EXAGERE RIVISTA - Maggio-Giugno 2025, n. 5-6 anno X - ISSN 2531-7334

Se libérer de ses origines. Interview à Isabelle Duret

par Gianfranco Brevetto

(FRA/ITA traduzione in fondo)

Daniel, 14 ans, voulait trouver une vraie famille, une bonne généalogie, échapper à ses origines. La mère d’Oscar, elle, s’est faite toute seule : elle ne doit rien à personne et ses enfants doivent faire la même chose. 

Pourquoi a-t-on peur de transmettre ? Pourquoi, aujourd’hui, veut-on se libérer de ses origines ? Pourquoi les mécanismes de transmission sont-ils tombés en crise dans notre société contemporaine?

Isabelle Duret, professeure de psychopathologie à l’Université libre de Bruxelles, où elle dirige le service de psychologie du développement et de la famille, est l’auteure d’un précieux ouvrage, La peur de transmettre, récemment paru aux Éditions érès. Dans ce livre, grâce à ses expériences de formatrice et de psychothérapeute, elle approfondit ce thème central dans les relations quotidiennes.

– Nous vivons dans un contexte où il nous semble que nous pouvons tout choisir. On est libres de nos choix et de recommencer à notre guise. Est-ce vraiment possible ?

Je pense que la liberté de choisir est une conception qui a émergé dans notre monde occidental néo-libérale occidentale, en perte de limite et de repère. Cette idéologie du choix s’est renforcée avec l’hyperindividualisme, l’hypernarcissisme, l’hyperconsommation au point d’influencer nos modèles éducatifs. Elle peut nous conduire à éduquer nos enfants en nous gardant de nous offrir en modèles, en estimant qu’ils ont en eux – dès la naissance- le potentiel pour faire leur propre choix. Je me promène souvent sur d’autres continents, dans des sociétés plus collectivistes notamment en Amérique latine ou en Afrique du Sud-Ouest, et je n’y ai jamais rencontré ce type de représentations Certains parents chez nous se considèrent moins comme ayant quelque chose à transmettre à leurs enfants que comme des accompagnateurs ou des révélateurs d’individus libres et indépendants. Cela peut poser des problèmes voire être extrêmement anxiogène, car la liberté ne peut être définie comme le droit de faire ce qu’on veut quand on veut. Nous sommes tous confrontés à des contraintes à commencer ceux de notre corps. Le fait que l’on est déterminé au -delà des éléments biologiques, par sa culture, son éducation, son époque, son histoire de vie, est bien réel. Mais tout se passe comme si nous préférions ne plus y réfléchir. Une personne peut se penser libre autonome, indépendante, mais sa faculté de choisir repose en fait sur une série de dépendances. Quand on rend invisible ces dépendances pour nous-même ou pour nos enfants, cela peut poser problèmes. On devient alors prisonnier de l’idéologie du choix. 

-Pourquoi cette peur de transmettre ?

-Su base de mon experience de psychothérapeute systémique avec des individus, des couples et des familles je me suis aperçue que la méfiance et la peur était souvent présente quand il était question des héritages familiaux. Je ne parle pas des héritages matériels (biens et possessions) mais plutôt des biens immatériels comme les valeurs, les croyances, les souvenirs, les récits, qu’on peut véhiculer d’une génération à l’autre. J’ai donc eu envie de comprendre d’où venait cette peur d’hériter ou de transmettre qu’on trouve chez les jeunes aujourd’hui et parfois aussi chez les moins jeunes. Comme vous le savez la natalité est en chute libre dans nos pays européens et en Italie comme en Espagne, vous faites partie du peloton de tête, après la Suisse, la France la Belgique. Statistiquement donc, on constate que cela ne semble plus du tout évident de devenir parents. Les causes sont multifactorielles bien sûr mais ce qui m’a frappé c’est que la peur d’engendrer pouvait relever de la crainte de transmettre elle-même liée à des évènements douloureux. La clinique nous a appris que l’inquiétude est plus présente encore pour ceux ou celles qui, sur le plan familial, n’ont eu que peu d’éléments susceptibles d’éclairer leur passé. Sans accès au passé, en effet, et à fortiori sans repères, il est extrêmement compliqué de se projeter dans un futur à construire sans y associer un danger.

J’ai découvert que cette peur de transmettre pouvait être causée par des événements traumatiques situés dans l’expérience personnelle, l’histoire familiale ou la culture dont les patients sont issus. Ceux qui en sont l’objet n’ont pas toujours vécu eux-mêmes les traumatismes mais peuvent avoir hériter de la peur associée à ceux -ci. Il est fréquent de voir des parents mettre parfois beaucoup d’énergie à protéger leurs enfants d’un héritage traumatique. L’exploration des mythes contemporains et du contexte qui les a vu émergé permettent de comprendre la frilosité avec laquelle les jeunes générations envisagent l’idée d’être parents dans un monde individualiste, gazeux et chaotique. 

-Vous écrivez : « Engendrer, se reproduire, c’est passer du statut d’adulte à celui de parent… c’est renier la mort, ou plutôt la transcender en devenant capable de se projeter dans sa propre descendance. » D’où vient alors cette logique d’autoengendrement ?

-Je l’ai découverte avec surprise chez certains individus ou couples qui ne souhaitait pas que leurs enfants héritent de leur passé traumatique. Chez eux ce qui est transmis est paradoxalement le fait qu’il ne faut pas transmettre. C’est une logique de filiation qui consiste à encourager ses enfants- quand on en a – à se faire tous seuls. Je l’ai observé chez Daniel, 14 ans, qui voulait trouver une vraie famille, une bonne généalogie, pour échapper à ses origines. Il se vivait comme un premier maillon d’une génération spontanée. On peut en voir la trace aussi chez la maman d’Oscar qui dit de son adolescent : « moi à son âge, je n’attendais rien de personne, j’étais fière de ne pas compter sur mes parents, je me suis faite toute seule et j’attends de lui la même chose ». Ce qui est intéressant c’est qu’on ne peut pas ne pas transmettre. Sans le savoir ces parents qui veulent rompre la chaîne de la transmission tentent de se libérer d’un passé traumatique. Ils protègent leurs enfants alors que nous aurions tendance à les considérer comme de « mauvais parents », absents ou négligents.

-Pourquoi, parfois, faut-il échapper à son histoire pour survivre aux traumatismes ? 

-Le problème est que le fait même de vouloir s’extraire de son histoire peut mener à la répéter. Effacer les traces du passé douloureux apparait clairement comme une tentative de solution pour survivre ou contourner les traumatismes. Or c’est une fausse solution qui maintient le problème voire l’aggrave. Comme dirait le psychiatre Paul Watzlawick, le problème, c’est la solution ! Nous vivons dans un contexte sociétal où les tragédies du passé deviennent tellement impensables qu’on préfère les dénier ou tenter d’en effacer les traces. Or on le sait, plus on essaye d’en effacer les traces, d’oublier l’histoire, plus on risque de répéter le passé. Je me suis rendu compte que c’est ce qui se passaient également dans les familles qui peuvent avoir un vécu d’enchainement inéluctable au passé. C’est ce qui m’a amené à me pencher sur les manières de sortir de cette impasse.

Et enfin, précisément, quels sont, dans ces cas-là, les outils à la disposition du psychothérapeute ?

-Jusqu’à récemment, les psychotraumatismes et leur impact sur les générations suivantes étaient méconnus. Heureusement les connaissances en matière de PTSD ont beaucoup progressées ces deux dernières décennies et les psychothérapeutes qui se spécialisent en psychotraumatisme sont de plus en plus nombreux. On sait aujourd’hui que le corps garde des traces traumatiques et une mémoire qui imprègne nos émotions. Ce qui veut dire que le fait d’essayer d’oublier le traumatisme ou de l’occulter n’empêche pas le corps de s’en souvenir. Ce qui entraîne des changements physiologiques avec une augmentation, par exemple des hormones du stress et des modifications dans la manière dont notre cerveau traite les informations.  Nous avons, en tant que psychothérapeute, intégrés beaucoup de nouvelles connaissances grâce aux neurosciences, et nous avons aujourd’hui des dispositifs thérapeutiques, des approches et des outils qui nous permettent d’explorer et de transformer les héritages traumatiques. Si vous lisez mon livre, vous y trouverai des pistes thérapeutiques qui sont développées à partir d’exemples pour aider les personnes et les groupes à surmonter les traumatismes. Il s’agit aussi de sortir de la peur et des paradoxes qu’elle induit pour retrouver la capacité à transmettre et donc à recevoir et à vivre.

En tant qu’êtres humains, nous avons une extraordinaire capacité à souffrir mais aussi une capacité non moins extraordinaire à guérir. Pour cela, on a besoin d’outils pour éprouver que le danger est passé et qu’il est possible d’apprendre à vivre dans le présent et qu’à partir de notre histoire, on peut faire de notre passé une force et se réinventer.

Merci bien

***

Isabelle Duret

La peur de transmettre

Filiation et traumatisme

Éditions érès. 2025


Liberarsi dalle proprie origini. Intervista a Isabelle Duret

di Gianfranco Brevetto

Daniel, 14 anni, voleva trovare una vera famiglia, una buona genealogia, sfuggire alle sue origini. La madre di Oscar, invece, si è fatta da sola: non deve nulla a nessuno e i suoi figli devono fare lo stesso.
Perché abbiamo paura di trasmettere? Perché oggi vogliamo liberarci delle nostre origini? Perché i meccanismi di trasmissione sono entrati in crisi nella nostra società contemporanea?

Isabelle Duret, professoressa di psicopatologia all’Università Libera di Bruxelles, dove dirige il servizio di psicologia dello sviluppo e della famiglia, è autrice di un prezioso volume, La peur de transmettre (La paura di trasmettere), recentemente pubblicato da Éditions érès. In questo libro, grazie alla sua esperienza di formatrice e psicoterapeuta, approfondisce questo tema centrale nelle relazioni quotidiane.

– Viviamo in un contesto in cui ci sembra di poter scegliere tutto. Siamo liberi nelle nostre scelte e possiamo ricominciare a piacimento. È davvero possibile?
-Penso che l’idea della libertà di scelta sia una concezione emersa nel nostro mondo occidentale neoliberale, che ha perso confini e punti di riferimento. Questa ideologia del “tutto è possibile” si è rafforzata con l’iperindividualismo, l’ipernarcisismo e l’iperconsumismo, al punto da influenzare i nostri modelli educativi.
Può portarci a educare i nostri figli evitando di offrirci come modelli, pensando che abbiano – fin dalla nascita – il potenziale per fare le proprie scelte da soli.
Mi capita spesso di viaggiare in altri continenti, in società più collettiviste come in America Latina o nell’Africa sud-occidentale, e lì non ho mai incontrato questo tipo di rappresentazioni. Alcuni genitori da noi non si considerano portatori di qualcosa da trasmettere ai figli, ma piuttosto accompagnatori o facilitatori di individui liberi e indipendenti.
Questo può creare problemi, o addirittura essere fonte di grande ansia, perché la libertà non può essere definita come il diritto di fare ciò che si vuole, quando si vuole.
Siamo tutti soggetti a vincoli, a cominciare da quelli del nostro corpo. Il fatto che siamo determinati non solo da fattori biologici, ma anche da cultura, educazione, epoca storica e storia di vita è una realtà. Tuttavia, sembra che preferiamo non pensarci.
Una persona può credersi libera, autonoma, indipendente, ma la sua capacità di scelta si basa in realtà su una serie di dipendenze. Quando queste dipendenze diventano invisibili – per noi stessi o per i nostri figli – possono sorgere problemi. Si finisce per diventare prigionieri dell’ideologia della scelta.

Perché questa paura di trasmettere?
-In base alla mia esperienza di psicoterapeuta sistemica con individui, coppie e famiglie, mi sono accorta che diffidenza e paura sono spesso presenti quando si parla di eredità familiari.
Non parlo di eredità materiali (beni e possedimenti), ma di beni immateriali come valori, credenze, ricordi, narrazioni, che si possono trasmettere da una generazione all’altra.
Ho quindi voluto capire da dove venisse questa paura di ereditare o trasmettere, che si riscontra nei giovani oggi e a volte anche nei meno giovani.
Come sapete, la natalità è in crollo nei paesi europei, e in Italia come in Spagna siete in cima alla classifica, dopo Svizzera, Francia e Belgio. Statisticamente, dunque, sembra che diventare genitori non sia più così scontato.
Le cause sono ovviamente molteplici, ma ciò che mi ha colpito è che la paura di generare può derivare proprio dal timore di trasmettere qualcosa, legato a eventi dolorosi.
La clinica ci ha insegnato che l’ansia è ancora più forte per chi, sul piano familiare, ha avuto pochi elementi in grado di illuminare il proprio passato. Senza accesso al passato, e ancor di più senza punti di riferimento, è estremamente complicato proiettarsi in un futuro senza associarlo al pericolo.

Ho scoperto che questa paura di trasmettere può essere causata da eventi traumatici vissuti personalmente, nella storia familiare o nella cultura di origine dei pazienti.
Chi ne soffre non sempre ha vissuto direttamente il trauma, ma può aver ereditato la paura ad esso associata.
È frequente vedere genitori che mettono molta energia nel proteggere i propri figli da un’eredità traumatica.
L’esplorazione dei miti contemporanei e del contesto in cui sono emersi aiuta a comprendere la ritrosia con cui le nuove generazioni affrontano l’idea di diventare genitori in un mondo individualista, sfuggente e caotico.

Lei scrive: “Generare, riprodursi, significa passare dallo stato di adulto a quello di genitore… significa rinnegare la morte, o meglio trascenderla, diventando capaci di proiettarsi nella propria discendenza.” Da dove nasce allora questa logica dell’auto-generazione?
-L’ho scoperta con sorpresa in alcuni individui o coppie che non volevano che i propri figli ereditassero un passato traumatico. In loro, ciò che viene trasmesso è paradossalmente il messaggio che non si deve trasmettere nulla.
È una logica di filiazione che consiste nell’incoraggiare i figli – quando ci sono – a “farsela da soli”.
L’ho osservata in Daniel, 14 anni, che voleva trovare una vera famiglia, una buona genealogia, per sfuggire alle proprie origini. Si percepiva come il primo anello di una generazione spontanea.
Lo vediamo anche nella madre di Oscar, che dice del figlio adolescente: “Io alla sua età non mi aspettavo nulla da nessuno, ero fiera di non contare sui miei genitori, mi sono fatta da sola e mi aspetto da lui la stessa cosa.”
Ciò che è interessante è che non si può non trasmettere. Inconsapevolmente, questi genitori che vogliono rompere la catena della trasmissione stanno tentando di liberarsi di un passato traumatico. Proteggono i loro figli, anche se potremmo essere portati a considerarli “cattivi genitori”, assenti o negligenti.

Perché, a volte, bisogna sfuggire alla propria storia per sopravvivere ai traumi? Non è normale voler fuggire dalla propria storia, estraniarsene o cercare di cancellarla?
-Il problema è che proprio il voler sfuggire alla propria storia può portare a ripeterla.
Cancellare le tracce di un passato doloroso è chiaramente un tentativo di soluzione per sopravvivere o aggirare il trauma. Ma è una falsa soluzione, che mantiene il problema o addirittura lo aggrava.
Come direbbe lo psichiatra Paul Watzlawick: il problema è la soluzione!
Viviamo in un contesto sociale in cui le tragedie del passato diventano talmente impensabili che preferiamo negarle o cercare di cancellarne le tracce. Ma lo sappiamo: più si tenta di cancellare il passato, di dimenticare, più si rischia di ripeterlo.
Mi sono resa conto che questo accade anche nelle famiglie che vivono un senso di legame ineluttabile con il passato.
È questo che mi ha portata a riflettere sui modi per uscire da questa impasse.

E quali sono, in questi casi, gli strumenti a disposizione dello psicoterapeuta?
-Fino a poco tempo fa, i traumi psicologici e il loro impatto sulle generazioni successive erano poco conosciuti. Fortunatamente, le conoscenze sul PTSD sono molto progredite negli ultimi vent’anni, e sempre più psicoterapeuti si specializzano in psicotraumatologia.
Oggi sappiamo che il corpo conserva le tracce dei traumi e una memoria che impregna le emozioni.
Questo significa che cercare di dimenticare o rimuovere il trauma non impedisce al corpo di ricordarlo.
Ciò provoca cambiamenti fisiologici, come l’aumento degli ormoni dello stress e modifiche nel modo in cui il cervello elabora le informazioni.
Noi psicoterapeuti abbiamo integrato molte nuove conoscenze grazie alle neuroscienze, e oggi disponiamo di dispositivi terapeutici, approcci e strumenti che ci permettono di esplorare e trasformare le eredità traumatiche.
Nel mio libro troverete indicazioni terapeutiche sviluppate a partire da esempi concreti, per aiutare persone e gruppi a superare i traumi.
Si tratta anche di uscire dalla paura e dai paradossi che essa genera, per ritrovare la capacità di trasmettere – e dunque di ricevere e vivere.

Come esseri umani, abbiamo una straordinaria capacità di soffrire ma anche una capacità altrettanto straordinaria di guarire.
Per questo, abbiamo bisogno di strumenti per sperimentare che il pericolo è passato, che è possibile imparare a vivere nel presente e che, a partire dalla nostra storia, possiamo fare del nostro passato una forza e reinventarci.

– Grazie mille


Isabelle Duret
La peur de transmettre
Filiation et traumatisme
Éditions érès, 2025

Share this Post!
error: Content is protected !!