par Pascal Neveu
(FRA/ITA traduzione in fondo)
Personnages :
- Gaspard, poète romantique, l’œil inquiet et les tempes fiévreuses.
- Dr. Berger, psychanalyste du XXIᵉ siècle, calme, bienveillant, légèrement ironique.
– ACTE I : – “Les étoiles du divan”
Gaspard (entrant, le regard dans le vague) : Docteur, on m’a dit que vous écoutez ceux qui entendent ce que les autres ne perçoivent pas… alors me voilà. Mais je vous préviens : ce que j’entends vient du fond des puits et parle avec la voix des étoiles mortes.
Dr. Berger (souriant doucement) : Bienvenue, Gaspard. Posez votre cape. Ici, nul besoin de vers pour se défendre. Juste des mots… les vôtres. Dites-moi ce qui vous tourmente.
Gaspard (fronçant les sourcils) : Je suis traversé. Par des éclairs. Par des douleurs sans cause. Par des visions d’amours mortes et de roses en feu. Et tous veulent que je sois sage, droit, utile… Mais moi, je veux danser avec l’abîme !
Dr. Berger : Je comprends. Vous parlez depuis un lieu où le langage frôle l’invisible. Ce que vous appelez l’abîme, nous l’appelons parfois l’inconscient. Et si vos visions étaient des métaphores de blessures anciennes que vous n’avez pas pu dire autrement qu’en poésie ?
Gaspard (s’animant) : Non, docteur, vous voulez m’expliquer, me domestiquer ! Moi, je suis libre ! J’ai vu le ciel s’ouvrir sur la Seine et la lune se jeter dans mes bras !
Dr. Berger (plus grave) : Et cela vous a-t-il rendu plus heureux… ou plus seul ?
Gaspard (hésitant) : Plus… incandescent. Mais oui, seul. On ne peut pas brûler sans éloigner les autres.
Dr. Berger : Alors peut-être que notre travail n’est pas d’éteindre le feu… mais de lui construire un foyer. Pour qu’il éclaire sans vous consumer.
Gaspard (murmurant) : Un feu qui éclaire sans brûler… Ce serait une forme étrange d’espoir.
Dr. Berger : Ce n’est pas un diagnostic, Gaspard. C’est une promesse de rencontre — entre ce que vous êtes et ce que vous pourriez être, sans renier le vertige.
(Silence. Puis Gaspard sourit, imperceptiblement. Il s’assied sur le divan.)
Acte II – “La lune sur ordonnance”
Le cabinet est silencieux. Le tic-tac d’une horloge en forme de crâne sourit doucement. Gaspard est désormais allongé, jambes croisées, regard au plafond. Le Dr. Berger prend quelques notes, sans hâte.
Gaspard : Docteur… j’ai fait un rêve cette nuit. J’étais un violon oublié sur la banquise, et un ours polaire me jouait du Vivaldi avec des gants de boxe.
Dr. Berger : Une image puissante. Et douloureuse, je suppose.
Gaspard : Non, c’était beau. Absurde, mais beau. Comme une fugue de l’univers quand il a trop bu d’étoiles.
Dr. Berger (sourit) : Je vois que la nuit ne vous calme pas. Votre inconscient est un théâtre sans entracte.
Gaspard : Et vous, docteur ? Vous rêvez ? Ou vous faites juste des diagnostics en pyjama ?
Dr. Berger (jouant le jeu) : Parfois, je rêve que mes patients me prennent en filature. Ou qu’ils me tendent des poèmes à la place de leur carte Vitale.
Gaspard (enthousiaste) : Mais c’est formidable ! Voilà ! C’est ça qu’il faut prescrire : des sonnets à l’aube et des fugues à midi. Qu’on cesse de vouloir nous guérir, et qu’on nous laisse juste respirer de travers !
Dr. Berger : Et si l’art était votre ordonnance ? Sans posologie, mais à prise quotidienne.
Gaspard : Alors soyez mon pharmacien du langage, et donnez-moi des vers effervescents. J’ai le spleen qui mousse.
Dr. Berger : Très bien. Premier remède : écrire une lettre à votre mélancolie, comme à une vieille amante capricieuse. Deuxième remède : faire rire un inconnu. Et le troisième…
Gaspard (frissonnant) : …dormir sans rêver ?
Dr. Berger : Non. Danser avec votre ombre, sans chercher à lui marcher dessus.
(Silence. Le tic-tac devient celui d’un métronome. Gaspard sourit lentement. Un oiseau invisible passe derrière la fenêtre.)
Gaspard : Vous êtes peut-être fou, docteur.
Dr. Berger : C’est possible. Mais j’ai la folie discrète — celle qui classe les orages par intensité poétique.
Acte III – “L’accord secret”
Le jour décline derrière les stores. La lumière est douce, presque irréelle. Le cabinet semble suspendu hors du temps. Gaspard est maintenant assis en tailleur sur le divan. Le Dr. Berger observe, carnet posé sur ses genoux, sans écrire.
Gaspard : Vous savez, Docteur… longtemps j’ai cru que mes mots me protégeaient. Je les jetais comme des sorts. Je pensais que tant que je pouvais nommer l’ombre, elle ne m’engloutirait pas.
Dr. Berger : C’est ce que beaucoup de poètes font. Ils nomment leurs monstres pour ne pas les nourrir en silence.
Gaspard : Mais parfois… les mots trahissent. Parfois, ils ne disent rien. Ou pire, ils mentent en beauté.
Dr. Berger (posément) Alors peut-être que c’est à ce moment-là qu’il faut cesser d’écrire… et commencer à dire.
(Silence. Gaspard fixe le plancher. Il parle plus bas.)
Gaspard : J’ai eu peur, vous savez. Peur que si je guéris, je n’aie plus rien à écrire. Que ma folie soit mon unique muse.
Dr. Berger : Et si votre muse était simplement… votre manière singulière de sentir le monde ? Elle ne s’éteindra pas avec le tumulte, elle se transformera.
Gaspard (le regard lointain) : Vous croyez qu’on peut vivre sans vertige ?
Dr. Berger : Non. Mais je crois qu’on peut apprendre à danser au bord du vide sans y sauter à chaque refrain.
(Il sourit. Gaspard aussi, légèrement.)
Gaspard : Alors donnez-moi la dernière phrase. Celle qui clôt cette séance. Je vous en prie.
Dr. Berger (après un temps) : Très bien… “Même les astres fous finissent par tracer une orbite.”
Gaspard (les yeux humides, murmurant) : Et dans cette orbite… je vais écrire, vivre, trembler… mais je ne fuirai plus.
(L’horloge cesse de tictaquer. Le silence a la forme d’un poème.)
Acte IV – “Freud s’invite en coulisses”
Le cabinet s’est assombri. Gaspard griffonne en silence sur un carnet. Le Dr. Berger observe l’horloge, pensif. Soudain, un léger bruit de porte grinçante. Une silhouette entre, vêtue d’un manteau noir, barbe taillée, lorgnon en équilibre. C’est Freud. En chair et mythe.
Freud (calmement, en allemand au début, puis en français teinté d’accent) : “Es ist erstaunlich, was hier geschieht… Je me permets ?”
Dr. Berger (éberlué) : Professeur Freud ? Mais vous êtes… enfin… vous étiez…
Freud (assis tranquillement) : Ne vous inquiétez pas. J’ai l’habitude d’apparaître dans les fins d’analyse. Disons que je suis… un symptôme bienveillant.
Gaspard (le fixant, fasciné) : C’est donc vous… Le cartographe des rêves, le dompteur d’Œdipe, le mage des cigares refoulés.
Freud : Je suis surtout un homme qui a passé sa vie à écouter… les silences derrière les mots. Et parfois, les mots derrière les hurlements.
Dr. Berger (curieux) : Alors, que voyez-vous ici ? Une folie créatrice ? Une névrose esthétique ? Une défense poétique ?
Freud (souriant doucement) : Je vois un homme — Gaspard — qui a trouvé dans l’art un compromis entre le principe de plaisir et la réalité. Et vous, cher confrère, vous l’avez aidé à déplacer le refoulé… sans le désarmer.
Gaspard : Mais dites-moi, maître… faut-il garder sa névrose, ou en faire un poème ?
Freud : Gardez-la, mais apprenez à lui parler. Faites-en une muse, pas une geôlière. “Là où le ça était, le je doit advenir”… mais que ce “je” sache aussi danser.
Dr. Berger : C’est donc ça, le but ? Faire la paix avec ses vertiges ?
Freud : Le but… est de ne plus se faire engloutir. La souffrance existe, mais la parole peut lui donner forme — et parfois même, grâce à elle… du style.
(Il se lève. Une brume douce entoure ses pas.)
Freud (en se tournant vers Gaspard) : Continuez, poète. Mais n’oubliez jamais : rien n’est plus sérieux qu’un rêve bien interprété.
(Freud disparaît. Tic-tac. Gaspard et Berger restent silencieux. Puis rient doucement, comme deux enfants qui savent qu’ils viennent de croiser un fantôme magnifique.)
“La corda e il divano” (Scena unica in 4 atti, tra due mondi)
di Pascal Neveu
Personaggi:
• Gaspard, un poeta romantico dallo sguardo preoccupato e le tempie febbrili.
• Dr. Berger, uno psicoanalista del XXI secolo, calmo, gentile e leggermente ironico.
– ATTO I: – “Le stelle del divano”
Gaspard (entrando, fissando il vuoto): Dottore, mi è stato detto che lei ascolta chi sente ciò che gli altri non sentono… quindi eccomi qui. Ma la avverto: ciò che sento proviene dalle profondità dei pozzi e parla con le voci delle stelle morte.
Dr. Berger (sorridendo dolcemente): Benvenuto, Gaspard. Togliti il mantello. Ecco, non hai bisogno di versi per difenderti. Solo parole… tue. Dimmi cosa ti tormenta.
Gaspard (aggrottando la fronte): Sono trafitto. Da un fulmine. Da un dolore immotivato. Da visioni di amori morti e rose che bruciano. E tutti vogliono che io sia saggio, retto, utile… Ma io voglio danzare con l’abisso!
Dr. Berger: Capisco. Parli da un luogo dove il linguaggio confina con l’invisibile. Quello che tu chiami abisso, a volte noi lo chiamiamo inconscio. E se le tue visioni fossero metafore di vecchie ferite che non potresti esprimere se non in poesia?
Gaspard (illuminandosi): No, dottore, lei vuole spiegarmi, addomesticarmi! Sono libero! Ho visto il cielo aprirsi sulla Senna e la luna gettarsi tra le mie braccia!
Dr. Berger (più serio): E questo ti ha reso più felice… o più solo?
Gaspard (esitante): Più… incandescente. Sì, solo. Non si può bruciare senza allontanare gli altri. Dr. Berger: Quindi forse il nostro compito non è spegnere il fuoco… ma costruirgli una casa. In modo che possa accendersi senza consumarti.
Gaspard (sussurrando): Un fuoco che accende senza bruciare… Sarebbe una strana forma di speranza. Dott. Berger: Non è una diagnosi, Gaspard. È una promessa di incontro, tra ciò che sei e ciò che potresti essere, senza negare la vertigine. (Silenzio. Poi Gaspard sorride, impercettibilmente. Si siede sul divano.)
Atto II – “La Luna sotto prescrizione medica”
L’ufficio è silenzioso. Il ticchettio di un orologio a forma di teschio sorride dolcemente. Gaspard ora è sdraiato, con le gambe incrociate, a fissare il soffitto. Il Dottor Berger prende qualche appunto, senza fretta.
Gaspard: Dottore… Ho fatto un sogno stanotte. Ero un violino dimenticato sulla banchisa, e un orso polare mi suonava Vivaldi indossando dei guantoni da boxe.
Dott. Berger: Un’immagine potente. E dolorosa, suppongo.
Gaspard: No, era bellissima. Assurda, ma bellissima. Come una fuga dell’universo quando ha bevuto troppe stelle.
Dott. Berger (sorride): Vedo che la notte non la calma. Il suo inconscio è un teatro senza intervallo.
Gaspard: E lei, dottore? Sta sognando? O fa diagnosi solo in pigiama? Dott. Berger (al gioco): A volte sogno che i miei pazienti mi pedinano. O che mi diano poesie invece delle loro tessere sanitarie.
Gaspard (entusiasta): Meraviglioso! Ecco fatto! Ecco cosa dobbiamo prescrivere: sonetti all’alba e fughe a mezzogiorno. Smettiamola di cercare di curarci e lasciamoci respirare a pieni polmoni!
Dr. Berger: E se l’arte fosse la tua ricetta? Senza dosaggio, ma da assumere quotidianamente.
Gaspard: Allora sii il mio farmacista linguistico e dammi dei versi effervescenti. La mia malinconia ha la bava alla bocca.
Dr. Berger: Benissimo. Primo rimedio: scrivi una lettera alla tua malinconia, come a un vecchio amante capriccioso. Secondo rimedio: fai ridere uno sconosciuto. E il terzo…
Gaspard (rabbrividendo): …dormire senza sognare?
Dr. Berger: No. Danza con la tua ombra, senza cercare di calpestarla. (Silenzio. Il ticchettio diventa quello di un metronomo. Gaspard sorride lentamente. Un uccello invisibile vola oltre la finestra.)
Gaspard: potresti essere pazzo, dottore.
Dr. Berger: è possibile. Ma ho una follia discreta, il tipo che classifica le tempeste per intensità poetica.
Atto III – “L’accordo segreto”
Il giorno sta calando dietro le persiane. La luce è soffusa, quasi irreale. L’ufficio sembra sospeso nel tempo. Gaspard ora è seduto a gambe incrociate sul divano. Il dottor Berger osserva, con il taccuino sulle ginocchia, senza scrivere.
Gaspard: Sa, dottore… per molto tempo ho creduto che le mie parole mi proteggessero. Le lanciavo come incantesimi. Pensavo che finché fossi riuscito a dare un nome all’ombra, non mi avrebbe inghiottito.
Dr. Berger: È quello che fanno molti poeti. Danno un nome ai loro mostri per non nutrirli silenziosamente.
Gaspard: Ma a volte… le parole tradiscono. A volte non dicono nulla. O peggio, mentono splendidamente.
Dr. Berger (con calma) Quindi forse è allora che bisogna smettere di scrivere… e iniziare a parlare. (Silenzio. Gaspard fissa il pavimento. Parla a voce più bassa.)
Gaspard: Avevo paura, sa. Paura che se fossi guarito, non avrei avuto più niente da scrivere. Che la mia follia fosse la mia unica musa.
Dr. Berger: E se la tua musa fosse semplicemente… il tuo modo unico di vivere il mondo? Non svanirà con il tumulto, si trasformerà.
Gaspard (con sguardo distante): Pensi che possiamo vivere senza vertigini?
Dr. Berger: No. Ma credo che possiamo imparare a danzare sul bordo del vuoto senza saltarci dentro a ogni ritornello.
(Sorride. Anche Gaspard, leggermente.)
Gaspard: Allora dammi l’ultima frase. Quella che chiude questa sessione. Per favore.
Dr. Berger (dopo una pausa): Benissimo… “Anche le stelle pazze alla fine tracciano un’orbita.”
Gaspard (con gli occhi umidi, mormorando): E in quest’orbita… scriverò, vivrò, tremerò… ma non fuggirò più.
(L’orologio smette di ticchettare. Il silenzio assume la forma di una poesia.)
Atto IV – “Freud si invita dietro le quinte”
L’ufficio si è fatto buio. Gaspard scribacchia in silenzio su un taccuino. Il Dr. Berger guarda l’orologio pensieroso. Improvvisamente, si sente il debole cigolio di una porta. Entra una figura, con un cappotto nero, la barba curata e occhiali da vista in equilibrio. È Freud. In carne e ossa e nel mito.
Freud (con calma, prima in tedesco, poi in francese con un leggero accento): “Es ist erstaunlich, was hier geschieht… Posso chiedere?”
Dr. Berger (sbalordito): Professor Freud? Ma lei è… beh… lei era…
Freud (seduto in silenzio): Non si preoccupi. Sono abituato a comparire alla fine delle analisi. Diciamo che sono… un sintomo benevolo. Gaspard (fissandolo, affascinato): Quindi sei tu… Il cartografo dei sogni, il domatore di Edipo, il mago dei sigari repressi.
Freud: Soprattutto, sono un uomo che ha passato la vita ad ascoltare… i silenzi dietro le parole. E a volte, le parole dietro le urla.
Dr. Berger (curioso): Allora, cosa vedi qui? Una follia creativa? Una nevrosi estetica? Una difesa poetica?
Freud (sorridendo dolcemente): Vedo un uomo – Gaspard – che ha trovato nell’arte un compromesso tra il principio di piacere e la realtà. E tu, caro collega, lo hai aiutato a spostare il rimosso… senza disarmarlo.
Gaspard: Ma dimmi, maestro… dovresti tenere la tua nevrosi o trasformarla in una poesia?
Freud: Tienila, ma impara a parlarle. Fanne una musa, non un carceriere. “Dove c’era l’Es, deve venire l’Io”… ma che questo “Io” sappia anche danzare.
Dr. Berger: Quindi è questo l’obiettivo? Fare pace con le proprie vertigini?
Freud: L’obiettivo… è non essere più inghiottiti. La sofferenza esiste, ma le parole possono darle forma – e a volte, grazie a loro, persino… stile.
(Si alza. Una leggera nebbia avvolge i suoi passi.)
Freud (rivolgendosi a Gaspard): Continua, poeta. Ma non dimenticare mai: niente è più serio di un sogno ben interpretato.
(Freud scompare. Tic-tac. Gaspard e Berger rimangono in silenzio. Poi ridono piano, come due bambini che sanno di aver appena incontrato un magnifico fantasma.)