istintivo? – (4) anche nella sua prospettiva nell’orizzonte di ciò che Freud chiamerà “pulsioni di vita e pulsioni di morte”.
Offenbach e i suoi parolieri tratteranno questi temi attraverso le arti liriche e performative, nel registro comico (bouffe operas) e tragico (“Les Contes d’Hoffmann”); Freud, qualche decennio dopo, si imbarcherà nello studio scientifico di questi. I due sembrano avere prospettive distinte, eppure…
Tra un vasto pubblico, Jacques Offenbach è noto soprattutto per i suoi appassionati di opera. Mi concentrerò innanzitutto su tre di essi che hanno avuto molto successo: “La Belle Hélène”, “La Vie parisienne” e “La Grande-Duchesse de Gerolstein”.
Le melodie sono vivaci, la musica gioiosa e le loro trame pullulano di situazioni e dialoghi divertenti. Senza dubbio, il loro intento – a seconda del genere musicale a cui appartengono questi brani – è quello di intrattenere il pubblico, di rendere leggeri temi che sotto una luce diversa non farebbero necessariamente ridere (ricordiamo che il rapimento di Hélène da parte di Parigi avrebbe portò alla guerra di Troia, le cui sanguinose battaglie sono raccontate da Omero nell’Iliade, l’adulterio o l’eccessiva frivolezza erano argomenti delicati negli ambienti borghesi all’epoca di Napoleone III e l’idea di una nuova guerra con il potente vicino tedesco certamente non invitava il pubblico francese dell’epoca a farsi una bella risata…).
Il riso costituisce però un autentico ponte che collega Offenbach a Freud, in particolare per quanto riguarda il saggio di quest’ultimo: Il motto di spirito e il suo rapporto con l’inconscio (1905).
Con cosa ti fa ridere Offenbach? Quale analisi fa Freud di ciò?
Una luce interessante su questi interrogativi ci viene fornita da Adolphe Nysenholc e A. Willy Szafran, in due pubblicazioni da loro curate: Freud e la risata (1973) e più recentemente “Umorismo e identità” in Materia e Spirito, n. 24, 2012 Basandosi essenzialmente sul lavoro di Freud, questi autori ci insegnano che l’umorismo implica processi analoghi a quelli che stanno alla base dei sogni. Definiscono anche questo modo di produrre la risata come “un elemento di costruzione dell’identità individuale e di definizione della cultura ebraica”. Quest’ultimo punto è confermato anche da Jean-Pierre Kamieniak nel suo articolo “Freud e Vienna: Witz e l’identità ebraica” (2004), che vede anche questo umorismo molto particolare come un segno di appartenenza ebraica per le persone che vivevano in un ambiente sociale. afflitto dall’antisemitismo.
Ricordiamo a questo proposito che Offenbach e Freud sono entrambi nati ebrei, il primo di tradizione ashkenazita, il secondo chassidico. Entrambi si sono allontanati dalla cultura e dalla tradizione di nascita – il primo diventando francese e cattolico, il secondo (senza rinnegare la sua ebraicità) attraverso il rifiuto di ogni forma di religione – ma entrambi vi si sono immersi durante la giovinezza. Il padre di Offenbach, Isaac, era cantore permanente della sinagoga e di Jakob, padre di Freud, si dice che fosse “fedele e rispettoso della fede e della tradizione della sua religione (…) anche nei dettagli del suo abbigliamento [facendolo] assomigliare a quei pii ebrei dell’Europa centrale. »
Sembra addirittura che Freud intendesse prendere come oggetto di studio l’umorismo piuttosto che il sogno per gettare le basi del progetto psicoanalitico. Anche se alla fine scrisse Traumdeutung (1899-1900) con questo obiettivo in mente, tornò sulla questione dell’umorismo qualche anno dopo con Le mot d’esprit et sa relationship à l’incosciente (1905). Egli ci insegna che il motto di spirito – il Witz -, a differenza del sogno o dei sintomi, non è propriamente un’emanazione incontrollata o spontanea dell’inconscio, testimone del conflitto psichico di chi lo produce, ma un’operazione diretta dal preconscio (il significato di cui il produttore sarebbe quindi in gran parte cosciente), e che gli permette, sotto la copertura della risata, di esprimere un’idea altrimenti impossibile da esprimere a parole per ragioni di decoro, di moralità o per i rischi a cui correrebbe la sua diretta formulazione. esporre il suo oratore. Il più delle volte, lo scherzo, come il sogno, si manifesta sotto forma di un’emergenza, spinta da una dinamica impulsiva attivata da un contesto che ne favorisce l’espressione. È in questo sfogo che il Witz mantiene un rapporto con l’inconscio. Come i sogni, Witz permette che idee o sentimenti ricevano sostanza aggirando il divieto dell’autorità o della moralità. Entrambi renderebbero visibile attraverso un effetto di significato (più o meno cosciente) ciò che non designano esplicitamente.
Cosa ci sarebbe di specificamente ebraico in questo? Oltre ad un collegamento formale con l’esegesi rabbinica su questioni di ermeneutica – di cui non tratterò qui i contenuti né i parallelismi con la psicoanalisi, avendolo fatto in un precedente articolo al quale rimando i lettori interessati – va notato che per un aspetto spesso perseguitati, questo umorismo che gioca sulla polisemia costituisce un modo di ridere (anche di se stessi e delle proprie disgrazie!) sfuggendo a qualsiasi forma di censura o ritorsione, come sottolinea anche Kamieniak. Spesso l’effetto comico del Witz si basa sulla varietà di significati delle parole, sulla musica dei suoni che producono e sulla loro interpretazione contestuale. Spesso è da incomprensioni e collusioni di senso che nasce la risata. Ecco un esempio, recentemente scoperto in un romanzo poliziesco di R. J. Ellory, Carnival of Shadows. Il personaggio che racconta la storia è lui stesso ebreo: un uomo accompagna la moglie da un amico medico per farla visitare. Al termine dell’esame, il medico, con aria seria, tornò a visitare l’uomo e gli disse: “L’ho visitata attentamente e quello che ho visto non mi è proprio piaciuto”. Il marito allora risponde: “Senti, conosco anche tua moglie; Nemmeno lei è una reginetta di bellezza…”
A un livello più generale, l’interpretazione non esclusiva degli stessi contenuti semantici secondo i diversi campi di significato a cui si riferiscono, così come la loro comprensione a partire dall’identità singolare di chi li enuncia, è una testimonianza centrale della psicoanalisi nel suo insieme, nella sua dimensione clinica e teorica.
Ma torniamo all’umorismo. Ecco un’illustrazione di Offenbach che è simile a una forma di Witz. Quando in “La Vie parisienne”, i parolieri – Henri Meilhac e Ludovic Halévy – danno il nome “Métella” al personaggio che interpreta il ruolo della cortigiana, scelgono un nome realmente esistente (anche se non è frequente) ma lo fanno soprattutto nella consapevolezza della scabrosa assonanza (mettetela!) che tale nome assume in relazione ad una “casseruola”, come si diceva sotto il Secondo Impero, cioè ad una donna che vende le sue attrattive per ricchi amanti scelti dalla società mondana. Métella è tanto un personaggio teatrale quanto una battuta di spirito – perfettamente deliberata – la cui portata va oltre l’ambito scenico (dunque finzione) per indicare una realtà morale che può del resto essere mantenuta (anche quella!) da chi siede nei migliori posti file nella stanza. Come Freud non manca di sottolineare, la risata liberatrice è spesso anche una risata di denuncia.
Il Witz condivide sostanzialmente con il sogno la capacità di rivelare ciò che nasconde. Continuando questo parallelo, potremmo dire che il sogno produce l’illusione dell’assurdo sia per nascondere che per rivelare pensieri – in opposizione a ciò che è assurdo – che portano significato ed affetti per il sognatore, come direbbe Witz, sotto l’effetto della risata. genera contenuti meno gioiosi. Entrambi funzionano insomma come lusinghe o come inganno organizzato, attirando l’attenzione sull’assurdo o sull’effetto comico per meglio svelare ciò che nello stesso movimento cercano di nascondere. La verità sepolta avrebbe quindi bisogno della verità apparente (che la maschera e la contraddice) per accedere a uno spazio di rappresentazione psichica più vicino alla coscienza e al linguaggio. A volte i veri significati si trovano altrove rispetto a ciò che le parole sembrano designare. Questa è la principale scoperta freudiana teorizzata attorno al termine inconscio. Nella loro luce inconscia, il sogno come quello di Witz rimanda in profondità ad una gravità che la loro apparenza non permette di identificare a prima vista: il sogno trasmette spesso per il sognatore ansie, traumi, violenti conflitti psicologici; quanto al Witz, se lo analizziamo, come hanno dimostrato molti analisti, non c’è niente di divertente: in quello sopra riportato, un medico viene a dire a un amico che forse sua moglie sta per morire, quanto al personaggio di Métella, sotto i termini cantanti di cocotte o demi-mondaine, mette in scena e sotto il naso dei borghesi e delle loro mogli, una prostituta la cui principale ambizione è ottenere da una tale popolazione i maggiori benefici materiali possibili in cambio dei suoi servizi. . Dietro la risata si nasconde la tragedia (universale) della morte o dell’assenza di moralità individuale o sociale, in altre parole argomenti che generalmente preferiamo tenere sotto il tappeto. La repressione, la negazione e la divisione sono spesso strumenti utili nelle mani del decoro preoccupato del suo mantenimento.
La leggerezza delle operette di Offenbach non sarebbe allora una sorta di cavallo di Troia, uno stratagemma (come quelli di cui abbondano queste opere), un Witz musicale la cui leggerezza nasconderebbe il suo opposto, così come Freud, su un piano diverso, lo farà scoprire esplorando certi fenomeni apparentemente assurdi, incomprensibili, insignificanti o divertenti? Se Offenbach e i suoi parolieri avessero effettivamente intuito tali meccanismi psichici prima di Freud, come cercherò di mostrare, allora i loro brani avrebbero per il pubblico una funzione di specchio analoga a quella dell’analista per il suo paziente. Mettendo in scena nelle loro opere buffe i meccanismi della dissimulazione, dell’inganno e della metamorfosi dei desideri, sotto la copertura di risate e musica orecchiabile, queste opere pensate per l’intrattenimento costringerebbero, sottilmente o indirettamente, il pubblico a vedere sulla scena ciò che non vede. voglio vedere nella vita. Come vedremo nella conclusione, anche Offenbach smaschererà questo tragico retroscena – senza travestimenti ma non con minore sensibilità “psicoanalitica” – nei suoi “Racconti di Hoffmann”.
Una delle grandi intuizioni delle opere di Offenbach è quella di aver rappresentato gli effetti di ciò che Freud avrebbe poi definito rimozione. Per usare una famosa formula, Freud considererà questo meccanismo di difesa come la pietra angolare della struttura psicoanalitica e ne studierà i meccanismi alla luce del sintomo e del conflitto psichico a cui esso conduce. Ci si può tuttavia chiedere se Offenbach non lo avesse anticipato, utilizzando il ritorno del rimosso come principale… molla comica delle sue opere leggere. Come Freud, sottolinea il carattere sessuale dei desideri rimossi dalle autorità morali della persona che li sperimenta (o il ricordo di questi divieti nei codici sociali) e mostra che è solo attraverso la loro metamorfosi che i desideri rimossi cercano di riapparire in per procedere verso la loro realizzazione. Freud potrà vedere la sofferenza che accompagna queste metamorfosi per chi le produce, laddove Offenbach si divertiva semplicemente a denunciare il ridicolo e la malafede dei loro autori. Ma questa è l’unica differenza tra i due…
Un’intuizione particolarmente fine della questione del rimosso e del suo ritorno si riscontra in Offenbach attorno alla questione dei disturbi qualificati come isterici (a cui gli acuti dei soprani e le loro qualità di attori forniscono un volume particolare), come se facessero eco alla parole (riportate molto più tardi da Freud) di Joseph Breuer (“è sempre questione di alcova”), del ginecologo viennese Rudolf Chrobak (“Penis normalis, dosim repetatur”) e di Jean-Martin Charcot (“È sempre la cosa genitale, sempre , sempre sempre). A modo loro, anche Belle-Hélène e la Granduchessa sembrano dire che la sessualità frustrata può portare all’isteria.
Le opere buffe di Offenbach possono essere viste come una sottile denuncia dell’ipocrisia sessuale, politica e sociale dell’epoca. La protagonista de “La Belle-Hélène”, oltre ad essere la donna più bella della Grecia, risulta essere anche la moglie del re Menelao, fratello di Agamennone. Ma la sua vita, il suo rango e soprattutto suo marito la annoiavano. Come canta in una delle prime arie: “Amori divini! Fiamme ardenti! Venere! Adone! Gloria a te! Il fuoco che brucia le vostre anime pazze, Ahimè questo fuoco non è più in noi. Ascoltaci, Venere, Venere bionda, abbiamo bisogno dell’amore, se non ce ne fosse più al mondo! (…) abbiamo bisogno di amore, vogliamo amore!” Il suo richiamo – nel tenore decisamente sessuale che lo anima – non viene ascoltato solo dagli spettatori davanti ai quali viene cantato ma anche da… Venere stessa poiché quest’ultima aveva appena promesso a Paride – il principe troiano, figlio del re Priamo – l’amore di la donna più bella del mondo per averla designata lei stessa sul monte Ida come più bella delle sue due rivali Giunone e Atena. Travestito da pastore, Paride si reca quindi a Sparta per cercare la sua ricompensa. Tra lui e Elena l’incanto opera subito, ma la moglie di Menelao cerca di frenare gli impulsi dentro di lei in nome della sua virtù e del suo rango. Si rivolge poi nuovamente a Venere, che accusa questa volta di imporle il “suo” desiderio, per non parlare della sua perversione: “Dimmi, Venere, che piacere provi nel far cadere così la virtù? », ricordandogli di sfuggita che la sua famiglia era regolarmente scelta dagli dei per i loro esperimenti, poiché sua madre, Leda, era stata sedotta da Zeus trasformato in cigno per l’occasione… Lungi dall’ascoltare, Venere ordina all’augure Calcante promuovere la conquista di Elena da parte di Paride inviando Menelao a Creta. La resistenza di Hélène sarà finalmente superata lasciandosi convincere da Paris che l’atto di amore fisico che commettono avviene in sogno e non nella realtà. “Siccome è solo un sogno (…) un dolce sogno d’amore”, cantano in duetto gli innamorati, allora tutto è permesso…
Parigi sarà cacciata (repressa, si potrebbe dire…) ma ritornerà (come ogni represso che si rispetti), in questo caso sulle spiagge di Nafplio dove oziano i re di Grecia – una critica appena velata alla corte di Napoleone III che trascorreva il suo tempo ai bagni di mare… – per riconquistare Elena e portarla a Troia, trasformata questa volta nel grande presagio di Venere.
Con la notevole eccezione del conflitto edipico, menzionato per la prima volta da Freud nella sua lettera del 15 ottobre 1897 all’amico Fliess, Offenbach sembra annunciare le scoperte di Freud sull’isteria attraverso le note della sua “Belle-Hélène”. La moglie di Menelao desidera (soprattutto fisicamente!) un uomo la cui morale, status e rango glielo vietano severamente. Questa equazione che comprende allo stesso tempo il desiderio che prova e la condanna che le ispira è necessariamente impossibile da risolvere per questa sfortunata eroina… finché la mette in relazione con le norme morali che governano gli esseri umani e le società da loro organizzate, ma considerando questo stessa equazione dal punto di vista delle volontà divine e del Destino, la realizzazione del desiderio proscritto diventa quasi un dovere, per non dire un segno di virtù. Non è saggio ascoltare gli dei e obbedire loro? Basterà quindi che Hélène si dichiari vittima umana del destino e della sorte che gli dei (crudeli…) le impongono… per cedere meglio al suo desiderio di Parigi. I termini destino e fatalità si ritrovano nella maggior parte delle arie, producendo di sfuggita una sonora risata, come qui – con in più una formidabile piroetta semantica… – durante la partenza di Menelao per Creta: “Vinci Menelao , il paese lontano dove ti conduce, ahimè, la voce del Destino.
In una lettura che Offenbach deride, gli dei, il destino che presiedono e la sorte che impongono agli uomini sarebbero quindi gli unici responsabili delle deviazioni dalla moralità che questi ultimi potrebbero commettere. Come canta Hélène: « Nous naissons toutes soucieuses / De garder l’honneur de l’époux, / Mais des circonstances fâcheuses / Nous font mal tourner malgré tout (…) Ah malheureuses que nous sommes ! Beauté, fatal présent des cieux ! Il faut lutter contre les hommes / Il faut lutter contre les dieux / Avec vaillance, moi, je lutte / Je lutte et ça ne sert à rien…/Car si l’Olympe veut ma chute, / Un jour ou l’autre il faudra bien… »
Alla fine né Elena né Paride sarebbero responsabili dell’adulterio commesso poiché il primo non può sottrarsi al volere degli dei e il secondo non ha scelto Elena ma gli è stata “donata” da Venere nella sua condizione di donna più bella. in Grecia. Quasi ci dispiace per loro… Quanto a quello che accade loro, Niente di personale avrebbero detto gli dei greci dell’Olimpo se parlassero inglese…
Prima di Freud, Offenbach offre così una rilettura moderna, tonificante e dirompente della nozione greca di destino, mostrando che quest’ultima non traduce tanto ciò che risulta da implacabili volontà divine quanto da irrefrenabili desideri umani, soprattutto quando sono indicibili. Tra il pubblico nessuno si lascia ingannare e tutti riconoscono nei suoi vari travestimenti – letteralmente e metaforicamente – il desiderio che porta Hélène verso Parigi (e viceversa), il più formidabile dei quali è il cosiddetto sogno che ha la meglio sugli ultimi Le difese superegoiche di Helene. L’atto sessuale represso dalla morale alla fine avviene perché la sua verità scompare sotto l’alibi del sogno, che gli amanti amano sottolineare non ha né significato né ancoraggio nella realtà… Non potrebbe quindi sorgere alcuna conseguenza (colpa o ritorsioni da parte di terzi). come risultato di “un dolce sogno d’amore”. Tutto quello che devi fare è essere sufficientemente convinto di questa… realtà.
Offenbach ci dice in breve che il sogno è uno spazio psichico per la realizzazione dei desideri e che la presunta volontà degli dei (destino, inevitabilità, circostanze esterne) costituisce il pretesto per soddisfarli nella realtà, che il riso rivela sotto forma di Witz. Descrive con altrettanta accuratezza i meccanismi che Freud descrive come proiettivi e volti ad attribuire a terzi i propri desideri repressi, come quando Helen designa Venere come la “canaglia che si diverte a tormentarla”. Quanto al sintomo, anch’esso è un artificio utilizzato per esprimere in un gioco di trasformazioni i desideri che copre e che libera. È difficile immaginare un corso migliore sul funzionamento nevrotico da un punto di vista freudiano.
Nel corso dei brani questo fondamentale parallelo con Freud verrà addirittura amplificato.
Nella “Granduchessa di Gerolstein” e ne “La Vie parisienne”, Offenbach, pur mantenendo la molla comica del ritorno del rimosso, così come appare ne “La Belle-Hélène”, si libererà dal quadro mitologico, per mettere gli impulsi (soprattutto sessuali) che portano i loro autori direttamente sotto i riflettori. Senza il pretesto degli dei e del Destino, restano solo gli uomini. Ciò risuona anche nell’orizzonte freudiano.
A differenza di “La Belle-Hélène”, Offenbach, in questi due pezzi, non illustrerà la vittoria del desiderio represso sotto le travestimenti che assume il suo ritorno, ma il fallimento nella realtà dei desideri contrari alla morale. Il brasiliano, in “Parisian Life” si presenta come una persona senza scrupoli, avendo guadagnato molto denaro nel suo paese con mezzi dubbi, avendolo già perso la prima volta a Parigi in compagnia di donne corrotte in contesti festivi, e, consapevole di ciò, torna a ripetere felicemente questa esperienza, con le tasche ancora una volta riempite dalle stesse lucrative attività del suo Paese. È consapevole dei suoi desideri, di quanto gli costeranno e il Super-Io di questo simpatico “selvaggio” gli impone restrizioni che potrebbero essere definite discrete. Come canta nella Ville Lumière al suo arrivo: “E io vengo affinché tu mi possa rubare tutto quello che lì ho rubato”. Potrà quindi godersi la vita parigina come desidera, perché in fondo non si lascia ingannare da nulla, nemmeno dall’egoismo delle feste a cui parteciperà.
Ben diverso è il caso del barone de Gondremarck – svedese, rispettabile e nobile – che venne con la moglie a Parigi e nascose febbrilmente nel fondo della tasca una lettera di raccomandazione di uno dei suoi amici per la cortigiana Métella. Volendo ingannare – soprattutto la moglie – si farà ingannare da coloro grazie ai quali sperava di godere, laddove il brasiliano non può esserlo perché sufficientemente consapevole dell’inganno a cui si presta. È in piena luce, scriveva Freud, che trionfiamo sul desiderio. In altre parole, è possibile vedere avverarsi desideri che non siano contaminati dai loro divieti. Per fare ciò è necessario da un lato averne sufficiente consapevolezza e dall’altro garantire che la sua articolazione sia compatibile con la propria costituzione morale. Questo principio alla fine lascia una discreta libertà a tutti.
La Granduchessa, dal canto suo, mentre è promessa al triste principe Paul, punterà i suoi occhi romantici su un semplice soldato – Fritz -, anche lui, cantando in una melodia particolarmente vivace, perché “ama i militari”. Fritz, che non capisce bene cosa vuole da lui la Granduchessa e che è lui stesso sinceramente innamorato della fidanzata Wanda, vedrà il suo status sociale e militare evolversi notevolmente poiché diventerà, nel corso della trama, un generale . , Barone di Vermout-wonbock-bier e Conte di Avallvint-katt-chopp-Vergismein-nicht… prima di poter sposare Wanda… e diventare di nuovo un semplice soldato.
Oltre alla base sessuale del sontuoso attacco d’isteria (nel senso più popolare che nosografico del termine) prodotto dalla Granduchessa nell’aria “lei ha i nervi” quando scopre la complicità romantica tra Fritz e Wanda, quest’opera testimonia ad una sorprendente intuizione delle nozioni freudiane di spostamento e condensazione (anche nelle loro forme simboliche) nonché – in maniera più incerta o più distante – delle questioni legate alla triangolazione edipica.
Non potendo dichiarare direttamente il suo amore a Fritz a causa del suo status e dei doveri che le impone, la Granduchessa sposta l’espressione sugli (altri) favori che gli concede (e che lui non può rifiutare), che saranno investiti di valore erotico. incarico di cui fungono da agenti. Insomma, dà a Fritz un potere proporzionale al desiderio che prova per lui. In un movimento che prefigura tanto Freud quanto Lacan, Offenbach offre un’illustrazione dello spostamento delle questioni sessuali verso il livello simbolico e più particolarmente quello del simbolismo fallico a cui Freud collega anche la questione edipica. Questa domanda emerge più particolarmente nel momento in cui la granduchessa, in una celebre melodia, consegna solennemente a Fritz, divenuto generale, la “sciabola di suo padre”; poi contemporaneamente gli affida un’arma da guerra, ma anche un simbolo – militare, ma anche implicitamente fallico, investito per lei di affetti ed essendo appartenuto a suo padre – che spera, mentre gli canta, possa essere di buon uso… Quindi inconsciamente colloca Fritz nell’identità di suo padre. Forse Offenbach e i suoi parolieri, arguti e pronti con Witz, dopo aver reso manifesto l’appetito sessuale della granduchessa per Fritz, sarebbero stati del tutto inconsapevoli che la “condensazione” di significati simbolici e di funzioni effettive a cui potrebbe portare l’uso della detta “sciabola”, si presta ad una lettura sessuale non solo trasgressiva nel senso attuale del termine (nell’uso che Fritz ne potrebbe fare con la Granduchessa) ma anche incestuosa, per lei, a livello inconscio piano (nel senso di un desiderio edipico per il padre che sarebbe stato trasposto su Fritz)? Non potendo affermare che gli autori di questi brani percepissero la connotazione edipica dietro le semplici intenzioni libidinali trasgressive dei produttori di tali atti, si può tuttavia avanzare che la moralità della “Granduchessa di Gerolstein” è simile a quella della “Vita parigina”, poiché alla fine, nei vari trii amorosi che vi si trovano, trionfa solo l’amore legittimo e prevale la moralità. La Granduchessa finirà per sposare il Principe Paul – come dice nell’atto finale: “quando non hai ciò che ami, devi amare ciò che hai” – e il Barone de Gondremarck ritornerà, piuttosto imbarazzato e senza avere approfittato dei servizi di Métella, alla moglie che non ignora più le sue intenzioni iniziali. Fritz sposerà Wanda e Métella partirà con Raoul de Gardefeu. Anche la risoluzione del conflitto edipico presuppone la rinuncia all’oggetto d’amore proibito a beneficio di un altro legittimo. Se non lo sapessero, Offenbach e i suoi autori potrebbero averlo previsto.
Offenbach sembra quindi dire che ciò che gli dei possono imporre con i loro desideri, gli uomini non possono farlo. Freud qualificherà questo limite necessario imposto al desiderio come principio di realtà. In una prospettiva trasversale, il barone de Gondremarck non può comportarsi come il brasiliano (anche se condivide i suoi stessi impulsi, ma non lo stesso super-io), in quanto la granduchessa non ha i suoi stessi poteri. la realizzazione dei desideri né gli stessi mezzi di Helen per vedere i suoi realizzarsi. Questa moralità conservatrice, che garantisce una sufficiente secondarietà delle pulsioni, non è lontana da quella che Freud sosterrà successivamente nell’ottica di preservare l’autorità della cultura sulla natura.
Ritorniamo infine, per concludere, a questa idea che la schiuma del riso può coprire l’oscurità profonda delle onde. “Les Contes d’Hoffmann” riprende il tema dell’amore contrastato, ma questa volta, in un orizzonte tragico di cui cercherò brevemente di evidenziare la loro familiarità con una diversa funzione dei sogni e le riflessioni prodotte da Freud a partire dal 1920.
Prologo. Nella taverna del maestro Lutero a Norimberga. Il poeta Hoffmann si prepara a raggiungere nel suo camerino Stella, la cantante che ama. Non sa però che la chiave che lei gli aveva inviato a questo scopo è stata intercettata dal consigliere Lindorf. Nel frattempo, su richiesta di un allegro gruppo di studenti, Hoffmann racconta le sue tre precedenti grandi storie d’amore. Ciascuno dei tre atti dell’opera prende il nome da una di queste donne.
Atto 1. Hoffmann ama Olympia, che crede di amare a sua volta, senza rendersi conto che in realtà è un automa, perché porta degli occhiali magici sul naso che gli fanno vedere in lei una vera donna. Alla fine dell’atto, Olympia “muore” (l’automa è rotto) e Hoffmann, rendendosi conto del suo errore, è devastato.
Atto 2. A Monaco. Hoffmann ama Antonia, la figlia del consigliere Crespel. Lei lo ama in cambio, ma suo padre è contrario alla loro unione perché teme che Hoffmann, un poeta, la incoraggi a cantare. Ma Antonia – che ha ereditato la sua magnifica voce dalla madre, una cantante defunta – soffre di una terribile malattia che le impedisce di cantare. Apprendendo questo, Hoffmann fa giurare ad Antonia di smettere di cantare, ma il dottor Miracle distilla in lei l’idea che Hoffmann la lascerà con il tempo e, con i suoi poteri magici, fa riapparire la defunta madre di Antonia. Poi cantano un trio (sublime!) che finisce per far svenire Antonia. Lei muore. Hoffmann è di nuovo devastato.
Atto 3. A Venezia. Hoffmann cade sotto l’incantesimo della crudele cortigiana Giulietta, che lo seduce per rubargli l’ombra prima di scappare con il suo nuovo amante. Ancora una volta Hoffmann è devastato.
Epilogo. Nella taverna di Lutero, Hoffmann, ormai completamente ubriaco, giura di non amare mai più nessuna donna. Rivela inoltre al suo pubblico studentesco che Olimpia, Antonia e Giulietta sono in realtà le tre sfaccettature di una stessa donna, Stella, fanciulla, artista e cortigiana allo stesso tempo. Poi appare Stella e, scoprendo lo stato in cui si trova Hoffmann, se ne va al braccio di Lindorf.
Oltre alla condensazione (“tre donne nella stessa donna”, come canta Hoffmann), è l’articolazione dell’intera opera, nella successione dei dipinti che la costruisce, a interrogare il pubblico, sia la forma del sogno sembra comporre la struttura narrativa complessiva. Ciò offre una certa corrispondenza con le teorizzazioni metapsicologiche di Freud sulla struttura dell’inconscio, così come avviate da quest’ultimo a partire dal suo studio sui sogni.
Questo nuovo riferimento di Offenbach ai sogni in “Les Contes d’Hoffmann” non ha nulla in comune con quello di “La Belle-Hélène”. Non per questo è meno “freudiano”. Come la sequenza a priori assurda di sequenze di un sogno (o più precisamente di un incubo), quella delle scene che compongono quest’opera mostra la fluidità dimostrata nel movimento delle rappresentazioni, la cui continuità questa volta è assicurata non dal desiderio amoroso che li trasporterebbe nascondendoli ma per opera di un’inevitabile disconnessione e del tragico esito a cui conduce. Come il dipinto successivo di Gustav Klimt, “Morte e Vita” (1908-1915), Offenbach mostra la continuità dell’opera della morte, parallelamente a quella della vita, con la consapevolezza che alla fine, la morte vince.
Quest’opera di morte all’interno dei viventi, più forte del desiderio degli uomini di preservare la propria unità attraverso l’amore, è ciò che Freud chiamava “pulsioni di morte”. Questo destino universale deriverebbe dalla nostra condizione biologica, dal suo progressivo degrado, anche dalla consapevolezza della mortalità che essa comporta in ogni persona e che l’accompagnerebbe per tutta la vita. Si tratta infatti di un destino che non deve nulla agli dei e nel quale gli uomini sono tenuti a credere.
Quando nel 1877 – tre anni prima della sua morte – si imbarcò nel progetto “Contes d’Hoffmann” per realizzare il suo desiderio più caro – produrre una vera opera, un’opera seria – la salute di Offenbach era già gravemente danneggiata e si sente la morte è vicina. Strano parallelo quello tra la fine della vita di Offenbach e quella di Freud; il primo soffriva di gotta fin dal 1860, al secondo venne diagnosticato un cancro alla mascella nel 1923, mentre rielaborava le sue teorie per dare alle pulsioni di morte il posto che pensava dovessero meritare. La vicinanza alla loro morte sarebbe sufficiente a giustificare l’oscurità delle loro ultime produzioni? Se l’argomento non può essere del tutto accantonato, preferisco credere che tutti i grandi autori, in molti campi – letteratura, arti visive, pittura, filosofia, musica, ecc. – sono accompagnati da una coscienza della morte di cui la loro opera è la necessaria espressione e che contribuisce alla loro grandezza. Cosa sarebbero le opere di Erik Satie, Shakespeare, Francis Bacon o Martin Heidegger, tra gli altri, senza la morte?
Allora leggiamo sempre Freud e non smettiamo mai di ascoltare Offenbach, sia che ci parlino di amore o di morte, perché ci insegnano su noi stessi, nell’universalità delle cose che ci uniscono. Ogni grande autore si nutre delle influenze che lo hanno costruito tanto quanto lui solo vale tutte le influenze tra epoche, individui e tendenze.
[1] Comme ici, dans « Psychanalyse et télépathie » (1921) : « Au lieu de guetter le moment qui leur permettrait de se soustraire à la contrainte des lois physiques et chimiques connues, [les psychanalystes] espèrent l’apparition de lois de la nature plus vaste et d’une portée plus profonde auxquelles ils sont prêts à se soumettre ».
[2] L’étude et la connaissance scientifique des soubassements naturels (pulsionnels, dirait Freud) de l’esprit humain pour en contenir les débordements grâce à leur élévation par la raison et les acquis culturels (secondarisation des pulsions, sublimation, transposition et adaptation des besoins individuels sur le plan de vie collective, etc.).
[3] La notion de « peuples naturels » (Naturvölker) a largement servi, du temps de Freud, de caution scientifique, civilisationnelle et surtout … morale pour justifier l’essor colonial et organiser, dans son élan, des « zoos humains » (reprenant l’expression apparue récemment) à Bruxelles, Londres, Hambourg , Paris, Chicago, Varsovie, etc…
[4] Entre 1871 et 1891.
[5] La Première a vu le jour après la mort du compositeur.
[6] En réalité cet opéra est truffé dans ses trois actes de références à diverses nouvelles de E.T.A. Hoffmann .
[7] Ce qui suppose le compositeur et ses paroliers. C’est ainsi qu’il conviendra de l’entendre tout au long de l’article, même si par souci de simplification je ne mentionnerai la plupart des fois que le nom d’Offenbach.
[8] Je reprends – et maintiendrai au long de l’article – ce terme d’hystérie en référence à la nosographie en cours entre la fin du XIXème siècle et la majeure partie du XXème, sans volonté de polémiquer à son propos, sachant que de nos jours, le DSM préfère parler de « troubles dissociatifs » et le CIM de « troubles de la personnalité histrionique » ou « troubles somatoformes ».
[9] Freud théorisera ce « destin des pulsions » en 1915, cinq ans avant la parution de « Au-delà du principe de plaisir » et l’hypothèse des pulsions de mort.
[10] Cette correspondance est également relevée par Sophie de Mijolla-Mellor dans le Dictionnaire international de la psychanalyse (2005), tome 2, pp. 1107-1108.
[11] Daniel Roquefort, L’envers d’une illusion : Freud et la religion revisités, Erès, 2002, p. 15.
[12] Au moment de quitter Vienne pour Londres, Freud – comme tous les Juifs dans une situation analogue – à dû signer un document attestant qu’il n’avait subi aucun désagrément de la Gestapo. Une simple signature sur le document suffisait. Freud a non seulement signé ce dernier mais ajouté dans la marge qu’il recommandait les services de la Gestapo à qui voulait y recourir… Si l’ironie mordante de ces lignes avaient été perçue par les soldats allemands, le Witz de Freud se serait transformé en acte manqué (Fehlleistung) aux conséquences possiblement tragiques pour son auteur. Sans doute Freud s’était-il autorisé cette fantaisie à ce moment car il se savait condamné par son cancer.
[13] « Dieu en Freud ou le retour du Divin Refoulé dans le projet scientifique de la psychanalyse » (Exagere, octobre-décembre 2022).
[14] Inconsciemment dans le cas du rêve.
[15] Comme le contenu manifeste du rêve accompagne son contenu latent.
[16] Je pense notamment ici à Jean-Claude Rolland.
[17] Il est intéressant de relever que c’est bien le registre des troubles névrotiques qu’Offenbach décrit et non celui de la psychose, par exemple, puisque celui qui produit le « symptôme » a au fond de lui la conscience que ce qu’il pense vrai ne l’est pas autant qu’il le souhaiterait. Hélène montera dans la galère de Pâris déguisé en augure de Vénus, tout en l’ayant reconnu et le lui avoir dit.
[18] Il parle lui-même de son « ciel sauvage », mais nul doute qu’il correspondait bien, aux yeux de la bourgeoisie française de la fin du 19ème siècle, à l’idée qu’elle se faisait des individus exotiques (et donc sauvages) forcément prisonniers de leurs pulsions.