EXAGERE RIVISTA - Gennaio-Febbraio 2024, n. 1-2 anno IX - ISSN 2531-7334

Se dire adieu: la condition pour accéder à une vraie présence à soi-même

de Gianfranco Brevetto

(versione italiana in fondo)

Toute rupture est toujours une lacération, pas une coupure nette. L’adieu n’est pas un détachement mais une sorte de blessure dont il reste toujours une trace. Claire Marin, philosophe française, nous propose un essai qui touche à la vie de chacun et qui traite de cette question délicate et peut-être même reléguée à la seule sphère des sentiments. La fine degli amori, éditée en Italie par Einaudi, a obtenu le prestigieux Prix des Savoirs en 2019. Nous remercions l’auteure pour l’honneur qu’elle nous a accordé avec cette interview.

-Notre vie est faite de ruptures, nous sommes tous exposés à ces lacérations, à cette douleur, un risque constant que nous courons et auquel nous ne nous habituons jamais. Les ruptures nous appartiennent en quelque sorte, elles nous habitent. Qu’est-ce que cela signifie de dire adieu?

-Oui, nous sommes tous exposés au risque de la rupture, parce que nous sommes mortels et nous connaîtrons des deuils et des pertes, parfois irréparables. Parce que les évènements politiques, climatiques ou économiques peuvent nous obliger à fuir, à émigrer. Mais aussi parce que rompre est aussi parfois une manière de s’affirmer, de se révéler tel qu’on est intérieurement, de développer des capacités qui sont censurées ou étouffées par notre milieu d’origine. Dans ce cas, la rupture est libératrice et parfois même vitale. Dire adieu, c’est parfois la condition pour accéder à une vraie présence à soi-même, à une forme d’authenticité. Mais comme vous le dites aussi, la séparation n’est sans doute jamais franche et il reste quelque chose en moi, souvent, des liens antérieurs. Il reste le souvenir ou la présence de ceux qui nous ont quittés, image rassurante ou nostalgique qui nous habite lorsqu’il s’agit d’êtres chers. En ce sens, certains adieux ne se font jamais.

-Dans cet intéressant essai vous écrivez aussi sur la fidélité, l’impossibilité d’être fidèle, elle devient parfois comme une corde autour du cou. Que se passe-t-il et pourquoi ?

-Lorsque la fidélité à sa famille ou à son conjoint ou sa conjointe nous empêchent d’être de manière sincère, lorsqu’elle constitue comme un carcan dans lequel je me sens enfermé, elle n’est plus fidélité à proprement parler mais simulacre de fidélité. C’est une fidélité vide, si l’on peut dire, une fidélité morte, qui n’est plus habitée sincèrement par le sujet. Cela peut être simplement lié à l’évolution intérieure d’un individu qui n’est plus en accord avec les valeurs dans lesquelles il a pu être éduquées ou dont les aspirations ne sont plus compatibles avec sa vie conjugale.La fidélité présuppose un ajustement constant des uns et des autres, c’est pour cela qu’elle est si difficile, elle nécessite une grande attention à l’autre et une écoute fine de ses désirs tout en essayant de les conjuguer avec les siens. Mais lorsque la fidélité à l’autre devient un mensonge à soi-même ou un renoncement, elle n’est plus tenable. On finit toujours par reprocher à l’autre ce qu’il nous a obligé à sacrifier, d’une manière ou d’une autre.

-Parmi les ruptures les plus douloureuses se trouve celle due à l’échec amoureux. Cela produit un choc profond. Qui devenons-nous lorsque nous cessons d’être aimés ?

Nous avons parfois l’impression de n’être plus personne. Il est frappant de voir dans la littérature ou au cinéma la répétition de  l’image du déchet, du rebut, de quelque chose que l’on jette, d’un papier que l’on froisse. C’est comme si nous perdions toute valeur en étant  “rejeté” par l’autre. Nous perdons en tout cas une part de notre identité, celle qui s’inscrivait dans cette relation et s’en nourrissait. On regrette la personne que l’on était avec l’autre qui pouvait exalter des aspects de notre personnalité qu’on ne parvient plus à manifester dans la solitude. Mais la rupture est aussi un choc quand elle nous révèle, parfois rétrospectivement, à quel point la relation antérieure pouvait nous limiter, alors même que nous n’en avions pas conscience. Elle peut donc être extrêmement douloureuse et pourtant, avec du recul, elle paraîtra nécessaire et libératrice.

-Parfois, dans notre existence nous souffrons aussi une sorte de malaise profond, celui de ne pas se sentir soi même, celui de ne pas adhérer à ce que l’on voudrait être. Est-ce aussi une séparation ? De quoi s’agit-il?

-On peut avoir ce sentiment d’être divisé ou de passer à côté de sa vie. On retrouve la question de l’authenticité évoquée plus tôt. Suis-je moi-même dans cette existence qui est devenue la mienne ou me suis-je éloigné(e) de celle ou celui que j’espérais être ? Dans la Femme gelée, Annie Ernaux dit bien, dès le titre de cet ouvrage, à quel point un individu peut se sentir vidé de tout élan vital lorsqu’il se sent piégé dans une vie où rien de réellement personnel ne peut s’exprimer, en l’occurrence la vie domestique. A cette division intérieure répond alors le désir d’une rupture physique, matérielle avec ce contexte qui nous consume à petit feu. Il peut s’agir de reprendre une activité professionnelle ou de se défaire d’un cadre qui nous encercle dans une identité étrangère à celle que nous désirons.

-La rupture la plus redoutée est celle de la mort, surtout de ses proches. Des détachements auxquels nous ne croyons pas pouvoir survivre. Pourtant, nous devenons des survivants. Sommes-nous vraiment condamnés à une séparation progressive à une solitude en tant que vivants? Ces séparations sont elles, en effet, à la base de la construction de notre identité?

-Oui, la perte des proches aimés est sans doute une rupture très douloureuse, mais certaines séparations amicales, familiales ou amoureuses sont parfois, si l’on peut dire, “pires” que des deuils, lorsque celui qui nous quitte le fait volontairement, reniant parfois ce que cette relation a été et continue à être à nos yeux. Aux deuils en effet nous pouvons survivre et c’est même parfois presque incompréhensible de revenir à l’élan de la vie sur les ruines d’une catastrophe intime. Cela pose d’autres questions de loyauté : puis-je aimer de nouveau, puis-je ressentir de la joie malgré le chagrin sans trahir ? L’avancée dans la vie nous oblige à tresser ensemble la tristesse de la perte et la joie d’être encore vivant.

Je ne pense pas que cela condamne à la solitude, les liens se tissent à n’importe quel âge, si nous avons encore l’energie nécessaire pour aller vers les autres. C’est peut-être aussi à la société de produire ces occasions de rencontres, entre les individus et les générations.

Ces séparations sans doute participent à notre construction au sens où elles laissent des traces et nous interrogent, parfois douloureusement, sur la puissance des liens dans notre définition et notre devenir.


Claire Marin
La fine degli amori
E altri addii che trasformano la nostra vita

Einaudi, 2023


Dirsi addio: la condizione per accedere a una vera presenza a se stessi

di Gianfranco Brevetto

Ogni rottura è sempre una lacerazione, non un taglio netto. L’addio non è mai un distacco ma una specie di ferita di cui c’è sempre traccia. Claire Marin, filosofa francese, ci propone un saggio che tocca la vita di tutti e che affronta questa questione delicata e forse ancora relegata alla sola sfera dei sentimenti. La fine degli amori, edito in Italia da Einaudi, ha ricevuto nel 2019 il prestigioso Prix des Savoirs. Ringraziamo l’autrice per l’onore che ci ha concesso con questa intervista.

– La nostra vita è fatta di rotture, siamo tutti esposti a queste lacerazioni, a questo dolore, un rischio costante che corriamo e al quale non ci abituiamo mai. Le rotture in un certo senso ci appartengono, ci abitano. Cosa significa dire addio?

-Sì, siamo tutti esposti al rischio di rottura, perché siamo mortali e sperimenteremo lutti e perdite, a volte irreparabili. Perché eventi politici, climatici o economici possono costringerci a fuggire, a emigrare. Ma anche perché la rottura a volte è anche un modo per affermarsi, per rivelarsi come si è interiormente, per sviluppare capacità censurate o soffocate dal nostro ambiente originario. In questo caso la rottura è liberatoria e talvolta anche vitale. Dirsi addio a volte è la condizione per accedere a una presenza reale a se stessi, una forma di autenticità. Ma come dice anche lei, probabilmente la separazione non è mai chiara e, spesso, rimane qualcosa in noi dei legami precedenti. Rimane il ricordo o la presenza di chi ci ha lasciato, un’immagine rassicurante o nostalgica che vive in noi quando si tratta di persone care. In questo senso, certi addii non accadono mai.

-In questo interessante saggio lei scrive anche sulla fedeltà, sull’impossibilità di essere fedeli, a volte la fedelta diventa come una corda al collo. Cosa succede e perché?

-Quando la fedeltà alla propria famiglia o al proprio coniuge ci impedisce di essere sinceri, quando costituisce come una camicia di forza in cui mi sento rinchiuso, non è più fedeltà propriamente detta ma simulacro di fedeltà. È una fedeltà vuota, per così dire, una fedeltà morta, che non è più sinceramente abitata dal soggetto. Ciò può semplicemente essere correlato all’evoluzione interiore di un individuo che non è più conforme ai valori con cui è stato educato o le cui aspirazioni non sono più compatibili con la sua vita coniugale. La fedeltà presuppone un costante adattamento reciproco, per questo è così difficile, richiede grande attenzione all’altro e attento ascolto dei suoi desideri cercando di coniugarli con i propri. Ma quando la fedeltà all’altro diventa una menzogna a se stessi o una rinuncia, non è più sostenibile. Finiamo sempre per incolpare l’altro di ciò che ci ha costretto a sacrificare, in un modo o nell’altro.

-Tra le rotture più dolorose c’è quella dovuta al fallimento in amore. Questo produce uno shock profondo. Chi diventiamo quando smettiamo di essere amati?

-A volte ci sentiamo come se non fossimo nessuno. Colpisce vedere nella letteratura o nel cinema la ripetizione dell’immagine dello scarto, del rottame, di qualcosa che si butta via, di una carta che si accartoccia. È come se perdessimo ogni valore essendo “rifiutati” dall’altro. In ogni caso, perdiamo parte della nostra identità, quella che era parte di questa relazione e da essa era nutrita. Rimpiangiamo la persona che eravamo con l’altro che poteva esaltare aspetti della nostra personalità e che non riusciamo più a manifestare in solitudine. Ma la rottura è anche uno shock quando ci rivela, a volte retrospettivamente, quanto la relazione precedente potesse limitarci, anche se non ne eravamo consapevoli. Può quindi essere estremamente doloroso eppure, col senno di poi, sembrerà necessario e liberatorio.

-A volte, nella nostra esistenza, soffriamo anche di una sorta di disagio profondo, quello di non sentirci noi stessi, quello di non aderire a ciò che vorremmo essere. È anche una separazione? Di cosa si tratta?

-Puoi avere questa sensazione di essere diviso o di perdere la propria vita. Torniamo alla questione dell’autenticità menzionata in precedenza. Sono io stesso in questa esistenza che è diventata mia o mi sono allontanato da chi speravo di essere? Ne La Femme gelée, Annie Ernaux dice bene, fin dal titolo di quest’opera, fino a che punto un individuo possa sentirsi svuotato di ogni slancio vitale quando si sente intrappolato in una vita dove nulla di veramente personale può essere espresso, in questo caso la vita domestica. A questa divisione interiore risponde poi il desiderio di una rottura fisica, materiale con questo contesto che ci consuma poco a poco. Può trattarsi di riprendere un’attività professionale o liberarsi da un quadro che ci circonda in un’identità estranea a quella che desideriamo.


Claire Marin
La fine degli amori
E altri addii che trasformano la nostra vita

Einaudi, 2023

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