EXAGERE RIVISTA - Ottobre - Novembre - Dicembre 2024, n. 10-11-12 anno IX - ISSN 2531-7334

Parce que je le vaux bien… : ressenti, identité et justification

par Thémélis Diamantis

(FRA/ITA traduzione in fondo)

L’homme est la mesure de toutes choses, pour celles qui sont, de leur existence ; pour celles qui ne sont pas, de leur non-existence (attribué par Platon au sophiste Protagoras).

Dieu dit à Moïse : Je suis celui qui suis. Et il ajouta : C’est ainsi que tu répondras aux enfants d’Israël : Celui qui s’appelle « je suis » m’a envoyé vers vous (Exode 3 :7-8, 13-14).

Man gave names to all the animals / In the beginning, in the beginning / Man gave names to all the animals / In the beginning, long time ago (Bob Dylan).

Il semblerait que l’on doive à Saint Paul l’origine du terme de justification. Il désignerait, dans la pensée de ce dernier, un mouvement de la Grâce divine pour rendre Justes les hommes, autrement dit afin de transformer les pécheurs en serviteurs justes de Dieu. Ce pouvoir divin de justification, dans la pensée paulinienne, trouverait son origine dans la mort du Christ rédempteur ayant racheté sur la Croix les péchés des hommes. La justification divine inverserait donc une condamnation (injuste) produite par les hommes (la crucifixion du Christ) en un acte de Grâce et d’amour de Dieu envers ces derniers. Cette question entraînera durant des siècles un vaste débat théologique – notamment entre Catholiques et Protestants – pour déterminer si c’est par leur Foi (fides) ou par leurs actes (acta) que les hommes se rendent dignes de la justification divine.

Ce point nous retiendra pourtant ici moins que l’idée générale à laquelle il conduit : c’est uniquement par l’entremise d’un tiers (ce que Dieu est pour les hommes) qu’une justification est possible. Conséquemment – comme il figure également dans l’Épitre aux Romains (3,10) – l’autojustification serait une impossibilité absolue, puisque nul homme n’est exempt de péchés. Par extension, il ne suffirait donc pas de se proclamer juste ou vertueux pour l’être ; il n’y a de justification que par le tiers. On est reconnu (et désigné en tant que) juste avant (et afin) de l’être, comme l’atteste également l’expression du judaïsme « Justes parmi les Nations » (tirée du Talmud), reprise par la Knesset en 1953, pour qualifier et honorer en tant que Justes des ressortissants non-Juifs ayant mis leur vie en danger, lors de la seconde guerre mondiale, pour sauver celle de Juifs.

Parallèlement au champ moral ou religieux, ce principe étend ses droits à celui des connaissances[1]. Les procédés de validation scientifiques des hypothèses répondent à cette exigence ; ils conduisent à justifier les théories, comme le soulignent notamment Karl Popper, Hans Reichenbach ou Walter Benjamin, lequel plaçait la justification des connaissances au-dessus de l’importance dont elles se prévalent.

Je prendrai ainsi pour définition de la justification dans les lignes à venir ce mouvement de validation produit depuis l’extérieur du sujet (par le tiers) et rendant possible, admissible ou légitime, une pensée ou une action de celui qui en est à l’origine. Autrement dit, il n’y a de justification que dans la réponse ou le retour donnés à une proposition, non dans sa seule expression ou sa simple affirmation subjective. Corollairement, toute autojustification argumentative, entendue sur un plan strictement laïc, serait au mieux une maladresse, au pire traduirait une subversion de pensée. C’est le point de vue que je défendrai, à distance de tout paradigme religieux.

Quittons ainsi le plan théologique pour nous pencher sur l’usage et le sens actuel et courant du terme de justification. Un examen rapide permet d’affirmer que sur un ensemble de plans, celui-ci demeure indissociable du tiers. Prenons quelques exemples familiers : (1) je peux aimer une femme, mais si celle-ci ne m’aime pas en retour, mon amour restera lettre morte quoi que j’en pense ou que j’en souhaite[2] ; il restera « injustifié » (peut-être pas pour moi mais dans les faits puisque ceux-ci l’invalident par absence de réciprocité ou de reconnaissance …) ; c’est par l’amour que je reçois en retour que le mien accède à un espace effectif de réalisation ; sinon, il n’est que projet ; (2) Picasso est un véritable artiste car son œuvre a connu une consécration publique[3] et non parce qu’il aurait, par exemple, imprimé des cartes de visite à son nom[4] le désignant comme « artiste peintre », au même titre que n’est chirurgien (et n’a accès à cette pratique) qu’un médecin reconnu par la Faculté de Médecine dans l’exercice de cette spécialisation ; (3) si Charles III devait être le seul à penser qu’il est le Roi du Royaume-Uni et des autres royaumes du Commonwealth, sa place serait dans un hôpital psychiatrique et non sur le trône d’Angleterre. Le pouvoir du symbolique (ou du signifiant), comme le désignent les linguistes (rejoints par Jacques Lacan), s’applique aussi (voire surtout) aux Rois : ils le deviennent car un tiers (la Constitution, le peuple, etc.) les désigne et les reconnaît comme tels. S’il n’y a plus de Rois en France, c’est parce que la Révolution a instauré un paradigme politique qui déplace sur un plan différent l’autorité du tiers. Elle a abrogé la Royauté, non le pouvoir de désignation symbolique des représentants du peuple par le tiers. Aujourd’hui, en France, ce sont les élections (municipales, législatives ou présidentielles) qui désignent les représentants locaux, les élus de l’Assemblée Nationale ou le Président de la République, et en justifient les fonctions et les pouvoirs.

C’est également sous l’autorité du tiers que le Droit s’exerce : au sens juridique, la justification est une opération visant « à prouver la conformité d’un individu ou d’un acte à la loi dont le non-respect supposé lui est reproché » (Dénes et Rameix, 2008 :78). Elle est donc consubstantiellement associée aux preuves (sous la forme de documents, de témoignages ou d’arguments vérifiables). Affirmer une chose ne suffit pas en Droit pour la prouver. Les éléments de preuve, au sens défini ci-dessus, sont soumis au regard de la Loi et des magistrats chargés de son application. L’énoncé d’un verdict, par exemple, émane nécessairement d’une personne ou d’une instance tierce au sujet auquel cet énoncé s’applique. Le tiers se voit ici incarné sur trois plans : les preuves objectives, les Lois et les représentants de la Justice qui veillent à son respect.

Notons, pour clore ce rapide tour d’horizon, qu’une véritable culture de la justification, dans l’après-coup des faits, s’est d’ailleurs aussi largement généralisée au cours de ces dernières années dans de nombreuses disciplines sportives de haut niveau, un dispositif empirique (la VAR au football, le Hawk-Eye au tennis, etc.) visant à justifier les décisions arbitrales par l’examen électronique rétroactif des faits de jeu produits[5]. Quant aux mesures biométriques, comme celles de nos empreintes digitales figurant sur nos passeports, elles attesteraient mieux que nous-mêmes de qui nous sommes.

Que cela nous plaise ou non, nous sommes définis dans ce que nous sommes ou dans nos actes, par l’ordre du Symbolique ou du signifiant. Ce dernier n’appartient en propre à aucun individu ou groupe de personnes. Il est un attribut du langage auquel tous nous appartenons. C’est pourquoi il importe de ne pas l’instrumentaliser à des fins partisanes, tout particulièrement s’il énonce des théories générales portant sur des faits communément observables (comme par exemple la loi universelle de la gravitation, laquelle s’applique à tous les objets – sans exceptions – disposant d’une masse).

Voilà pourtant qu’un courant de pensée alternatif s’est invité ces dernières années au débat sur la justification. Largement alimenté dans l’espace collectif par l’essor et l’influence des réseaux sociaux, il fait reposer l’idée de la justification sur les notions d’identité et de ressenti, parfois en les combinant. D’une justification apostériorique (par le tiers), il fait une justification apriorique (par l’identité de celui qui s’exprime). Je précise que les arguments à venir s’inscrivent dans la continuité de ceux sur l’opinion (δόξα) et la vérité (ἀλήθεια) développés dans mon article « Pangloss is on Facebook » (Exagere, mai-juin 2022). J’y renvoie les lecteurs intéressés.

Pour Descartes, son célèbre « je pense donc je suis » concluait à la certitude de l’être par la conscience inhérente à l’activité de pensée. Les temps modernes tendent à inverser la formule cartésienne en une sorte de « je pense (d’une manière justifiée) car je suis ». L’être serait (ou à défaut contiendrait) la vérité justificatrice des propositions de pensée auxquelles aboutit leur producteur en s’appuyant sur son ressenti et son identité (singulière ou collective). D’une opinion ou d’un sentiment (forcément intimes ou subjectifs), cette modalité de pensée ferait un critère de vérité ou de justification en se fondant sur le principe que personne ne peut mettre en doute le ressenti d’un tiers. La question de la justification se voit ainsi déplacée sur des bases internes ; elle devient de fait une autojustification.

Il m’apparaît acquis que le ressenti, s’il est sincère, exprime une vérité, mais tout autant que celle-ci est d’ordre intime[6]. En tant que psychanalyste, je suis quotidiennement à l’écoute pleine de cette vérité déposée par mes patients, d’autant que son surgissement, bien des fois, traduit en un même mouvement la souffrance du sujet qui la produit. En psychanalyse, l’évaluation de tels contenus se fait en référence à la personne qui les manifeste. La psychanalyse travaille sur le système de représentations des patients, non sur les faits (même quand la valeur traumatique de certains d’entre eux est avérée). Le ressenti étant une manifestation interne au sujet et produite par lui, c’est sur ce même plan que sa vérité se voit rapportée et discutée, et que le travail thérapeutique s’effectue.

Ceci étant posé, il importe de rappeler que toute vérité intime n’est pas forcément une vérité publique. Ce sont deux plans distincts dont la confusion doit être évitée, surtout quand une proposition de pensée est formulée sur le plan de l’espace commun des faits. Cette exigence relève de la philosophie.

Je chercherai à montrer comment, usant d’un procédé intellectuellement contestable, voire spécieux, ce déplacement (ou ce glissement) de la vérité vers des fondations principalement subjectives opère un retour vers la pensée sophistique ; il use, autrement dit, d’un procédé oratoire visant l’efficacité persuasive plutôt que la vérité. Il ne suffit pas de voir la terre plate (ou de le penser) pour qu’elle le soit, de même il ne suffit pas à des personnes d’en propager l’idée[7] sur les réseaux sociaux pour en faire une vérité. Cette même précaution s’applique par exemple aux tenants d’une pensée complotiste, aux partisans de Donald Trump lors de l’invasion du Capitole le 6 janvier 2021 ou aux défenseurs d’une négation biologique de la binarité sexuelle[8].

Ces différents exemples traduisent un risque de dérives sur le plan général de la connaissance ou celui de la vérité. Quels dénominateurs communs relient-ils les acteurs de ces divers mouvements ? Quelle rhétorique guide leurs discours ? Outre un fort sentiment subjectif de vérité, ils font état, dans l’expression des arguments qu’ils déploient, d’une colère ou de revendications nées du sentiment d’être des victimes vertueuses; la vérité qu’ils avancent possèderait donc une portée morale ou réparatrice au regard des injustices et des violences qu’ils estiment avoir subies, oubliant au passage que l’injustice dont ils se sentent frappés leur sert parfois de justification aux violences qu’eux-mêmes produisent. L’exemple du Capitole en est particulièrement représentatif : penser – en l’absence de preuves objectives, a fortiori en présence d’éléments factuels contraires à cette idée – que l’élection a été truquée et volée par les moyens de l’État justifierait aux yeux des assaillants l’attaque d’un lieu symbolique de son autorité. Est-ce pour autant vrai ? Est-ce forcément juste ?

Dans d’autres cas, c’est un ressenti sincère qui mène à des propositions injustifiées sur le plan de la pensée. Illustrons ce dernier point en reprenant un des exemples cités plus haut. Pour offrir une mesure statistique du phénomène dont il sera question, il semblerait qu’environ 0,33% des sujets se reconnaissent de nos jours dans une identité de genre différente du sexe qui leur est attribué[9]. Rien de cela ne m’apparaît faux, inventé, illégitime ou abusif. La distinction entre le genre et le sexe, établie par les philosophes féministes des années 1970, traduit un constat et une position intellectuellement pertinente et prudente. Elle distingue les questions du ressenti et de l’état de fait biologique, appelant des réponses et ouvrant un champ d’interrogation nouveau autour des thèmes du genre, de la sexualité et de l’identité sexuelle. Reste à savoir si ce questionnement et ses applications concernent uniquement les personnes éprouvant ce ressenti ou si leurs effets s’étendent également sur le plan de la population générale. La question de la justification du savoir en fonction des champs desquels il est issu et auxquels il s’applique en forme la balance et la boussole.

La ligne rouge de la légitimité épistémologique, pour continuer sur ce dernier exemple, me semble franchie à partir du moment – le virage remontant aux années 1990 – où cette distinction entre le sexe et le genre a conduit notamment à l’idée que le sexe biologique serait une construction sociale[10] plus qu’un état de fait physiologique. Cette négation du biologique comme donné factuel implique la déconstruction de l’idée d’une justification par le tiers naturel. Elle déborde ainsi du cadre de la subjectivité et du ressenti des individus composant une communauté pour revendiquer un savoir sur le plan des réalités physiques communes. Elle ne se contente ainsi pas de poser la différence entre le plan du ressenti et celui des faits, dans le respect de leurs frontières respectives ou de leur interface, mais redéfinit (en le dissolvant…) le second sur la base du premier. Peut-on déduire à l’échelle de tous ce qui est vrai pour certains ? Le ressenti des uns peut-il mener à une vérité universelle ? Selon quel principe justificatif ? L’idée que la Terre est plate serait-elle, par exemple, une opinion (respectable) parmi d’autres ? Voire une vérité dont la contestation se verrait interdite moralement ou intellectuellement car elle ne serait ni bienséante ni fondée scientifiquement ? Doit-on se sentir coupable de penser que la Terre est ronde ? Doit-on remettre en question la vérité de ce savoir ?

L’antique logos des Grecs reposait sur l’idée que tous (sans exception) habitons, voyons, pensons et désignons le monde d’une même manière. Le monde commun était pour les Grecs un monde universel. La négation du biologique dans sa réalité intrinsèque (y compris par le rejet de la binarité sexuelle) tout comme les thèses platistes et complotistes créent inévitablement un clivage entre ceux pour lesquels l’idée concernée fait sens (car ils en partagent le ressenti ou se reconnaissent dans l’identité ou les arguments de ceux qui en formulent la proposition) et les autres. Dans l’autojustification, le tiers objectif ou universel se voit remplacé par un même désigné en tant que tiers. La preuve d’avoir raison serait apportée par le fait que d’autres pensent et disent la même chose. C’est une opinion partagée, non une justification. Un tel raisonnement s’apparente à une tautologie ou à un sophisme. La perte du tiers se double de celle du monde commun. Cela fait beaucoup et sans doute trop !

La justification interne (ou l’autojustification) des idées, dans l’irréductibilité qui l’opposerait aux tenants d’une justification par le tiers induit une communautarisation du savoir, donc la perte d’un espace universel commun de réflexion sur le monde, avec un risque de produire sur le terrain de la pensée une situation analogue à celle du conflit israélo-palestinien où deux camps aux référentiels contraires revendiquent la possession (exclusive) d’un même espace. Dans l’exemple précité du constructivisme du genre, il est difficile de rendre les biologistes (pour utiliser un terme général) responsables de cet affrontement, pas plus que les physiciens et les astronomes en ce qui concerne les thèses platistes. Ils en sont les victimes et non les instigateurs.

Une pensée alternative au système de pensée dominant, produite par une personne ou une communauté minoritaire d’individus, peut-elle avoir une portée universelle ? Certainement, mais à condition de se voir justifiée. Copernic, pour donner un exemple, avait assurément raison contre ceux qui à l’époque s’opposaient à sa théorie de l’héliocentrisme, mais celle-ci ne reflétait pas son sentiment intime ou personnel mais découlait d’une mesure de faits astronomiques que tous pouvaient et peuvent observer. C’est en cela que l’autorité du tiers prévaut, laquelle distingue la justification (externe) d’une autojustification (interne), la seconde ne pouvant en aucun cas servir de moyen pour contester la légitimité de la première. Ce critère pose clairement la ligne de démarcation entre la croyance et la science. Méconnaître cette frontière ou vouloir l’effacer réintroduit inévitablement une pensée religieuse dans le champ des sciences en subordonnant le savoir scientifique à l’expression d’une croyance ou d’une foi. Un tel mouvement traduirait le retour à une forme d’obscurantisme et de totalitarisme doctrinaire ne pouvant mener qu’à une nouvelle Inquisition. J’y reviendrai.

Je ne vois aucune objection à la tenue de débats de société sur les questions du genre et des droits des minorités, comme il en a été le cas avec le mariage pour tous. Je reste par contre attaché au respect des moyens de justification qui y conduisent : un corps social peut acter des décisions sociétales (comprenant aussi un volet militant ou idéologique, comme l’éventuelle inscription dans la Constitution du troisième sexe pour ceux qui ne se reconnaissent pas dans la binarité sexuelle) sans pour autant fonder cette revendication sur une négation – abusivement justifiée – des faits biologiques. La reconnaissance à un droit concernant des minorités ne passe pas forcément par le déni d’une réalité objective ou universelle. Rien ne justifie, sur le plan de la connaissance, le passage d’un ressenti minoritaire à un état de fait collectif ni la déconstruction de ce dernier au principe d’une justification qui n’en porte que le nom. Sans mettre en doute la sincérité ou la souffrance de ceux qui l’expriment et en préconisant des moyens d’aide à ces derniers[11], je soutiens le maintien de la séparation entre les plans du vécu singulier et des réalités physiologiques comme une digue nécessaire pour prévenir au danger de graves dérives intellectuelles et de drames sociétaux et humains.

En érigeant la vérité du ressenti au rang d’une justification, de tels mouvements de pensée portent également atteinte au langage, soit par la répétition (ou plutôt le martellement) d’opinions présentées comme des vérités (l’élection américaine de 2021 aurait été volée ; la Terre est plate ; on nous cache la vérité sur le Covid ou les extraterrestres, etc.), soit en procédant – à l’aide d’un procédé sophistique connu – à la réduction des choses aux concepts, puis des concepts aux mots, au besoin en inventant de nouveaux éléments de vocabulaire servant à désigner les choses. Par exemple, l’adjectif « hétéronormé » remplace celui de « hétérosexuel », pour évacuer la notion biologique de pulsion au profit d’une construction sociale de la sexualité au sein de laquelle toutes les orientations sexuelles (et toutes les identités sexuelles) coexistent égalitairement en termes de possibles culturels. Des néologismes comme « toustes » et « touxtes », sous le couvert de l’inclusivité et du combat contre l’exclusion et la discrimination transposent au langage la fluidité, la neutralité ou l’inclusivité du genre que ses promoteurs assignent aux corps. D’une erreur de fait, ils créent un abus de langage. Or « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », comme le disait Albert Camus.

Un exemple particulièrement inquiétant m’a récemment été communiqué[12]. Lors d’une manifestation féministe, la parole a été donnée à deux femmes iraniennes venues en Europe pour dénoncer les violences dont elles sont victimes de la part des hommes dans leur pays. À la fin de leur intervention, elles ont été prises à partie par des trans lesquels leurs reprochaient l’usage des termes de … « hommes » et de « femmes » qui reprennent (et même soulignent) l’insoutenable et intolérable binarité sexuelle qu’ils combattent…

Si elle n’est canalisée par la raison, l’identité victimaire et la communautarisation de la pensée qui l’accompagne, dans l’élan de réparation qui les anime, exerce inévitablement une violence sur la pensée, le langage, la vérité, les personnes et l’espace collectif. Ces théories n’avancent pas par la justesse des arguments qu’elles produisent mais creusent leur sillon grâce au sentiment de culpabilité qu’elles diffusent, voire, comme dans l’exemple ci-dessus, sur la dénonciation et la disqualification des personnes faisant usage d’un mode de pensée ou de parole jugé impropre ou offensant. Pour ne pas produire de connotations de genre erronées ou blessantes (en induisant l’identité des personnes sur la base leur apparence), certains préconisent de nos jours l’emploi de « elli » ou « yel » en lieu de « il » ou « elle » en l’absence d’informations plus précises de la personne elle-même sur son identité de genre. Vouloir éviter une violence revient parfois à en produire une autre, parfois pire. La condamnation des individus accusés de « mégenrer » possiblement leurs semblables marque, parmi d’autres marqueurs[13], un retour vers les heures les plus noires d’un totalitarisme de type religieux dont la portée, la nature échappent à ceux qui mettent de tels codes en place. Politiquement marquée à gauche, cette pensée, par les dérives qu’elle produit, fait également – à son insu – le lit de l’extrême-droite, laquelle se vautre elle-même dans ses obsessions identitaires. Quand on ne s’appuie plus sur les faits, quand on ne peut plus réfléchir ensemble, on convoque forcément l’idéologie[14]. On sait à quoi elle mène.

Un excès de vertu (autoproclamée) et une idéologie débordante conduisent souvent à des résultats non-vertueux et injustifiés. George Orwell, dans un passage célèbre de la Ferme des animaux,  nous avait pourtant mis en garde: « Dehors, les yeux des animaux allaient du cochon à l’homme et de l’homme au cochon, et de nouveau du cochon à l’homme mais déjà il était impossible de distinguer l’un de l’autre. »


[1] Je reviendrai d’ailleurs par la suite sur les liens (justifiés ou non) entre les plans de la morale et du savoir.

[2] Ou il se cantonnera à l’espace (in mente) de la névrose, comme on en trouve un bel exemple dans le personnage de Cyrano chez Rostand, lequel préfère rêver l’amour de Roxanne plutôt que de produire un effort en vue de rendre cet amour possible dans les faits. Cyrano le résume dans ces vers : « Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès ! Non, non c’est bien plus beau lorsque c’est inutile. »

[3] Et qu’elle possède une cote importante sur le marché de l’art, pourrait-on ajouter…

[4] Ce dont je doute fortement…

[5] De nos jours, les « This ball was out ! » colériques de John McEnroe ou la « main de Dieu » de Diego Maradona perdraient singulièrement de leur influence sur le cours des rencontres…

[6] A fortiori rapportée à l’idée de l’inconscient.

[7] Pour rappel, un sondage de 2023 révélait que 16% des jeunes pensent qu’on leur ment sur la forme de notre planète…

[8] Vraie à l’exception de très rares cas.

[9] Chiffre donné par la plateforme d’information Trajectoires Jeunes Trans.

[10] instaurée par certaines élites dominantes (capitalistes, blanches, patriarcales, etc.)

[11] Je ne développe volontairement pas ce point ici car il implique de trop nombreuses ramifications.

[12] Je précise qu’il s’agit d’un témoignage de première main.

[13] Je pense notamment à l’écriture inclusive qui sous le couvert du respect dû aux femmes ou au féminin, favorise elle aussi une confusion des genres au sein et au détriment de la langue.

[14] Attisées tant par l’aile gauche des Démocrates que par l’aile droite des Républicains, ces questions constituent des thèmes de campagne solidement installés dans les débats de la prochaine élection présidentielle américaine.


Perché io valgo tanto…: percezione, identità e giustificazione.

di Thémélis Diamantis

Sembrerebbe che si debba a San Paolo l’origine del termine giustificazione. Designerebbe, nel pensiero di quest’ultimo, un movimento della Grazia divina per rendere giusti gli uomini, per trasformare cioè i peccatori in giusti servitori di Dio. Questa potenza divina di giustificazione, nel pensiero paolino, troverebbe la sua origine nella morte di Cristo redentore dopo aver riscattato i peccati degli uomini sulla Croce. La giustificazione divina trasformerebbe quindi una condanna (ingiusta) prodotta dagli uomini (la crocifissione di Cristo) in un atto di grazia e di amore di Dio verso di loro. Questa questione porterà per secoli a un vasto dibattito teologico – in particolare tra cattolici e protestanti – per determinare se è attraverso la loro fede (fides) o attraverso le loro opere (acta) che gli uomini si rendono degni della giustificazione divina.

Questo punto, però, qui ci interessa meno dell’idea generale a cui conduce: solo attraverso l’intermediazione di un terzo (ciò che Dio è per gli uomini) è possibile la giustificazione. Di conseguenza – come appare anche nella Lettera ai Romani (3,10) – l’autogiustificazione sarebbe un’assoluta impossibilità, poiché nessun uomo è esente dal peccato. Per estensione, non basterebbe quindi proclamarsi giusti o virtuosi per esserlo; c’è solo la giustificazione da parte del terzo. Uno è riconosciuto (e designato come) giusto prima (e nell’ordine) di esserlo, come attesta anche l’espressione dell’ebraismo “Giusto tra le Nazioni” (tratta dal Talmud), ripresa dalla Knesset nel 1953, per qualificarsi e onorarsi come Giusti cittadini non ebrei che hanno messo in pericolo la propria vita durante la Seconda Guerra Mondiale per salvare quella degli ebrei stessi.

Accanto al campo morale o religioso, questo principio estende i suoi diritti a quello della conoscenza. I processi di validazione scientifica delle ipotesi soddisfano questo requisito; portano a teorie giustificatrici, come sottolineato in particolare da Karl Popper, Hans Reichenbach o Walter Benjamin, che hanno posto la giustificazione delle conoscenze al di sopra dell’importanza che essa rivendica.

Prenderò quindi come definizione di giustificazione nelle prossime linee questo movimento di validazione prodotto dall’esterno del soggetto (da parte del terzo) e che rende possibile, ammissibile o legittimo, un pensiero o un’azione di colui che è al centro di esso. In altre parole, c’è giustificazione solo nella risposta o restituzione data a una proposizione, non nella sua sola espressione o nella sua semplice affermazione soggettiva. Di conseguenza, qualsiasi autogiustificazione argomentativa, intesa a livello strettamente laico, sarebbe nella migliore delle ipotesi goffa, e nella peggiore rifletterebbe un sovvertimento di pensiero. Questo è il punto di vista che difenderò, allontanandomi da ogni paradigma religioso.

Usciamo quindi dal piano teologico per guardare all’uso e al significato attuale e attuale del termine giustificazione. Un rapido esame permette di affermare che, su un insieme di livelli, questo resta inseparabile dal terzo. Prendiamo alcuni esempi familiari: (1) posso amare una donna, ma se lei non mi ama in cambio, il mio amore rimarrà lettera morta, qualunque cosa io pensi o desideri; resterà “ingiustificato” (forse non per me ma nei fatti poiché questi lo invalidano per mancanza di reciprocità o di riconoscimento…); è attraverso l’amore che ricevo in cambio che il mio accede ad uno spazio effettivo di realizzazione; altrimenti è solo un progetto; (2) Picasso è un vero artista perché la sua opera è stata pubblicamente riconosciuta e non perché, ad esempio, ha stampato a suo nome biglietti da visita designandolo come “artista pittore”, allo stesso modo in cui lo è il chirurgo (e ha accesso solo tale pratica) un medico riconosciuto dalla Facoltà di Medicina nell’esercizio di tale specializzazione; (3) se Carlo III fosse l’unico a pensare di essere il re del Regno Unito e degli altri regni del Commonwealth, il suo posto sarebbe in un ospedale psichiatrico e non sul trono d’Inghilterra.

Il potere del simbolico (o del significante), così come lo designano i linguisti (a cui si unisce Jacques Lacan), si applica anche (o anche soprattutto) ai Re: lo diventano perché un terzo (la Costituzione, il popolo, ecc.) designa e li riconosce come tali. Se non ci sono più re in Francia, è perché la Rivoluzione ha stabilito un paradigma politico che sposta l’autorità del terzo su un livello diverso. Ha abrogato la regalità, non il potere di designazione simbolica dei rappresentanti del popolo da parte di terzi. Oggi, in Francia, sono le elezioni (comunali, legislative o presidenziali) a designare i rappresentanti locali, i rappresentanti eletti dell’Assemblea nazionale o del Presidente della Repubblica, e a giustificarne le funzioni e i poteri.

È anche sotto l’autorità del terzo che si esercita la legge: in senso giuridico, la giustificazione è un’operazione diretta “a dimostrare la conformità di un soggetto o di un atto alla legge di cui gli viene imputata la presunta inosservanza” (Dénes e Rameix, 2008:78). Essa è quindi consustanzialmente associata alle prove (sotto forma di documenti, testimonianze o argomentazioni verificabili). Affermare qualcosa non è sufficiente in diritto per dimostrarlo. La prova, nel senso sopra definito, è presentata nei confronti della Legge e dei magistrati competenti alla sua applicazione. L’enunciazione di una sentenza, ad esempio, proviene necessariamente da una persona o da un terzo rispetto al soggetto a cui si applica tale affermazione. Il terzo è qui rappresentato su tre livelli: l’evidenza oggettiva, le Leggi e i rappresentanti della Giustizia che ne vigilano il rispetto.

Notiamo, per chiudere questa rapida carrellata, che una vera e propria cultura della giustificazione, all’indomani dei fatti, si è ampiamente diffusa negli ultimi anni anche in numerose discipline sportive di alto livello, un dispositivo empirico (il VAR nel calcio, l’Hawk- Eye in tennis, ecc.) volto a giustificare le decisioni arbitrali attraverso l’esame elettronico retroattivo dei fatti di gioco prodotti. Per quanto riguarda le misurazioni biometriche, come quelle delle nostre impronte digitali che appaiono sui nostri passaporti, attesterebbero meglio di noi stessi chi siamo.

Che ci piaccia o no, siamo definiti in ciò che siamo o nelle nostre azioni, secondo l’ordine del Simbolico o del significante. Quest’ultimo non appartiene a nessun individuo o gruppo di persone. È un attributo del linguaggio a cui tutti apparteniamo. Per questo è importante non sfruttarla per scopi di parte, soprattutto se espone teorie generali relative a fatti comunemente osservabili (come ad esempio la legge di gravitazione universale, che si applica a tutti gli oggetti – nessuno escluso – dotati di massa).

Tuttavia, negli ultimi anni, una corrente di pensiero alternativa è entrata nel dibattito sulla giustificazione. Alimentata in gran parte nello spazio collettivo dalla crescita e dall’influenza dei social network, basa l’idea di giustificazione sulle nozioni di identità e sentimento, a volte combinandole. Da una giustificazione a posteriori (da parte del terzo), fa una giustificazione apriorica (da parte dell’identità di colui che si esprime). Preciso che gli argomenti che seguiranno sono la continuazione di quelli sull’opinione (δόξα) e sulla verità (ἀλήθεια) sviluppati nel mio articolo “Pangloss è su Facebook” (Exagere, maggio-giugno 2022). Rimando lì i lettori interessati.

Per Cartesio il famoso “Penso dunque sono” si concludeva con la certezza di essere attraverso la coscienza insita nell’attività del pensiero. I tempi moderni tendono a invertire la formula cartesiana in una sorta di “penso (in modo giustificato) perché sono”. L’essere sarebbe (o in mancanza conterrebbe) la verità che giustifica le proposizioni di pensiero alle quali il loro produttore arriva facendo affidamento sui suoi sentimenti e sulla sua identità (singolare o collettiva). Di un’opinione o di un sentimento (necessariamente intimo o soggettivo), questa modalità di pensiero farebbe un criterio di verità o di giustificazione basato sul principio che nessuno può dubitare dei sentimenti di un terzo. La questione della giustificazione viene così spostata su basi interne; diventa in realtà un’autogiustificazione.

Mi sembra certo che il sentimento, se è sincero, esprima una verità, ma altrettanto questa è di ordine intimo. Come psicoanalista, ascolto quotidianamente questa verità depositata dai miei pazienti, soprattutto perché la sua emergenza, molte volte, traduce nello stesso movimento la sofferenza del soggetto che la produce. In psicoanalisi la valutazione di tali contenuti viene fatta con riferimento alla persona che li manifesta. La psicoanalisi lavora sul sistema di rappresentazioni dei pazienti, non sui fatti (anche quando è dimostrata la valenza traumatica di alcuni di essi). Sentendosi manifestazione interna del soggetto e da lui prodotta, è su questo stesso piano che viene riferita e discussa la sua verità e che si svolge il lavoro terapeutico.

Detto questo, è importante ricordare che non tutte le verità intime sono necessariamente verità pubbliche. Si tratta di due livelli distinti la cui confusione deve essere evitata, soprattutto quando una proposizione di pensiero è formulata sul piano dello spazio comune dei fatti. Questo requisito è filosofico.

Cercherò di mostrare come, utilizzando un processo intellettualmente discutibile, perfino specioso, questo spostamento (o questo spostamento) della verità verso fondamenti prevalentemente soggettivi determini un ritorno al pensiero sofistico; utilizza, in altre parole, un procedimento oratorio mirato all’efficacia persuasiva piuttosto che alla verità. Non basta vedere la terra piatta (o pensarlo) perché sia ​​piatta, né basta propagandare l’idea sui social network per farla diventare realtà. Questa stessa precauzione si applica, ad esempio, ai sostenitori del pensiero cospiratorio, ai sostenitori di Donald Trump durante l’invasione del Campidoglio del 6 gennaio 2021 o ai difensori di una negazione biologica del binario sessuale.

Questi diversi esempi riflettono un rischio di deviazioni sul piano generale della conoscenza o su quello della verità. Quali denominatori comuni collegano gli attori di questi diversi movimenti? Quale retorica guida i loro discorsi? Oltre ad un forte sentimento soggettivo di verità, esprimono, nell’espressione delle argomentazioni che utilizzano, rabbia o richieste nate dal sentimento di essere vittime virtuose; la verità che essi avanzano avrebbe quindi un significato morale o riparatore nei confronti delle ingiustizie e delle violenze che credono di aver subito, dimenticando di passaggio che l’ingiustizia di cui si sentono colpiti talvolta serve da giustificazione della violenza che essi stessi producono. . L’esempio del Campidoglio è particolarmente rappresentativo: pensare – in assenza di prove oggettive, a fortiori in presenza di elementi di fatto contrari a questa idea – che le elezioni siano state truccate e rubate per opera dello Stato giustificherebbe agli occhi gli aggressori, l’attacco a un luogo simbolo della sua autorità. Ma è vero? È necessariamente giusto?

In altri casi si tratta di un sentimento sincero che porta a proposizioni ingiustificate sul piano del pensiero. Illustriamo quest’ultimo punto prendendo uno degli esempi sopra citati. Per fornire una misura statistica del fenomeno in questione, sembra che circa lo 0,33% dei soggetti si riconosca oggi in un’identità di genere diversa dal sesso loro assegnato. Niente di tutto ciò mi sembra falso, inventato, illegittimo o abusivo. La distinzione tra genere e sesso, stabilita dalle filosofie femministe degli anni ’70, riflette un’osservazione e una posizione intellettualmente rilevante e prudente. Distingue le questioni del sentimento e dello stato di cose biologico, chiedendo risposte e aprendo un nuovo campo di domande attorno ai temi del genere, della sessualità e dell’identità sessuale. Resta da vedere se queste domande e le loro applicazioni riguardino solo le persone che provano questo sentimento o se i loro effetti si estendano anche alla popolazione generale. La questione della giustificazione della conoscenza in base ai campi da cui proviene e ai quali si applica costituisce la bilancia e la bussola.

La linea rossa della legittimità epistemologica, per continuare con quest’ultimo esempio, mi sembra superata dal momento – lo spostamento che risale agli anni Novanta – in cui questa distinzione tra sesso e genere ha portato in particolare all’idea che il sesso biologico sarebbe una costruzione sociale più che uno stato di cose fisiologico. Questa negazione del dato biologico come dato fattuale implica la decostruzione dell’idea di giustificazione da parte del terzo naturale. Si supera così il quadro della soggettività e dei sentimenti degli individui che compongono una comunità per rivendicare la conoscenza al livello delle realtà fisiche comuni. Non si accontenta quindi di stabilire la differenza tra il livello del sentimento e quello dei fatti, rispettandone i rispettivi confini o la loro interfaccia, ma ridefinisce (sciogliendolo…) il secondo sulla base del primo. Possiamo dedurre su scala globale cosa è vero per alcuni? Possono i sentimenti di alcuni condurre a una verità universale? Secondo quale principio giustificativo? L’idea che la Terra sia piatta sarebbe, ad esempio, un’opinione (rispettabile) tra le altre? O addirittura una verità la cui contestazione sarebbe moralmente o intellettualmente vietata perché né decorosa né scientificamente fondata? Dovremmo sentirci in colpa se pensiamo che la Terra sia rotonda? Dovremmo mettere in discussione la verità di questa conoscenza?

L’antico logos dei Greci si basava sull’idea che tutti noi (nessuno escluso) abitiamo, vediamo, pensiamo e designiamo il mondo allo stesso modo. Il mondo comune era per i Greci un mondo universale. La negazione del biologico nella sua realtà intrinseca (anche attraverso il rifiuto del binario sessuale), così come le teorie flatiste e cospirazioniste, creano inevitabilmente una divisione tra coloro per i quali l’idea in questione ha senso (perché condividono il sentimento o si riconoscono nella realtà) identità o argomenti di chi formula la proposizione) e gli altri. Nell’autogiustificazione, il terzo oggettivo o universale è sostituito dalla stessa persona designata come terzo. La prova di avere ragione sarebbe data dal fatto che altri pensino e dicano la stessa cosa. Questa è un’opinione condivisa, non una giustificazione. Tale ragionamento è simile ad una tautologia o ad un errore. La perdita del terzo si accompagna a quella del mondo comune. È molto e probabilmente troppo!

La giustificazione interna (o autogiustificazione) delle idee, nell’irriducibilità che la opporrebbe ai fautori di una giustificazione da parte del terzo, induce una comunitarizzazione del sapere, quindi la perdita di uno spazio comune universale di riflessione sul mondo, con il rischio di produrre nel campo del pensiero una situazione analoga a quella del conflitto israelo-palestinese dove due campi con quadri di riferimento opposti rivendicano il possesso (esclusivo) dello stesso spazio. Nell’esempio sopra citato di costruttivismo di genere, è difficile ritenere responsabili di questo confronto i biologi (per usare un termine generale), così come non lo sono i fisici e gli astronomi rispetto alle tesi terrapiattiste. Sono loro le vittime e non i mandanti.

Può un pensiero alternativo al sistema di pensiero dominante, prodotto da una persona o da una comunità minoritaria di individui, avere una portata universale? Certamente, ma a condizione di essere giustificato. Copernico, per fare un esempio, aveva certamente ragione nei confronti di coloro che all’epoca si opponevano alla sua teoria dell’eliocentrismo, ma ciò non rifletteva un suo sentimento intimo o personale ma nasceva da una misura di fatti astronomici che tutti potevano e possono osservare. È qui che prevale l’autorità del terzo, che distingue la giustificazione (esterna) dall’autogiustificazione (interna), poiché quest’ultima non può in alcun modo fungere da mezzo per contestare la legittimità della prima. Questo criterio stabilisce chiaramente la linea di demarcazione tra fede e scienza. Ignorare questo confine o volerlo cancellare reintroduce inevitabilmente il pensiero religioso nel campo della scienza subordinando la conoscenza scientifica all’espressione di una credenza o di una fede. Un simile movimento rifletterebbe un ritorno a una forma di oscurantismo e di totalitarismo dottrinario che potrebbe solo portare a una nuova Inquisizione. Ci tornerò.

Non vedo alcuna obiezione allo svolgimento di dibattiti sociali su questioni di genere e sui diritti delle minoranze, come è avvenuto con il matrimonio per tutti. Rimango invece legato al rispetto delle modalità di giustificazione che portano a ciò: un corpo sociale può prendere decisioni sociali (contenendo anche una componente militante o ideologica, come l’eventuale inclusione nella Costituzione del terzo sesso per coloro che non si riconoscono nel binario sessuale) senza basare tale affermazione su una negazione – abusivamente giustificata – dei fatti biologici. Il riconoscimento di un diritto riguardante le minoranze non implica necessariamente la negazione di una realtà oggettiva o universale. Niente giustifica, sul piano della conoscenza, il passaggio da un sentimento minoritario a uno stato di cose collettivo, né la decostruzione di quest’ultimo al principio di una giustificazione di cui porta solo il nome. Senza dubitare della sincerità o della sofferenza di coloro che lo esprimono e raccomandando a questi ultimi mezzi di aiuto, sostengo il mantenimento della separazione tra i piani dell’esperienza singolare e le realtà fisiologiche come diga necessaria per prevenire il pericolo di gravi malattie mentali. eccessi e tragedie sociali e umane.

Elevando la verità del sentimento al rango di giustificazione, tali movimenti di pensiero minano anche il linguaggio, sia attraverso la ripetizione (o meglio il martellamento) di opinioni presentate come verità (le elezioni americane del 2021 sarebbero state rubate; la Terra è piatta; ci nascondono la verità sul Covid o sugli extraterrestri, ecc.), oppure procedendo – utilizzando un noto processo sofistico – a ridurre le cose a concetti, poi i concetti a parole di concetti, inventando se necessario nuovi elementi di vocabolario usati per designare le cose. Ad esempio, l’aggettivo “eteronormativo” sostituisce quello di “eterosessuale”, per eliminare la nozione biologica di pulsione a favore di una costruzione sociale della sessualità all’interno della quale tutti gli orientamenti sessuali (e tutte le identità sessuali) coesistono equamente in termini di possibilità culturali. Alcuni neologismi che vogliono forzatamente definire la diversità, sotto la copertura dell’inclusività e della lotta contro l’esclusione e la discriminazione, traspongono nel linguaggio la fluidità, neutralità o inclusività del genere che i suoi promotori assegnano ai corpi. Da un errore di fatto creano un abuso di linguaggio. Ma “dare un nome sbagliato alle cose non fa che aumentare la sfortuna del mondo”, come diceva Albert Camus.

Recentemente mi è stato comunicato un esempio particolarmente preoccupante. Nel corso di una manifestazione femminista, la parola è stata data a due donne iraniane venute in Europa per denunciare la violenza di cui sono vittime da parte degli uomini nel loro Paese. Al termine del loro intervento, sono stati attaccati da persone trans che li hanno criticati per l’uso dei termini… “uomini” e “donne” che ripetono (e addirittura sottolineano) l’insopportabile e intollerabile binario sessuale che combattono.. .

Può la legittima e necessaria lotta per i diritti delle donne servire da cavallo di Troia per idee che, sotto la copertura di tali intenzioni, contribuiscono alla dissoluzione della loro identità? La lingua e il linguaggio dovrebbero subire un destino simile? La Storia stessa dovrebbe essere riscritta dal punto di vista (moralizzante) di principi che negano la realtà del tempo e la trasformazione delle mentalità a seconda delle epoche e delle culture? Ciò è tanto rilevante quanto accusare Leonardo da Vinci di non essere mai stato in grado di usare un computer.

In ognuno di questi casi, cosa si fa con il terzo, colui che nel suo corpo, nei suoi sentimenti, nel suo sistema di rappresentazioni, nel suo linguaggio o nel suo tempo (se prendiamo la Storia) giustifica le cose in modo diverso?

Nessuna violenza è tollerabile; ciascuno va combattuto, sia quello fatto alle donne o ai rappresentanti delle diverse minoranze (etniche, culturali, sessuali, ecc.), ma anche quello che distrugge lo spazio della conoscenza comune e dell’incontro tra gli esseri umani in nome di una convinzione contemporanea stabilito come dogma o virtù universale.

Se non viene incanalata dalla ragione, l’identità della vittima e la comunitarizzazione del pensiero che l’accompagna, nell’impulso di riparazione che la trasporta, esercita inevitabilmente violenza sul pensiero, sul linguaggio, sulla verità, sulle persone e sullo spazio collettivo. Queste teorie non avanzano attraverso l’esattezza delle argomentazioni che producono ma solcano il loro solco grazie al senso di colpa che diffondono, o anche, come nell’esempio delle due donne iraniane, attraverso la denuncia e la dequalificazione di chi utilizza un modo di pensare o parlare ritenuti impropri o offensivi. Per evitare di produrre connotazioni di genere errate o offensive (deducendo l’identità delle persone in base al loro aspetto), alcuni oggi sostengono l’uso di ulteriori pronomi al posto di “lui” o “lei” in assenza di termini più specifici informazioni fornite dalla persona stessa sulla propria identità di genere. Volere evitare una violenza equivale a volte a produrne un’altra, a volte peggiore. La condanna di individui accusati di “misgendering” nei confronti dei loro simili segna, tra gli altri segni, un ritorno alle ore più buie di un totalitarismo di tipo religioso la cui portata, natura e fondamenti sfuggono a coloro che adottano tali codici. Politicamente marcato a sinistra, questo pensiero, attraverso gli eccessi che produce, gioca anche – inconsapevolmente – il ruolo dell’estrema destra, che sguazza essa stessa nelle sue ossessioni identitarie. Quando non ci basiamo più sui fatti, quando non possiamo più pensare insieme, inevitabilmente invochiamo l’ideologia. Sappiamo a cosa porta.

L’eccessiva virtù (autoproclamata) e l’ideologia arrogante spesso portano a risultati non virtuosi e ingiustificati. George Orwell, in un celebre passo della Fattoria degli Animali, ci metteva tuttavia in guardia: “Fuori, gli occhi degli animali andavano dal maiale all’uomo e dall’uomo al maiale, e ancora dal maiale all’uomo ma già era impossibile distinguere l’uno dall’altro.»

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