par Matteo Pratelli
(FRA/ITA versione italiana in fondo)
Un après-midi parisien de fin janvier, j’ai rencontré Pierre Niedergang dans un bar du XVIIIe où on s’était donné rendez-vous. Nous avons fait connaissance à l’Université de Paris-Nanterre, où il vient de terminer son doctorat en Philosophie et donne des cours en Licence, et où je suis étudiant en Master.
Nous avons discuté de son premier livre, paru en avril 2023 aux Éditions Blast et déjà devenu assez célèbre dans le milieu LGBT+ français: Vers la normativité queer.
Le livre propose une approche aux questions queer à la fois innovatrice et pleine de références à la tradition philosophique plus récente sur ces thèmes. Pour cette raison, c’est aussi bien un texte à lire pour les expert.e.s qu’une manière d’aborder ce domaine d’études récent mais vaste.
Le résultat de notre discussion est l’entretien qui suit et qui, j’espère, va vous donner envie de lire le texte de Pierre.
–La première chose qui frappe, en lisant Vers la normativité queer, est justement le titre. En effet, on a l’habitude de penser le concept de norme comme opposé aux revendications des personnes queer. Pourquoi ce choix, donc?
-C’est vrai que, classiquement, on a tendance à attribuer aux théories queer une position purement négative à l’égard des normes, et particulièrement des normes de la sexualité. L’idée c’était précisément de mettre un coup de pied dans la fourmilière et de sortir de l’opposition – dangereuse, il me semble – qui est parfois construite entre d’un côté le queer, qui serait anti-normatif, opposé à toute norme de la sexualité, et de l’autre coté une conception davantage normative qui était attribuée à un certain féminisme qui impliquerait des normes de la sexualité. En fait, l’origine du titre est l’article qu’on a écrit avec Tal Piterbraut-Merx, Violence sexuelle ou « initiation », dans lequel on critique cette fausse opposition qui a pu se construire dans le contexte français entre d’un côté le queer et de l’autre le féminisme, avec au centre la question des violences sexuelles. L’idée c’était de montrer que le queer ne s’oppose pas au féminisme dans le sens où il rejetterait toute norme de la sexualité, mais qu’il peut y avoir, au contraire, invention de normes de la sexualité qui soient des normes queer de la sexualité, et c’est pour cela qu’on avait choisi le terme de normativité. L’une des grosses oppositions qui traversent le livre, c’est justement l’opposition entre normativité et normalisation. La normativité – et là je reprends les analyses de Canguilhem – c’est l’invention de normes, et, à l’inverse, la normalisation c’est la cristallisation des normes et le fait d’appliquer une norme préalable à des sujets, des pratiques qui n’y correspondent pas. L’idée c’est de dire que les théories et les pratiques queer s’opposent aux processus de normalisation (y compris la « normalisation gay » comme dirait Alain Naze), mais ce n’est pas pour autant qu’elles sont des pratiques anti-normatives au sens où on ne pourrait pas inventer des normes queer de la sexualité. Face aux violences sexuelles, il faut se rendre capable, du point de vue queer, d’émettre des normes qui distinguent l’acceptable de l’inacceptable.
–Dans la première question, j’ai parlé des revendications des “personnes queer”, et non pas d’une dite “communauté queer”. Je sais que tu es sceptique par rapport à cette dernière formulation. Tu peux nous en parler?
-Dans le livre, je parle davantage de communs. L’idée d’une communauté, pour moi, ne fonctionne pas du tout. Ce que je remarque c’est qu’il ne s’agit pas d’une communauté qui unirait toutes les queer ensemble, mais qu’il y a des communs, c’est-à-dire des manières d’être ensemble un peu éclatées. L’idée d’une communauté c’est quelque chose qu’on retrouve dans la pensée queer libérale : il y a la communauté queer et cette communauté c’est une cible marketing, un ensemble d’acheteurs et d’acheteuses. Cette idée a été poussée par des intérêts néo-libéraux.
Le fait de parler de communs, c’est aussi penser un communisme queer. Un commun c’est un ensemble de relations de co-dépendance matérielle et/ou affective par lesquelles on arrive à vivre et survivre ensemble. L’un des exemples que je prends comme pratique communiste, et donc comme pratique de constitution des communs queer, c’est le Front Transfem, une association qui est là pour à la fois créer des lieux de rencontre entre les personnes transféminines, à la fois faire des cagnottes et des pots communs pour que les personnes transféminines puissent manger ou qu’elles puissent vivre leur transition de manière vivable. Et en même temps, le Front Transfem est en contact avec des psychologues, donc il y a un soutien aussi bien affectif et psychologique que matériel qui est mis en place. Et cela pour moi ce n’est pas la communauté, c’est du commun: c’est un réseau de constitution de co-dépendance vitale et affective qui m’importe beaucoup plus que l’idée d’une communauté qui nous unirait toustes abstraitement, et dont je ne vois pas du tout la réalité.
-La deuxième partie du XXème siècle a témoignée d’un grand intérêt pour ces questions: je pense à la naissance et au développement des féminismes (avec leurs “vagues” plurielles), aux “gay studies”, aux “gender studies” et aux “queer studies”, pour en citer quelques unes. Ton livre aide aussi à saisir la variété théorique et les capacités inventives de ces mouvements de pensée qui, aux yeux de personnes non informées, pourraient sembler des petites variations sur le même thème. En réalité, beaucoup a été dit, de manières très différentes, et beaucoup reste encore à dire. S’il y en a une, quelle est la tradition qui t’inspire le plus, la “filiation” dans laquelle tu te reconnais?
-Dans ce livre, il y a deux références qui ont été importantes. La première est la théorie des normes et de la normativité qu’on peut rattacher à Canguilhem et puis à Foucault, qui retravaille politiquement et historiquement la notion de norme. À partir de Foucault, je m’inspire aussi à la pensée de Judith Butler, qui m’aide à penser la manière dont les politiques queer ne consistent pas à chercher à sortir et à s’arracher des normes mais, au contraire, considère que – étant donné un ensemble de normes et étant donné qu’il est impossible de sortir des normes (parce que nous y sommes défini.e.s et formé.e.s) – il faut travailler avec les normes et non pas prétendre pouvoir s’y opposer. Donc la première lignée d’influence serait ce triptyque Canguilhem-Foucault-Butler.
La deuxième serait la naissance, au début des années 2000 – principalement sous l’impulsion de Eve Kosofsky Sedgwick – d’un mouvement, au sein même des théories queer, qui va essayer de mettre en avant la question de l’affectivité, et qui va essayer de sortir de ce qui étaient devenus les problèmes et les références fondamentales de la théorie queer depuis les années 1980 – et notamment la référence à la psychanalyse -, qui va essayer de tracer une autre voie pour penser les corps non plus à partir des concepts de pulsion, d’interdit, etc., mais à partir de la question de l’affectivité. Dans ce courant, je pense également à Sarah Ahmed et à José Esteban Muñoz.
Tu viens de parler de psychanalyse – qui est, me semble-t-il, l’une des références majeures dans ton livre. Les dernières années ont vu une confrontation serrée, parfois violente mais certes prolifique, entre les disciplines psychanalytiques et les études queer. En 2019, le discours de Paul Preciado lors des journées internationales de l’Ecole de la Cause Freudienne à Paris, Je suis un monstre qui vous parle, a fait scandale et mis au centre du débat intellectuel et culturel la nécessité d’un changement des pratiques psychanalytiques vis-à-vis des personnes queer. À deux années de distance, Fabrice Bourlez a publié Queer Psychanalyse, et en 2023 on a vu sortir Sœurs. Pour une psychanalyse féministe, par Silvia Lippi et Patrice Maniglier. Quel est ton rapport à la psychanalyse, et pourquoi tu as considéré nécessaire de l’utiliser pour tes fins théoriques dans de Vers la normativité queer?
-Cette tension entre queer et psychanalyse, c’est déjà quelque chose qu’on retrouve dès les débuts de la théorie queer dans les années 1990 avec l’usage que fait Butler de la psychanalyse. C’est un usage qui est en même temps très critique de certains présupposés misogynes, homophobes et transphobes de la psychanalyse. Ça remonte encore plus loin, au débat autour de l’articulation entre féminisme et psychanalyse qui se posait aux années 1970, puis 1980. Je pense encore à l’émergence du mouvement Psychépo à l’intérieur du Mouvement de Libération des Femmes (MLF). Un des grands moments c’est aussi la fin des années 1990 en France, avec les débats autour du PACS, quand certains psychanalystes “médiatiques” avaient pris parti contre le PACS. La même chose s’est passée avec le Mariage pour tous. En effet, il y a toute une vague de psychanalyse réactionnaire. Mais en même temps, en France il y a tout un mouvement qui a émergé et qui commence à se structurer, d’une psychanalyse qu’on pourrait appeler queer – et tu évoques justement Bourlez et Lippi, mais on peut citer aussi Vincent Bourseul ou Thamy Ayouch. C’est une psychanalyse qui ne prend plus par-dessus la jambe les théories queer – en affirmant, par exemple, que “Butler n’a rien compris à Lacan” -, mais qui considère qu’une lecture de la psychanalyse comme celle de Butler, même si partielle, est intéressante et mérite d’être prise en compte.
Pour ma part, la psychanalyse me sert pour penser l’une des manières dont s’articulent le désir et le pouvoir. C’est une façon de dire qu’il n’y a des désirs que parce qu’il y a des pouvoirs qui viennent produire ces désirs: c’est ce que j’appelle, dans mon travail de thèse, l’immanence désir-pouvoir et que les psychanalystes comprennent à travers Œdipe, la castration, ou d’autres concepts. Dans les deux cas, c’est l’idée qu’il n’y a pas de désir qui ne soit pas pris dans des rapports de pouvoir. Cela me semble très important pour les théories et les politiques queer, dans la mesure où cela veut dire que, s’il n’y a pas de désir sans rapports de pouvoir et sans normes, on ne sort pas des normes – parce que si on sort des normes, on sort du désir. Donc, pour retravailler les normes, il faut retravailler la manière dont certaines normes produisent du désir – par exemple, rendre érotogènes certaines normes qui nous importent (je pense au consentement ou à l’autonomie sexuelle). Bref, on devrait rendre excitantes et érotogènes des normes qui nous semblent être meilleures. Et pour moi, la psychanalyse a vraiment ce pouvoir-là de penser l’articulation – singulière pour chacun.e – du désir et du pouvoir.
–Ce livre a été écrit pendant que tu bénéficiais d’un contrat doctoral à l’Université de Paris- Nanterre, où tu donnes toujours des cours sur le féminisme et les “questions queer”. Tu penses qu’aujourd’hui la réception de ces discours à l’intérieur des universités est désormais complètement acceptée, ou tu vois encore des résistances face à cela? J’imagine que la réponse change par rapport aux institutions dont on parle. En Italie, par exemple, nous voyons toujours , me parait-il, une marginalisation de certaines auteurices de ces traditions dans les universités. Je pense en outre au grand nombre de chercheureuses italien.ne.s qui ont quitté leur pays et se sont établi.e.s à l’étranger, où ielles ont pu continuer leurs recherches dans ces champs: de Lauretis, Federici, Braidotti…
-C’est une question complexe, d’autant plus que je ne peux pas dire qu’il est impossible de faire du queer à l’université française, puisque de fait j’ai eu la chance de pouvoir faire une thèse sur les théories queer. On est pas mal, et de plus en plus, à le faire. Il y a évidemment une certaine introduction du queer et du féminisme queer à l’université française, qui est portée notamment par certain.e.s professeur.e.s qui essaient de construire les conditions de possibilités pour que ce genre de choses puissent exister. Je pense, par exemple, à des cours de philosophie du genre, ou encore des cours concernant les post-colonial studies. Et en même temps, contre ces forces émancipatrices qui permettraient de transformer l’université et le savoir universitaire, il y a des forces réactionnaires qui agissent. Aussi, un certain nombre de textes réactionnaires sont publiés – je peux citer La religion woke de Jean-François Braunstein, qui nous explique que l’introduction du queer et du décolonial à l’université constitue un danger pour la pensée, un obscurantisme, au fond une nouvelle religion universitaire qui éteint la pensée et la possibilité de dialogue. Et il n’est pas le seul à le penser.
Il me semble donc que le terrain universitaire est un terrain de lutte où il faut à la fois ne pas se faire d’illusion mais aussi ne pas désespérer. Les théories queer et les études post-coloniales impliquent un changement dans la manière de concevoir le savoir qui forcément rencontre des résistances de l’arrière-garde (une arrière garde qui a le soutien du pouvoir, bien sur, car elle défend les savoirs dominants). Je crois qu’il faut continuer à lutter, à agir, en produisant à la fois les conditions matérielles concrètes de la production du savoir queer à l’université, et en même temps – et c’est l’un des projets que je vais poursuivre les années suivantes – il faut élaborer ce que cela signifie un « savoir queer », et quelle est la conception queer du savoir et de sa transmission, et pourquoi cette conception peut être légitime et ne constitue absolument pas soit un irrationalisme total, soit une censure – mais, au contraire, ce que je considère comme de nouvelles Lumières. Il faut défendre les Lumières queer contre l’obscurantisme et la censure réactionnaire.
Pierre Niedergang
Vers la normativité queer.
Éditions Blast, 2023
Il queer e la normatività. Intervista a Pierre Niedergang
di Matteo Pratelli
Un pomeriggio parigino di fine gennaio, ho incontrato Pierre Niedergang in un bar del diciottesimo arrondissement dove ci eravamo dati appuntamento. Ci siamo conosciuti all’Università di Paris-Nanterre, dove lui ha appena finito il suo dottorato in filosofia e tiene dei corsi in triennale, e dove io sono studente in magistrale.
Abbiamo discusso del suo primo libro, uscito nell’aprile 2023 (Éditions Blast) e già diventato piuttosto famoso nell’ambiente LGBT+ francese: Vers la normativité queer (Verso la normatività queer, N.d.R.).
Il libro propone un approccio alle questioni queer che è innovatore e allo stesso tempo pieno di riferimenti alla tradizione filosofica più recente su questi temi. Ciò lo rende sia un libro per esperti, sia un modo di avvicinarsi a questo campo di studi – “giovane” ma vasto.
Il risultato della nostra discussione è l’intervista che segue e che, spero, farà nascere in voi la voglia di leggere il testo di Pierre.
–La prima cosa che colpisce, leggendo Vers la normativité queer, è il titolo. In effetti, si ha l’abitudine di pensare il concetto di norma come opposto alle rivendicazioni delle persone queer. Perché questa scelta, dunque?
-È vero che, classicamente, si ha la tendenza ad attribuire alle teorie queer uno sguardo puramente negativo nei confronti delle norme, e in particolare delle norme della sessualità. L’idea era precisamente quella di prendere la questione di petto e di uscire dall’opposizione – ai miei occhi pericolosa – che talvolta è costruita fra un queer che sarebbe antinormativo da un lato, contrario a tutte le norme della sessualità, e dall’altro una concezione maggiormente normativa, attribuita a un certo femminismo che implicherebbe delle norme della sessualità. L’origine del titolo è l’articolo che ho scritto insieme a Tal Piterbraut-Merx, Violence sexuelle ou « initiation » (Violenza sessuale o « iniziazione », N.d.R.), nel quale critichiamo questa falsa opposizione che è andata costruendosi nel contento francese tra queer et femminismo, con al centro la questione delle violenze sessuali. L’idea era di mostrare che il queer non si oppone al femminismo nel senso in cui respingerebbe ogni norma della sessualità, ma che al contrario può esserci invenzione di norme della sessualità che siano norme queer della sessualità, ed è per questo che avevamo scelto il termine di normatività. Una delle grandi opposizioni che attraversano il libro è effettivamente l’opposizione fra normatività e normalizzazione. La normatività – e qui riprendo le analisi di Canguilhem – è l’invenzione di norme e, inversamente, la normalizzazione è la cristallizzazione di norme e il fatto di applicare una norma già esistente a dei soggetti o delle pratiche che non le corrispondono. L’idea è dire che le teorie e le pratiche queer si oppongono al processo di normalizzazione (ivi compresa la « normalizzazione gay », come direbbe Alain Naze), ma non per questo esse sono delle pratiche antinormative nel senso in cui non si potrebbero inventare delle norme queer della sessualità. Davanti alle violenze sessuali, dobbiamo renderci capaci, dal punto di vista queer, di emettere delle norme che distinguano l’accettabile dall’inaccettabile.
–Nella prima domanda, ho parlato di rivendicazioni delle “persone queer”, e non di una cosiddetta “comunità queer”. So che sei scettico in relazione a quest’ultima formulazione. Puoi parlarcene?
-Nel libro, parlo soprattutto di comuni. L’idea di una comunità, per me, non funziona affatto. Ciò che noto è che non si tratta di una comunità che unirebbe tutte le persone queer insieme, ma che vi sono piuttosto delle comuni, cioè delle maniere di essere insieme in modo frammentario. L’idea di una comunità è qualcosa che ritroviamo nel pensiero queer liberale: c’è la comunità queer e questa comunità è un target economico, un insieme di compratrici e compratori. Questa idea è stata sospinta da interessi neo-liberali.
Il fatto di parlare di comuni è poi anche un modo di pensare un comunismo queer. Una comune è un insieme di relazioni di co-dipendenza materiale e/o affettiva per le quali si arriva a vivere e sopravvivere insieme. Uno degli esempi che propongo di pratica comunista, e dunque pratica di costituzione delle comuni queer, è il Front Transfem, un’associazione che esiste per creare dei luoghi di incontro per le donne trans e al contempo per organizzare collette e casse comuni in modo che le persone queer e trans possano mangiare o vivere la propria transizione nel migliore dei modi. In contemporanea, il Front Transfem è in contatto con psicologi e psicologhe: è quindi messo a disposizione un sostegno affettivo, psicologico e materiale. E questa per me non è la comunità, ma una comune: una rete di costituzione di co-dipendenza vitale e affettiva che mi interessa molto più dell’idea di una comunità che ci unirebbe tutte e tutti astrattamente, e di cui non vedo affatto l’esistenza.
–La seconda parte del XX° secolo è stata testimone di un grande interesse per tali questioni: penso alla nascita e allo sviluppo dei femminismi (con le loro “ondate” plurali), ai “gay studies”, ai “gender studies” e ai “queer studies”, per citarne alcuni. Il tuo libro aiuta anche a comprendere la varietà teorica e le capacità inventive di questi movimenti di pensiero, che agli occhi delle persone non informate potrebbero sembrare delle piccole variazioni sullo stesso tema. In realtà, molto è stato detto, in maniere differenti, e molto resta ancora da dire. Se ce n’è una, qual è la tradizione alla quale ti ispiri maggiormente, la “filiazione” nella quale ti riconosci?
-In questo libro sono presenti due riferimenti importanti. Il primo è la teoria delle norme e della normatività che possiamo attribuire a Canguilhem e poi a Foucault, che rielabora politicamente e storicamente la nozione di norma. A partire da Foucault, mi ispiro anche al pensiero di Judith Butler, che mi aiuta a pensare come le politiche queer non consistano a cercare di uscire dalle norme ma, al contrario, considera che – dato un insieme di norme, e dato che è impossibile uscire dalle norme (perché ne siamo definiti/e e formati/e) – bisogna lavorare con esse e non pretendere di potere opporvisi. Quindi il primo asse di influenza è questo trittico Canguilhem-Foucault-Butler.
Il secondo è rappresentato dalla nascita, all’inizio degli anni 2000 – principalmente sotto l’impulso di Eve Kosofsky Sedgwick – di un movimento, in seno alle teorie queer, che cerca di mettere in primo piano la questione dell’affettività, e che prova ad uscire dai problemi e dai riferimenti fondamentali della teoria queer dagli anni ’80 – in particolare il riferimento alla psicoanalisi -, a tracciare un’altra via per pensare i corpi non più a partire dai concetti di pulsione, interdetto, ecc., ma a partire dalla questione dell’affettività. In questa corrente, penso ugualmente a Sara Ahmed e José Esteban Muñoz.
–Hai appena parlato di psicoanalisi – che è, mi pare, uno dei riferimenti teorici più importanti nel tuo libro. Gli ultimi anni hanno visto un confronto serrato, a tratti violento ma certo prolifico, fra le discipline psicoanalitiche e gli studi queer. Nel 2019, il discorso di Paul Préciado durante le giornate internazionali dell’École de la Cause Freudienne[1], Je suis un monstre qui vous parle (Sono un mostro che vi parla, N.d.R.), ha fatto scandalo e messo al centro del dibattito intellettuale e culturale francese la necessità di un cambiamento delle pratiche psicoanalitiche in relazione alle persone queer. A due anni di distanza, Fabrice Bourlez ha pubblicato Queer Psychanalyse (Queer Psicoanalisi, N.d.R.), e nel 2023 abbiamo assistito all’uscita di Sœurs. Pour une psychanalyse féministe (Sorelle. Per una psicoanalisi femminista, N.d.R.), di Silvia Lippi e Patrice Maniglier. Qual è il tuo rapporto con la psicoanalisi, e perché hai considerato necessario il suo utilizzo a fini teorici all’interno di Vers la normativité queer?
-Questa tensione fra queer e psicoanalisi è qualcosa che troviamo già agli inizi della teoria queer negli anni ’90, con l’utilizzo che Butler fa della psicoanalisi. È un utilizzo anche molto critico di certi presupposti misogini, omofobi e transfobici della psicoanalisi. Le origini di ciò sono ancora più lontane, nel dibattito fra femminismo e psicoanalisi che esisteva negli anni ’70 e poi ’80. Penso all’emergenza del movimento Psychépo[2] all’interno del Mouvement de Libération des Femmes (MLF)[3]. Uno dei grandi momenti è anche la fine degli anni ’90 in Francia, con i dibattiti sul PACS[4], quando certi psicoanalisti “mediatici” avevano preso posizione contro la legge. La stessa cosa è successa col Mariage pour tous[5]. In effetti, esiste tutta un’ondata di psicoanalisi reazionaria. Ma allo stesso tempo, in Francia c’è un movimento, che è emerso e che comincia a strutturarsi, di una psicoanalisi che potremmo chiamare queer – e tu evochi giustamente Fabrice Bourlez e Silvia Lippi, ma possiamo citare anche Vincent Bourseul e Thamy Ayouch. È una psicoanalisi che non prende più sottogamba le teorie queer – affermando, per esempio, che “Butler non ha capito nulla di Lacan” -, ma che considera che una lettura della psicoanalisi come quella di Butler, se anche parziale, è interessante e merita di essere presa in conto.
Per quanto mi riguarda, la psicoanalisi mi serve per pensare uno dei modi in cui si articolano desiderio e potere. È una maniera per dire che non c’è desiderio se non perché ci sono dei poteri che producono questi desideri: è ciò che chiamo, nel mio lavoro di tesi, l’immanenza desiderio-potere e che gli/le psicoanalisti/e comprendono attraverso Edipo, la castrazione, o altri concetti. Nei due casi, è l’idea che non esiste desiderio che non sia preso all’interno di rapporti di potere. Questo mi sembra molto importante per le teorie e le politiche queer, nella misura in cui ciò vuol dire che, se non c’è desiderio senza rapporti di potere e senza norme, non si esce dalle norme – perché se si esce dalle norme, si esce dal desiderio. Quindi, per rielaborare le norme, si deve rielaborare la maniera in cui certe norme producono del desiderio – per esempio, rendere erogene certe norme che ci strutturano (penso al consenso o all’autonomia sessuale). Insomma, dovremmo rendere eccitanti e erogene delle norme che ci sembrano essere migliori. E per me, la psicoanalisi ha veramente questa capacità di pensare l’articolazione – singolare per ognuno/a – del desiderio e del potere.
–Questo libro è stato scritto mentre eri sotto contratto dottorale all’Université de Paris-Nanterre, dove tieni ancora dei corsi sul femminismo e le “questioni queer”. Pensi che oggi la ricezione di questi discorsi all’interno delle università sia completamente accettata, o vedi ancora delle resistenze in questo senso? Immagino che la risposta cambi in relazione alle istituzioni di cui si parla. In Italia, per esempio, assistiamo ancora oggi, mi pare, ad una marginalizzazione di certe autrici e certi autori che appartengono a queste tradizioni nelle università. Penso inoltre al grande numero di ricercatrici e ricercatori italiane/i che hanno lasciato il proprio Paese per stabilirsi all’estero, dove hanno potuto continuare le loro ricerche in questi campi: de Lauretis, Federici, Braidotti…
-È una questione complessa, tanto più che non posso affermare che è impossibile fare del queer all’università francese, avendo avuto la fortuna di portare a termine un dottorato sulle teorie queer. Non siamo pochi/e, e sempre di più, a farlo. C’è evidentemente una certa introduzione del queer e del femminismo queer all’università francese, dovuta principalmente a certi professori e professoresse che cercano di costruire le condizioni di possibilità perché questo genere di cose possano esistere. Penso, per esempio, a dei corsi di filosofia di genere, o di post-colonial studies. E allo stesso tempo, contro queste forze emancipatrici che permetterebbero di trasformare l’università e il sapere universitario, ci sono delle forze reazionarie in azione. Sono anche pubblicati in grande numero testi reazionari – posso citare La religion woke (La religione woke, N.d.R.) di Jean-François Braunstein, che ci spiega che l’introduzione del queer e del decoloniale all’università costituisce un pericolo per il pensiero, un oscurantismo, insomma una nuova religione universitaria che annichila il pensiero e la possibilità di dialogo.
Mi sembra quindi che il terreno universitario sia un terreno di lotta in cui non ci si devono fare illusioni, ma in cui allo stesso tempo non bisogna disperare. Le teorie queer e gli studi post-coloniali implicano un cambiamento nella maniera di concepire il sapere che incontra per forza di cose resistenze dalla retroguardia (una retroguardia che ha il sostegno del potere, certo, in quanto difende i saperi dominanti). Credo che si debba continuare a lottare, ad agire, creando le condizioni materiali concrete della produzione di sapere queer all’università, e allo stesso tempo – ed è uno dei progetti che porterò avanti nei prossimi anni – bisogna elaborare teoricamente il significato di « sapere queer » e la concezione queer del sapere e della sua trasmissione, e perché questa concezione può essere legittima e non costituisce assolutamente né un irrazionalismo totale, né una censura – ma, al contrario, ciò che io considero come dei nuovi Lumi. Bisogna difendere i Lumi queer contro l’oscurantismo e la censura reazionaria.
Pierre Niedergang
Vers la normativité queer.
Éditions Blast, 2023
[1] Si tratta dell’associazione analitica fondata da Jacques Alain Miller e ispirata all’insegnamento di Jacques Lacan.
[2] N.d.R. L’espressione gioca a combinare psyché (psico) e po nel senso di politique (politica).
[3] N.d.R. Movimento di Liberazione delle Donne, il più importante movimento femminista della storia francese.
[4] N.d.R. Pacte civil de solidarité (Patto civile di solidarietà). È l’equivalente dell’Unione civile italiana.
[5] N.d.R. Matrimonio per tutti. Si tratta della legge, entrata in vigore nel 2013 in Francia, che introduce il matrimonio egualitario.