(FRA/ITA – traduzione in fondo)
de Thémélis Diamantis
Je sens que je suis libre mais je sais que je ne le suis pas (Emil Michel Cioran, De l’inconvénient d’être né).
Les doutes, c’est ce que nous avons de plus intime (Albert Camus, Carnets).
Il n’est pas certain que tout soit incertain (Blaise Pascal, Pensées).
Est-on libre de ses choix ? L’est-on davantage de ses héritages, de son identité ou de ses dépendances? Les choisit-on ou sommes-nous choisis, voire définis par eux ?
La seule chose certaine, concernant Zeno, est qu’il doute en permanence et à propos de tout … Veut-il se former à la chimie ou au Droit ? Veut-il fumer ou cesser de le faire, en sachant par ailleurs que son père « fumait du matin au soir » ? En parlant de ce dernier, voulut-il être un bon fils pour lui alors que leurs « rapports étaient difficiles », chacun semblant douter de l’autre ? Zeno dit : « Il fut le premier à douter de mon énergie et il en douta, me semble-t-il trop tôt. Je soupçonne (…) qu’il doutait aussi de moi parce que c’était lui qui m’avait fait : (…) cela contribuait à augmenter ma défiance à son égard ».
Éprouva-t-il de l’animosité envers Olivi, l’employé que son père jugea plus capable que son propre fils, et auquel il confia ses affaires à sa mort, faisant de Zeno un simple rentier ? Admira-t-il Giovanni, son beau-père, lequel (comme le père de Zvevo) s’intéresse surtout à la marche de ses affaires, sans porter à Zeno une grande estime ou une affection débordante ? Voulut-il trouver un substitut paternel en lui … au point de vouloir en épouser l’une des filles (au final, peu importe laquelle…) ? Quels étaient ses sentiments pour Guido, son beau-frère qui jouait mieux du violon que lui et surtout qui avait su conquérir le cœur de la femme qu’il aimait alors (Ada) ? Souhaita-t-il réellement la mort de celui-ci ? Rechercha-t-il son amitié ? Tenta-t-il de servir ses intérêts ? Sur un plan connexe, voulut-il s’engager amoureusement auprès de Ada ? d’Alberta ? d’Augusta (qu’il finit par épouser, alors qu’elle ne lui semblait pas belle, et dont il demanda la main le soir-même où ses deux autres sœurs avaient décliné sa demande en mariage), ou de Carla, dont il avait fait un temps sa maîtresse ? Et encore, cette valse des indécisions ou des choix par défaut de Zeno n’est-elle pas exhaustive…Pour tenter une question générale, toutes ces personnes sont-elles des individus réels dont la vie aurait fait pour Zeno de possibles partenaires ou les personnages d’un scénario intime dont il attendrait la solution aux doutes qui l’habitent?
Ses incertitudes à répétition conduisirent vraisemblablement Zeno à entreprendre une psychanalyse avec le Docteur S. Tout, pourtant séparait les deux hommes ; Zeno continuait à vivre dans le doute face aux choix auxquels l’existence le confrontait, alors que son psychanalyste trouvait le sens de chacune des hésitations de son patient dans un unique principe explicatif : le Complexe d’Oedipe dont celui-ci serait affecté. En développant cette piste théorique (car de tels aspects ne figurent pas d’eux-mêmes dans le texte), le Docteur S. situerait donc l’origine des problèmes de son patient sur le plan du versant inconscient de sa sexualité, dont les conséquences seraient rendues visibles sur celui de l’action, du faire, de l’agir : Zeno, en bon névrosé, ne pourrait produire des choix, car cela équivaudrait à faire usage de ses moyens (son phallus) pour s’engager, sur la base de son désir, en direction d’un but ; l’idée d’un tel engagement – fût-il inconscient – « dans » la mère, a fortiori en ayant écarté le père en tant que rival, produirait le conflit psychique qui maintiendrait Zeno dans le spectre d’une indécision généralisée, comme englué dans son désir inconscient et l’interdit moral qui l’accompagne. Pourquoi pas…
Plusieurs commentateurs, pourtant, parmi lesquels Francesco Ardolino et Anne-Cécile Druet (« La psychanalyse racontée par Italo Svevo » in Savoirs cliniques, 2005/1 (n°6), pp. 75-80), en plus de dénoncer la sauvagerie interprétative dont fait preuve le Docteur S., voient la présence de la psychanalyse dans La conscience de Zeno, non comme une tentative de description clinique mais comme un témoignage littéraire – en l’occurrence peu flatteur – portant sur les théories freudiennes émergentes dans les cercles intellectuels de l’époque.
Je rejoins d’autant plus volontiers le point de vue de ces auteurs que Svevo n’est pas psychanalyste (même s’il a lu Freud, et même, semblerait-il, entrepris autour de 1915 une traduction en italien de la Traumdeutung) et que Zeno autant que son psychanalyste appartiennent à l’imaginaire littéraire de leur auteur. C’est précisément le point autour duquel il me semble intéressant de convoquer à nouveau la psychanalyse, non plus sur Zeno mais sur Svevo lui-même, non sur les possibilités d’action (les choix) du personnage mais sur l’être de son auteur, plus particulièrement sous l’angle de sa construction identitaire propre, des fondations psychiques, familiales et sociohistoriques qui composent l’histoire de vie de Svevo, dans la multiplication et la complexité des luttes et des enjeux qui la traversent. La psychanalyse d’ailleurs le sait bien : dans la construction du sujet, la question du « qui suis-je ? » précède, bâtit et éclaire celle du « comment puis-je agir ? ». Pour faire, il faut d’abord être. C’est pourquoi je chercherai à mettre en perspective la question des doutes et des (non-) choix de Zeno depuis celle des fondations identitaires de Svevo.
J’avancerai ainsi quelques hypothèses croisées sur Zeno et son auteur, mettant ouvertement mes pas dans ceux de James Joyce – ami et un temps professeur d’anglais de Svevo à Trieste – qui s’inspira de ce dernier pour le personnage de Leopold Bloom, pris entre les feux de sa culture juive d’origine et celle adoptée du christianisme – dans son chef-d’œuvre Ulysse (paru sous forme de feuilleton entre 1918 et 1920, puis sous forme de publication intégrale en 1922).
Ceux qui ont l’habitude de me lire ou de suivre mes cours le savent : je n’ai que peu de goût pour la psychanalyse appliquée. Pour m’en expliquer brièvement, je considère qu’elle produit bien souvent des lectures à la fois trop générales et trop réductrices (ce qui est tout sauf un paradoxe…), privilégiant une interprétation s’appuyant sur les données théoriques de la psychanalyse au détriment d’une compréhension plus fine des individus singuliers et de la dynamique intersubjective qui relie les patients à leurs analystes sur le plan clinique.
Ma proposition se veut donc prudente, s’appuyant sur certains faits biographiques avérés concernant Svevo pour les mettre en résonance avec des éléments choisis du roman, appréhendés sur le modèle de la parole et des libres associations d’un patient en analyse. J’avancerai simplement l’hypothèse que l’inconscient de l’auteur est au travail dans son roman, dans le but de chercher à éclairer les indécisions de Zeno depuis la question identitaire du romancier. Je me permettrai, dans ce but, de porter dans ma conclusion un œil en direction des travaux de Jacques Lacan, à titre de simple proposition théorique. Je m’appuierai à cet effet notamment sur l’article de Jean-Pierre Cléro, « Concepts lacaniens » in Cités, 2003 / 4 (n°16), pp. 145 – 158 et sur celui de Jean-Jacques Gorog, « L’identité est « de l’Autre » », in Champ lacanien, 2008 / 1 (N° 6), pp. 59 -65.
Il est parfois difficile de savoir ce que l’on veut quand son identité propre est construite sur un carrefour des langues, des religions, des identités nationales et des cultures que toutes produisent. Surtout quand elles se télescopent et parfois s’affrontent, comme l’Autriche et l’Italie, lors du Front italien dans les Alpes orientales, durant la première guerre mondiale, et dont la ville de Trieste (théâtre de La conscience de Zeno et lieu de naissance effectif de son auteur comme du père de celui-ci) constituait un enjeu géopolitique majeur, du fait notamment du débouché maritime que cette ville offre…
Dans Syllogismes de l’amertume (1987), Cioran (un philosophe et écrivain d’expression roumaine, devenu un auteur francophone à partir de 1949) écrit : « On n’habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c’est cela et rien d’autre. » Appliquée à lui-même, la formule de Cioran fait mouche. Se prête-t-elle de manière égale à Svevo, même s’il écrit en italien (au demeurant ponctué de nombreux empreints au champ lexical triestin) ? Combien de « patries », ce ressortissant autrichien jusqu’à ses 57 ans (devenu Italien en 1918 avec le rattachement de Trieste à l’Italie) habite-t-il, lui qui est né Aronne Ettore Schmitz, d’un père juif allemand (« assimilé », dira de lui son fils … ce terme, nous le verrons est riche de sens pour Svevo) fervent patriote … italien et admirateur de la culture … allemande et d’une mère italienne issue de la communauté juive de Trieste ? ; lui qui a fréquenté l’école hébraïque de sa ville natale, parlant à la maison l’italien et le dialecte triestin, qui a été envoyé durant cinq ans (initialement âgé de 12 ans) dans un internat en Bavière pour y apprendre – sur la volonté de son père – la langue allemande, qui en reviendra avec une admiration infinie pour Schiller avant de devenir un écrivain italien mais aussi – à la suite de la faillite de son père (notons que celle-ci faisait suite à celle de son grand-père avant lui et que ce thème de la faillite traverse La conscience de Zeno) – un employé de banque qui travaillera durant dix-huit ans pour celle-ci, avant de la quitter afin de rejoindre les affaires de son beau-père (là aussi, comme Zeno) et mener en parallèle une activité littéraire ? La fiction du roman croise la réalité de son auteur à chaque coin de rue…jusque sur la question du violon (Svevo s’y était mis sur le tard) et de la cigarette (grand fumeur lui-même, Zvevo en demanda une dernière, qui lui fut d’ailleurs refusée, sur son lit de mort, renforçant encore sa ressemblance avec le héros de son roman).
Agnostique, autant que son personnage, Svevo se convertira pourtant en 1898 – l’année de son mariage – au catholicisme. Même sur Dieu, pourtant, il hésite…Il est agnostique, non athée ; il se convertit mais n’adhère à aucune Foi ou à aucune doctrine religieuse ; il ne s’oppose d’ailleurs pas non plus à elles, préférant se tenir à distance des questions religieuses sous toutes leurs formes. À son enterrement, il ne réclamera aucune présence religieuse : ni prêtre, ni rabbin. Si son oeuvre ne fait pas référence au judaïsme, il laissera cependant par testament certains de ses biens à des associations caritatives, dont certaines sont juives, imitant à sa manière son père, Francesco, lequel était un membre bienfaiteur de la communauté juive de Trieste. Le corps de Zvevo, quant à lui, sera enterré dans le carré chrétien du cimetière … sur décision de sa femme. On se croirait dans un épisode de son roman… Sur des sujets qui le concernent au premier plan, Svevo prend-il lui-même des décisions ou d’autres décident-ils pour lui en fonction de leur propre carte du monde? C’est à se demander qui hésite le plus, Zeno ou Svevo, tant ce dernier semble chez lui partout et nulle part…autant que Zeno, dont l’histoire de vie épouse l’Histoire de la terre d’origine ainsi que les contours de la vie de son auteur. Quand de trop nombreuses identités se bousculent, il devient parfois difficile de faire des choix, entre elles et pour soi, en aval comme en amont.
Le nom de plume choisi par l’écrivain exprime tout autant le conflit qui découle de ce mélange des identités : il gomme le caractère trop germanique de son nom de famille (Schmitz) en même temps qu’il met fortement en avant, dans le prénom qu’il se donne, son identité italienne (Italo) … avant d’équilibrer (voire de contredire ?) ce mouvement par le choix du patronyme – Svevo – (littéralement « Souabe » en français ou « Schwäbisch », en allemand), en référence à cette région historiquement allemande dont est issue la famille de son père, comme une hésitation existentielle fondatrice ou un désir d’effacer et de surligner dans un même mouvement la figure ou la lignée paternelle. Zvevo semble ballotté entre deux langues, deux pays, deux religions, deux cultures … de la manière dont Zeno, dans les rapports difficiles qu’il entretient avec son père, ne sait s’il veut lui être fidèle (être et faire comme lui: dans sa Foi, ses affaires ou dans le fait de fumer) ou marquer une rupture avec ce dernier. C’est comme si l’hésitation identitaire de Svevo condamnait son personnage à subir le même sort que leur terre natale commune: assister impuissants à l’écriture par d’autres d’une histoire qui au fond est la leur (comme Zeno en fera encore l’amère expérience lors de sa dernière rencontre avec Ada).
Je pense que la conscience identitaire du personnage (et derrière elle, celle de Zvevo lui-même) est précisément celle occupant une place centrale dans le titre du roman.
Le prénom du personnage reflète tout autant cette incertitude de l’être et de l’action, tant il semble faire référence à Zénon d’Élée et à la célèbre flèche de son paradoxe tendant à prouver l’impossibilité du mouvement (en contradiction avec les faits empiriques … comme Zeno, qui atteindra sa « cible » en devenant, presque à son insu ou contre toute attente, « le meilleur homme de la famille » ?), ou à Zénon de Kition, fondateur du stoïcisme, qui invitait les hommes à faire preuve de sagesse en acceptant de se soumettre aux situations qui les dépassent. Svevo penserait-il que l’action est une illusion et l’inaction une vertu ?
À l’inverse de Pierre Mendès France, qui considérait que « gouverner, c’est choisir », Zeno choisit la plupart des fois de ne pas choisir, au risque de ne plus savoir ce qu’il veut, de s’empêtrer dans ses contradictions ou de voir les situations lui échapper ou se construire à son insu. N’arrivant pas à faire le tri ou pratiquer une organisation sélective (choisir, c’est renoncer, pour paraphraser André Gide) parmi l’ensemble des possibles qui le composent et ceux qui s’offrent à lui, Zeno semble gouverné par la vie plus qu’il ne gouverne la sienne.
Sur cette thématique centrale des identités et des choix, un point retient plus particulièrement mon attention: il me semble que Zeno attend des autres un regard sur lui qui lui apprendrait qui il est, lui conférerait sa place auprès d’eux, comme une validation qui libérerait l’espace de son action propre. Le regard de l’autre, en effet, l’obsède autant qu’il le détermine : que pensent de lui son père, les médecins, Ada, Augusta, leur mère, Giovanni, Carla, Guido, etc.? À la fin du roman, pour prendre un exemple, Zeno est effondré d’apprendre qu’Ada estime qu’il n’a pas été un beau-frère, un ami ou un associé loyal pour Guido. Ce qu’elle pense devient pour lui prioritaire sur ce que lui-même ressent pour Guido, le privant de tout espace pour apporter sa réponse aux accusations de sa belle-sœur. La parole et le regard des autres le privent des siens.
Tous ces tiers semblent à Zeno bâtis sur des fondations qui lui font défaut et qui leur octroient une autorité de jugement sur sa personne. Parallèlement, il ne cherche pas tant à leur ressembler, à vouloir imiter ce qu’ils font mais semble jalouser qui ils sont et les certitudes qu’ils en retirent.
On retrouve ce sujet de manière paroxystique sur la question de l’autorité, notamment dans le rapport du personnage aux figures masculines : son père, évidemment, mais aussi son psychanalyste, les divers médecins qu’il croise, son beau-père, son beau-frère, etc. Ces rapports traduisent à mes yeux non tant une rivalité inconsciente (au sens œdipien du terme) d’un fils envers son père mais une quête identitaire (conflictuelle ou ambivalente) dont il pense que ce tiers détiendrait la clef. On peut s’autoriser à penser ici que Svevo aurait initialement adressé (du moins inconsciemment) cette demande à son propre père.
L’attitude de Zeno à l’égard des tiers reste de ce fait marquée du sceau de l’ambivalence: au lieu de s’inspirer de leurs modèles (ou de les rejeter en référence à d’autres…), de s’appuyer sur eux, d’agir avec eux, il s’arrange toujours pour maintenir une différence de plan entre lui et les autres. Certaines fois, il s’installe dans une posture de soumission qu’il semble avoir initiée, comme ici: « Plutôt que d’en espérer des miracles, je courais à ces séances avec l’espoir de convaincre le docteur de me défendre de fumer. ». D’autres fois, il rend ceux qui exercent leur autorité responsables des conséquences de leurs choix, comme lors du décès de son père où il crie à l’oreille de celui-ci : « Ce n’est pas ma faute ! C’est ce maudit docteur qui voulait que tu restes allongé ».
Si la position de Zeno face au tiers est le plus souvent passive, c’est peut-être parce qu’il attend de son père qu’il lui montre la voie à suivre, qu’il soit le pourvoyeur d’une parole suffisamment structurante et organisatrice pour qu’il cesse lui-même de douter. Or ce père, « faible mais bon », comme Zeno le définit, ne semble pas à la hauteur d’un tel rôle, comme le montre l’exemple qui suit. Dans un passage du roman, le médecin venait d’interdire strictement à Zeno de fumer. On peut alors lire: « Quand le docteur fût parti, mon père (…) me tint un moment compagnie, un gros cigare aux lèvres. En me quittant, il passa doucement sa main sur mon front brûlant et me dit : – Défense de fumer, hein ! ». En systémique, on appelle cela une « double contrainte » (double bind).
C’est de ce père « faible et bon », que Zeno attend ce que celui-ci est bien incapable de lui fournir. En superposant ce qui appartient à Svevo et à son personnage, on pourrait dire que placé sur des fondations identitaires multiples et mouvantes ainsi que face à des modèles d’action contradictoires (fumer, est-ce bien ou mal ?), le fils se retrouvera à errer parmi ses doutes, examinant chaque possibilité avant de le faire de son contraire, pour n’en choisir finalement aucune et laisser les autres décider à sa place. Parfois, un père « faible et bon » ne suffit pas pour inscrire son fils sur le chemin de la vie…
Les représentants d’un pouvoir différent de celui du père – les personnes que Zeno rencontre sur le plan social notamment – sont pour lui des substituts incapables de remplacer l’original. On pourrait se demander, à ce propos, si Sigmund Freud (Juif mais incroyant, Autrichien et né en Moravie … une Terre souabe…) n’avait pas un temps aimanté l’intérêt de Svevo pour des raisons purement projectives plutôt que par intérêt pour sa découverte de la psychanalyse? Traduire Freud en italien pourrait ainsi se comprendre, de la part de Svevo, comme une tentative de réunir les langues, les cultures et les identités qui se bousculent en lui. Comme traducteur, Zvevo relie pour ne pas perdre; par superposition, il donne à entendre l’italien à partir de l’allemand, en y ajoutant sans doute inconsciemment aussi les questions de la judéité, de la foi, de l’autorité et de sa reconnaissance, etc. Comme son propre père, Svevo «assimile », inclut, superpose mais ne choisit pas. Opérer la traduction de la Traumdeutung, aurait alors pour lui plus de sens que le contenu du livre de Freud, comme s’il cherchait à réunir les pièces d’un puzzle identitaire personnel plutôt qu’à vouloir comprendre la proposition à laquelle conduit la pensée freudienne, une fois les éléments de celle-ci assemblés et assimilés (au sens de l’intégration et non de l’adaptation). Le livre de Freud ne pouvant évidemment pas mener Svevo vers la sortie du labyrinthe identitaire personnel dans lequel il se vit enfermé, il rejettera la psychanalyse et son auteur, comme Zeno le fait de son psychanalyste ou de divers autres médecins, continuant à chercher et amasser depuis d’autres supports les pièces de son puzzle imaginaire.
Un exemple de l’ensemble de ces problématiques est fourni par les ruminations hypocondriaques de Zeno au moment de comparer son attitude ou son opinion sur les thèmes de la foi, de l’autorité et de la santé à celles de sa femme :
« Le dimanche, elle allait à la messe. Je l’accompagnais quelquefois pour voir comment elle supportait les images de la douleur et de la mort. Mais ces images n’existaient pas pour elle, et de sa visite à l’église elle emportait de la sérénité pour toute la semaine. Elle allait encore aux offices certains jours de fête qu’elle connaissait par cœur et c’était tout. Si j’avais eu de la religion, moi, je serais resté à l’église toute la journée, afin d’être assuré de la béatitude éternelle.
Il y avait, là-bas aussi, un monde organisé d’autorités qui la déchargeait de toute inquiétude. D’abord l’administration autrichienne ou italienne qui assurait la sécurité des rues et des maisons et pour laquelle je m’efforçais de partager son respect. Puis, par exemple, les médecins. Ceux-ci ont fait régulièrement toutes les études requises pour vous assister et vous guérir, s’il arrivait, ce qu’à Dieu ne plaise, qu’il y eût à la maison quelque maladie. À cette autorité-là, j’avais recours chaque jour, elle jamais. Et pourtant je savais bien la chose affreuse qui arriverait quand la maladie mortelle m’aurait enfin saisi. Elle, au contraire, solidement étayée là-haut et ici-bas, ne doutait nullement, même alors, de se tirer d’affaire. »
Zeno, on le voit, vit dans le doute et la crainte car il ne peut s’en remettre à aucun tiers pour le sauver, l’assister ou le rassurer de manière suffisante. L’autorité des dignitaires religieux, des forces administratives autrichiennes ou italiennes, des médecins, etc. ne procure de confiance qu’à ceux qui la reconnaissent dans l’intimité familière qui les lie à celle-ci. Fréquentant les communautés plus qu’il n’en fait partie, Zeno ne peut rien attendre de l’autorité qui les régit ni bénéficier des avantages qui en découlent pour ses membres.
Même les conséquences, réelles ou fantasmées, découlant de ses actes semblent le renvoyer à son statut de marginal. La culpabilité, notamment, accompagne l’indécision du personnage: s’il ne fait aucun doute qui fut à l’initiative de sa relation hors-mariage avec Carla, cette dernière cohabite dans l’esprit de Zeno dans le binôme qu’elle compose avec sa femme, chacune aimantant son esprit quand il se trouve avec l’autre: « Là-même, à côté de Carla, je sentis renaître tout entier mon amour pour Augusta».
Zeno donne de lui l’impression d’un homme égaré sur un pont et qui pourrait d’autant moins se décider à en rejoindre l’autre rive … qu’il ne veut pas risquer d’en perdre une en atteignant l’autre. Voici un extrait associant les thèmes de la culpabilité, du choix, de l’angoisse de perte et du regard porté sur lui : « <Carla> – Je t’attendais. Tu étais le chevalier qui devait venir me délivrer. Évidemment, ce n’est pas bien que tu sois marié, mais comme tu n’aimes pas ta femme, je sais, du moins, que mon bonheur ne détruit pas celui d’un autre. (…) <Zeno> Je ne m’étais donc pas exagéré l’importance de mes paroles inconsidérées ! C’était bien mon mensonge qui avait décidé Carla à devenir ma maîtresse ! Si je lui parlais maintenant de mon amour pour Augusta, elle aurait le droit de me reprocher de l’avoir trompée». Sans vouloir perdre sa maîtresse, il produira pourtant les conditions qui précipiteront cette dernière dans les bras de son professeur de chant. Récoltant ce qu’il a semé, il imputera cependant à Carla la responsabilité de la rupture dont il estime être victime. À force de ne rien vouloir perdre, Zeno ne peut pas avancer dans la vie avec des tiers. L’autre, au fond, ne lui sert à rien, pas plus que lui-même d’ailleurs…
Tout le roman peut être vu comme la répétition du module dont nous venons de parcourir les grandes articulations. Comment peut-on le comprendre ? Sans vouloir proposer une lecture exhaustive du cas de Zeno à partir des travaux de Lacan – aussi car je n’en ai pas l’autorité et que ma pratique autant que mon engagement intellectuel sont freudiens – je trouve que le roman de Svevo offre une caisse de résonance intéressante aux théories nées de cet auteur.
S’inspirant de la notion freudienne de pulsion dont il entreprend l’étude depuis la vie du nourrisson, ainsi que de celle de l’objet transitionnel élaborée par Donald Winnicott, Jacques Lacan qualifie d’ « objet a » (lire « petit a ») l’objet générateur du désir. Celui-ci produirait ainsi le désir mais ne serait pas en capacité de le satisfaire, ni sur le plan physique, ni sur celui symbolique (du langage), car il ne trouve de support dans aucun objet physique et qu’il ne se confond pas non plus avec le désir lui-même. On trouverait à titre d’exemple une formidable illustration cinématographique de ce principe chez Luis Buñuel dans « Cet obscur objet du désir » (1977).
Lacan avance l’idée que le désir étant caché à la conscience – ce qui signifie également qu’il ne peut être symbolisé ou mis en mots – son objet traduit un manque à être, dont la mise à jour – par la cure psychanalytique – permettrait au patient de sortir de son aliénation. Cette dernière prendrait son origine dans la demande d’amour adressée à la mère par le nourrisson (dont elle seule pouvait en des temps évanouis être la dispensatrice), comme une plus-value aux soins maternels (notamment à la nourriture). Par la suite, cette demande se verrait adressée à un ensemble de tiers par le langage sans qu’aucun objet « réel » ne puisse correspondre à ce désir originel ou satisfaire ce dernier.
Le « manque à être » de Zeno se traduirait ainsi dans ses demandes (d’amour) à répétition envers des personnes, incapables de les combler. On connaît tous la célèbre définition que Lacan donne de l’amour : « c’est donner ce que l’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »…
S’il est évidemment possible d’imaginer – en suivant Lacan – que la mère primitive aurait incarné pour Zeno / Svevo cet objet archaïque perdu à jamais (dont ne subsisterait que la perte, le vide, l’absence ou le manque), je pense, pour ma part, qu’on trouve un duplicata significatif de ces questions du côté du père, autour des thèmes de l’identité et de la filiation comme prémisses à une possibilité d’action et de choix. De même, les aliénations de Zeno, et notamment sa dépendance au tabac, feraient partie de ce même cordon ombilical le reliant au mystère de ses origines, dont la perte autant que les symptômes qu’elle produit lui posent un sérieux problème. Couper ce cordon (par rapport à son père, en cessant de fumer, par exemple, ou en subissant la mort de celui-ci) équivaudrait en quelque sorte à mourir lui-même, d’autant que chaque choix qu’il pourrait produire est également vécu par le protagoniste du roman comme une perte, un renoncement, un éloignement et au final un engagement dans la mort (la perte de sa santé étant la grande peur de Zeno…). On pourrait énoncer le paradoxe qu’il ne vit pas (pour vivre, il faut faire des choix…) de peur de mourir. Si on suit Lacan, Zeno ne pourrait quitter le processus d’aliénation qu’en faisant sienne la vérité du manque indéfinissable produit par le début de vie. Autant dire qu’il en est loin…
Héritière de ses travaux sur le stade du miroir, la notion de « petit autre » – défini généralement comme « l’autre » (avec un a minuscule) – traduit chez Lacan l’image confondue avec la personne ; il est une réflexion (comme celle produite par le miroir) et une projection de l’ego. Il appartient au champ que Lacan qualifie d’imaginaire et participe aux identifications du sujet par les images et le langage servant à les désigner. Le « petit autre » se rencontre dans la fréquentation de ses semblables ; c’est l’autre, le tiers humain, comme généralement entendu en psychologie, dont Lacan dit qu’il est pris pour l’image qu’un sujet en perçoit. Magritte, avant Lacan, dans la série de tableaux intitulés « La trahison des images » (1928-1929) illustrait déjà habilement le piège auquel l’imaginaire nous expose.
Que reflète, par exemple, pour Zeno, son désir d’épouser une des filles de Giovanni Malfenti, alors qu’il n’en avait encore rencontré aucune ? Que sont-elles et qui sont-elles, ensemble et séparément, par-delà l’image qu’il se fait d’elles? À titre d’exemple, qui est réellement sa femme pour lui si l’on excepte le fait qu’elle dispose d’une bonne santé et qu’elle sait le rassurer à la manière d’une mère bienveillante? Peut-être pas grand-chose si l’on pense que le Symbolique (le langage) et l’Imaginaire font prendre la représentation pour le Réel.
Mais c’est surtout la notion de « Grand Autre » – noté généralement « Autre » (avec un A majuscule) – qu’il me semble intéressant de rapporter aux difficultés que Zeno rencontre.
L’Autre est l’ordre symbolique transcendant définissant le sujet, le lieu de la parole (là où le discours prend naissance), du signifiant, du manque à être. Il est l’espace dans lequel se constitue le sujet ; il ne se confond donc pas avec un quelconque tiers physique. Préexistant au discours des individus, il est le langage, en tant que structure symbolique essentielle, supérieure et antérieure à toute personne singulière dotée de parole. À l’inverse de l’autre, l’Autre ne participe donc pas à une subjectivation d’un sujet par l’entremise d’un tiers. Si le « petit autre » comme le « grand Autre » sont pour Lacan des instances auxquelles le sujet peut s’adresser en parlant, seul le second – l’Autre – disposerait pour le locuteur du pouvoir de réfuter ou de confirmer son discours. Ainsi quand Lacan écrit que « le désir de l’homme est désir de l’Autre », il souligne qu’à l’intérieur du désir figure le besoin d’être reconnu par l’Autre, c’est-à-dire d’être inscrit par celui-ci dans l’ordre du signifiant, du langage. Ne serait-ce pas ce qui tourmente la conscience de Zeno?
Ce dernier produirait ainsi, en suivant la métaphore lacanienne de la roue du moulin, un discours qui échappe à son locuteur autant qu’il l’expose à une frustration par l’objet de son désir lequel lui échappe tout autant. Il serait, comme chacun de nous, un moulin à paroles attendant de ses mots qu’ils atteignent un objet que lui-même n’identifie pas et qui en permanence se dérobe à son désir. Si, pour reprendre l’aphorisme célèbre de Lacan, « l’inconscient, c’est le discours de l’Autre », Zeno ne connaîtrait que l’autre (produit par l’imaginaire et assimilable par identification) mais pas l’Autre (lequel, s’inscrit dans une altérité radicale qui transcende l’imaginaire). Zeno attendrait de l’autre (du pair humain) une détermination identitaire que seul l’Autre pourrait lui offrir en le fixant dans son être par le langage et par la loi. L’Autre serait-il alors ce tiers par lequel Zeno attend d’être désigné pour se voir inscrit dans son identité? Serait-il cette instance dont il ne contesterait pas l’autorité, car elle serait absolue et non relative (comme celle que l’autre produit en tant que simple locuteur, ou dans le cadre de sa fonction)? L’Autre serait-il ainsi le véritable signifié des paroles de Zeno / Svevo? Un signifié à la fois inconscient (pour Zeno) et transcendant (en tant que tel) duquel Zeno attendrait son inscription radicale au-delà de toute relativité (des contextes ou des locuteurs)? Par-delà la figure du médecin et du fait de fumer (ou non), on pourrait entendre l’écho d’une telle demande dans cette phrase de Zeno qui sonne comme un espoir de délivrance: «le médecin m’ordonna de garder le lit et de m’abstenir de fumer : interdiction absolue. Je me rappelle ce mot : absolue ! »
Zeno o la coscienza identitaria tormentata si Svevo
di Thémélis Diamantis
Je sens que je suis libre mais je sais que je ne le suis pas (Emil Michel Cioran, De l’inconvénient d’être né).
Les doutes, c’est ce que nous avons de plus intime (Albert Camus, Carnets).
Il n’est pas certain que tout soit incertain (Blaise Pascal, Pensées).
Siamo liberi di scegliere? Vengono prima le nostre eredità, la nostra identità o le nostre dipendenze? Li scegliamo o siamo scelti da loro?
L’unica cosa certa di Zeno è che dubita sempre e su tutto… Vuole studiare Chimica o Giurisprudenza? Vuole fumare o smettere, sapendo che suo padre “fumava dalla mattina alla sera”? A proposito di quest’ultimo, voleva essere un buon figlio per lui quando il loro “rapporto era difficile” e ognuno sembrava dubitare dell’altro ? Zeno disse: “ Egli fu il primo a diffidare della mia energia e, – a me sembra- troppo presto. Epperò sospetto (…) egli dubitasse di me anche perché ero stato fatto da lui, ciò che serviva (…) ad aumentare la mia diffidenza per lui”.
Provava animosità verso l’Olivi, l’impiegato che suo padre riteneva più capace del proprio figlio, e al quale alla sua morte affidò i suoi affari, facendo di Zeno un semplice percettore di rendita? Ammirava Giovanni, suo suocero, che tuttavia non sembrava tenerlo in grande stima o affetto? Voleva trovare in lui un sostituto paterno… al punto da voler sposare una delle sue figlie (in fondo non importa quale…)? Quali erano i suoi sentimenti per Guido, suo cognato che suonava il violino meglio di lui e soprattutto che aveva conquistato il cuore della donna che amava allora (Ada)? Lo voleva davvero morto? Ha ricercato la sua amicizia? Faceva i suoi interessi? su un altro piano, voleva essere coinvolto sentimentalmente con Ada? Alberta? o di Augusta (che finì per sposare, sebbene non gli parve bella, e alla quale chiese la mano la sera stessa in cui le altre due sorelle avevano rifiutato la sua proposta di matrimonio), o di Carla, di cui era stato amante ? E ancora, questo valzer delle indecisioni o delle scelte predefinite di Zeno non è esaustivo… Per tentare una domanda generale, tutte queste persone sono individui reali le cui vite avrebbero reso possibili legami o immagini in uno scenario in cui Zeno attendeva di risolvere i suoi dubbi?
Le sue ripetute insicurezze probabilmente portarono Zeno a intraprendere la psicoanalisi con il dottor S. Tutto, però, ha separato questi due uomini; Zeno continuava a vivere nel dubbio di fronte alle scelte che l’esistenza gli poneva, mentre il suo psicoanalista trovava il senso di ogni esitazione del suo paziente in un unico principio esplicativo: il complesso di Edipo di cui sarebbe stato colpito. Sviluppando questo tracciato teorico (perché tali aspetti non compaiono da soli nel testo), il dottor S. collocherebbe quindi l’origine dei problemi del suo paziente sul piano del lato inconscio della sua sessualità, le cui conseguenze sarebbero rese visibili su quella dell’azione, del fare, dell’agire: Zeno, da buon nevrotico, non potrebbe produrre scelte, perché ciò equivarrebbe a servirsi del suo mezzo (il suo fallo) per impegnarsi, sulla base del proprio desiderio, verso un obiettivo; l’idea di un tale impegno – anche se inconsapevole – “nella” madre, avendo a fortiori liquidato il padre come rivale, produrrebbe il conflitto psichico che manterrebbe Zeno nello spettro di un’indecisione generalizzata, come bloccato il suo desiderio inconscio e il divieto morale che lo accompagna. Perché no…
Diversi commentatori, invece, tra cui Francesco Ardolino e Anne-Cécile Druet ( La psychanalyse racontée par Italo Svevo » in Savoirs cliniques, 2005/1 (n°6), pp. 75-80) , oltre a denunciare la ferocia interpretativa dell’evidenza del dottor S., vedono la presenza della psicoanalisi nella coscienza di Zeno, non come un tentativo di descrizione clinica ma come una testimonianza letteraria – in questo caso poco lusinghiera – attinente alle teorie freudiane emergenti negli ambienti intellettuali dell’epoca.
Concordo tanto più prontamente con il punto di vista di questi autori in quanto Svevo non è uno psicanalista (anche se ha letto Freud, e addirittura, sembrerebbe, abbia intrapreso intorno al 1915 una traduzione in italiano della Traumdeutung) e che Zeno tanto come il suo psicoanalista appartengono alla fantasia letteraria del loro autore. Proprio questo è il punto attorno al quale mi sembra interessante richiamare la psicoanalisi, non più su Zeno ma su Svevo stesso, non sulle possibilità di azione (le scelte) del personaggio ma sull’essere del suo autore, più in particolare da l’angolo della propria costruzione identitaria, i fondamenti familiari e il contesto storico-sociale su cui si fonda la storia della vita di Svevo, nella moltiplicazione e complessità delle questioni identitarie che la compongono. La psicoanalisi, del resto, lo sa bene: nella costruzione del soggetto, la domanda “chi sono io?” precede, costruisce e illumina quello del “come posso agire?” “. Per fare, devi prima essere.
Ecco perché cercherò di mettere in prospettiva la questione dei dubbi e delle (non-) scelte di Zeno da quella delle fondazioni identitarie di Svevo.
Propongo quindi alcune ipotesi trasversali su Zeno e il suo autore, seguendo apertamente le orme di James Joyce – amico e per un certo periodo insegnante di inglese di Svevo a Trieste – che si ispirò a quest’ultimo per il personaggio di Leopold Bloom, preso tra i fuochi della sua originaria cultura ebraica e quella adottata dal cristianesimo – nel suo capolavoro Ulisse (apparso a puntate tra il 1918 e il 1920, poi come pubblicazione integrale nel 1922).
Chi è abituato a leggermi o a seguire i miei corsi lo sa: ho poco gusto per la psicoanalisi applicata. Per spiegarlo brevemente, ritengo che molto spesso produca letture insieme troppo generali e troppo riduttive (il che è tutt’altro che un paradosso…), favorendo un’interpretazione basata sui dati teorici della psicoanalisi a scapito di una comprensione più fine dei singoli individui e delle dinamiche intersoggettive che legano i pazienti ai loro analisti a livello clinico.
La mia proposta vuole quindi essere cauta, basandosi su alcuni fatti biografici comprovati riguardanti Svevo per metterli in risonanza con elementi selezionati del romanzo, colti sul modello del discorso e delle libere associazioni di un paziente in analisi. Mi limiterò ad avanzare l’ipotesi che l’inconscio dell’autore sia all’opera nel suo romanzo, con l’intento di cercare di far luce sulle indecisioni di Zeno partendo dalla questione dell’identità del romanziere. Mi permetto, a tal fine, di portare nella mia conclusione uno sguardo all’opera di Jacques Lacan, come semplice proposizione teorica. A tal fine mi affiderò in particolare all’articolo di Jean-Pierre Cléro, “Concepts lacaniens” in Cités, 2003 / 4 (n°16), pp. 145 – 158 e su quella di Jean-Jacques Gorog, “L’identità è “dell’Altro””, in Champ lacanien, 2008/1 (N° 6), pp. 59-65.
A volte è difficile sapere cosa si vuole quando la propria identità è costruita su un crocevia di lingue, religioni, identità nazionali e culture che tutte producono. Soprattutto quando si scontrano e talvolta si scontrano, come l’Austria e l’Italia, durante il fronte italiano nelle Alpi Orientali, durante la prima guerra mondiale, e la cui città di Trieste (teatro della coscienza di Zeno e luogo effettivo di nascita del suo autore come del padre di quest’ultimo) costituiva un’importante posta geopolitica, in particolare per lo sbocco marittimo che questa città offre…
In Syllogismes de l’amertume (1987), Cioran (filosofo e scrittore di lingua rumena, divenuto autore di lingua francese dal 1949) scrive: “Non viviamo in un paese, viviamo in una lingua. Una patria è questo e niente di più. Applicata a se stesso, la formula di Cioran colpisce nel segno. Si presta altrettanto bene a Svevo, anche se scrive in italiano (peraltro punteggiato da numerose impronte del campo lessicale triestino)? Quante “patrie” visse questo cittadino austriaco fino a 57 anni (divenne italiano nel 1918 con l”unione di Trieste all’Italia) lui che nacque Aronne Ettore Schmitz, di padre ebreo tedesco fervente… patriota italiano e ammiratrice della… cultura tedesca e madre italiana della comunità ebraica di Trieste? ; lui che frequentava la scuola ebraica nella sua città natale, parlando italiano e il dialetto triestino in casa, che fu mandato per cinque anni (inizialmente a 12 anni) in un collegio in Baviera per imparare – per volere del padre – la lingua tedesca, che tornerà con infinita ammirazione per Schiller prima di diventare uno scrittore italiano ma anche – dopo la bancarotta del padre (si noti che seguì quella del nonno prima di lui e che questo tema della bancarotta attraversa la coscienza di Zeno) – un impiegato di banca che lavorare per diciotto anni per questa, prima di lasciarla per entrare nell’azienda del suocero (anche lì, come Zeno) e svolgere contemporaneamente un’attività letteraria? La finzione del romanzo si interseca con la realtà del suo autore ad ogni angolo di strada…anche sulla questione del violino (Svevo ci si era messo tardi) e della sigaretta (anche lui accanito fumatore, Svevo ne chiese un’ultima, che gli fu rifiutata, sul letto di morte, rafforzando ulteriormente la sua somiglianza con l’eroe del suo romanzo).
Agnostico, quanto il suo carattere, Svevo si convertirà però nel 1898 – anno del suo matrimonio – al cattolicesimo. Anche su Dio, però, esita… È agnostico, non ateo; si converte ma non aderisce ad alcuna fede o dottrina religiosa; non si oppone neppure, preferendo prendere le distanze dalle questioni religiose in tutte le loro forme. Al suo funerale non rivendicherà alcuna presenza religiosa: né sacerdote né rabbino. Se la sua opera non si rifà all’ebraismo, lascerà comunque per testamento parte dei suoi beni a enti di beneficenza, alcuni dei quali ebraici, imitando a modo suo il padre, Francesco, che fu membro benefattore della comunità ebraica di Trieste. Il corpo di Svevo, sarà seppellito nel piazzale cristiano del cimitero… per decisione della moglie. Sembra un episodio del suo romanzo… Sulle questioni che lo riguardano in primo piano, Svevo decide lui stesso o sono gli altri a decidere per lui? Viene da chiedersi chi esita di più, Zeno o Svevo, tanto quest’ultimo sembra di casa ovunque e da nessuna parte… come Zeno. Quando troppe identità si scontrano, a volte diventa difficile fare delle scelte, tra loro e per se stessi, a valle così come a monte.
Lo pseudonimo scelto dallo scrittore esprime altrettanto il conflitto che nasce da questa commistione di identità: cancella il carattere troppo germanico del suo cognome (Schmitz) e al tempo stesso lo evidenzia con forza, nel nome che dà se stesso, la sua identità italiana (Italo)… prima di bilanciare (anche contraddire?) questo movimento con la scelta del cognome – Svevo – (letteralmente Souabe in francese o Schwäbisch, in tedesco), in riferimento a questa regione storicamente tedesca da cui la famiglia di suo padre, come un titubanza esistenziale fondante o un desiderio di cancellare ed evidenziare nello stesso movimento la figura o il lignaggio paterno… Svevo sembra sballottato tra due lingue, due paesi, due religioni, due culture… nel modo in cui Zeno, nel difficile rapporto che ha con il padre, non sa se vuole essergli fedele (essere e fare come lui: nella sua Fede, nei suoi affari o nel fatto di fumare) o segnare una rottura con quest’ultimo. È come se l’esitazione identitaria di Svevo condannasse il suo personaggio a subire la stessa sorte della loro comune terra natale: assistere impotente mentre altri scrivono una storia che è in fondo la loro ( come l’ amara esperienza del suo ultimo incontro con Ada) .
Penso che la coscienza identitaria del personaggio (e, dietro di essa , quella dello stesso Svevo) occupi un posto centrale nel titolo del romanzo.
Il nome di battesimo del personaggio riflette questa incertezza dell’essere e dell’azione tanto quanto sembra riferirsi a Zenone di Elea e alla famosa freccia del suo paradosso tendente a dimostrare l’impossibilità del movimento (in contraddizione con i fatti empirici… come Zeno , chi raggiungerà il suo “bersaglio” diventando, quasi inconsapevolmente o contro ogni previsione, “l’uomo migliore della famiglia”?), o a Zenone di Kition, fondatore dello stoicismo, che invitava gli uomini a dare prova di saggezza accettando di sottomettersi a situazioni che sono al di là di loro. Svevo penserebbe che l’azione sia un’illusione e l’inerzia una virtù?
A differenza di Pierre Mendès France, che pensava che “governare è scegliere”, Zeno sceglie il più delle volte di non scegliere, a rischio di non sapere cosa vuole, di rimanere invischiato nelle sue contraddizioni o di vedere situazioni che gli sfuggono o si sviluppano a sua insaputa. Non riesce a definire il proprio spazio tra le sue radici identitarie e i suoi obiettivi personali. Incapace di ordinare o organizzare selettivamente (scegliere è rinunciare, parafrasando André Gide) tra le identità che lo compongono, non sa dove vuole andare. È dunque governato dalla vita, più che dalla propria.
Su questa tematica centrale delle identità e delle scelte, un punto ha colpito la mia attenzione : mi sembra che Zeno si aspetti dagli altri uno sguardo su di lui che gli dica chi è, gli dia il suo posto con loro, come una convalida che liberi lo spazio per la sua stessa azione. Lo sguardo dell’altro, infatti, lo ossessiona: cosa pensano di lui suo padre, i medici, Ada, Augusta, la loro madre, Giovanni, Carla, Guido, ecc.? Alla fine del romanzo, per fare un esempio particolarmente rappresentativo, Zeno è sconvolto nell’apprendere che Ada pensa di non essere stato un buon cognato, amico o fedele collaboratore di Guido. Quello che lei pensa ha per lui la priorità su quello che lui stesso prova per Guido, lo priva di ogni spazio per dare una risposta personale alla cognata.
Tutte queste terze persone sembrano a Zeno costruite su fondamenti che gli mancano e che danno loro l’autorità di giudicare la sua persona. Allo stesso tempo, non cerca tanto di somigliare loro, di voler imitare quello che fanno, ma sembra essere geloso di chi sono e delle certezze che ne derivano.
Questo soggetto si unisce parossisticamente alla questione dell’autorità, in particolare nel rapporto del personaggio con le figure maschili: suo padre, certo, ma anche il suo psicanalista, i vari medici che incontra, suo suocero, suo cognato, ecc. Ai miei occhi, queste relazioni traducono non tanto una rivalità inconscia (nel senso edipico del termine) di un figlio nei confronti del padre, quanto una ricerca di identità (conflittuale o ambivalente) di cui egli ritiene che questa terza persona abbia la chiave. Possiamo qui permetterci di pensare che Svevo avrebbe inizialmente rivolto (almeno inconsapevolmente) questa richiesta al proprio padre.
L’atteggiamento di Zeno nei confronti dei terzi rimane quindi segnato dal sigillo dell’ambivalenza: invece di trarre ispirazione dai loro modelli (o rifiutarli in riferimento ad altri…), affidandosi a loro, per agire con loro, riesce sempre a mantenere una differenza di piano tra sé e gli altri. A volte si assesta in una posizione di sottomissione che sembra aver iniziato, come qui: “Piuttosto che sperare in miracoli, correvo a queste sedute sperando di convincere il dottore a non fumare. . “. Altre volte ritiene coloro che esercitano l’autorità responsabili delle conseguenze delle loro scelte, come quando suo padre muore quando gli grida all’orecchio: “Non è colpa mia!” È stato quel dannato dottore che voleva che tu ti sdraiassi».
Se la posizione di Zeno nei confronti del terzo è il più delle volte passiva, è forse perché si aspetta che il padre gli indichi la via da seguire, che sia dispensatore di una parola sufficientemente strutturante e organizzatore perché egli stesso smetta di dubitare . Ma questo padre, “debole ma buono”, come lo definisce Zeno, non sembra all’altezza di tale ruolo, come mostra l’esempio che segue. In un passo del romanzo, il dottore aveva appena proibito severamente a Zeno di fumare. Si legge allora: “Quando il dottore se ne fu andato, mio padre (…) mi fece compagnia per un po’, un grosso sigaro in bocca. Mentre mi lasciava, mi passò gentilmente la mano sulla fronte in fiamme e disse: “Non fumare, eh!” “. In sistemica, questo è chiamato “doppio legame”.
È da questo padre “debole e buono” che Zeno si aspetta ciò che è del tutto incapace di dare. Ipotizzando ciò che appartiene a Svevo e al suo carattere, si potrebbe dire che posto su fondamenti identitari molteplici e mutevoli nonché di fronte a modelli di azione contraddittori (il fumo fa bene o fa male?), il figlio si troverà a vagare tra i suoi dubbi, vagliando ogni possibilità prima di fare il contrario, per non sceglierne infine nessuno e lasciare che siano gli altri a decidere per lui. A volte non basta un padre “debole e buono” per mettere il figlio sulla strada della vita…
I rappresentanti di un potere diverso da quello del padre – le persone che Zeno incontra sul piano sociale in particolare – sono per lui sostituti incapaci di sostituire l’originario. Ci si potrebbe chiedere, a questo proposito, se Sigmund Freud (ebreo ma non credente, austriaco e nato in Moravia… terra sveva…) non avesse per un certo tempo attirato l’interesse di Svevo per motivi puramente proiettivi piuttosto che per l’interesse per la sua scoperta della psicoanalisi ? Tradurre Freud in italiano potrebbe quindi essere inteso, da parte di Svevo, come un tentativo di mettere insieme le lingue, le culture e le identità che si agitano dentro di lui. Come traduttore, Svevo si connette per non perdere; per sovrapposizione, fa sentire l’italiano dal tedesco, probabilmente aggiungendo anche inconsapevolmente questioni di ebraicità, fede, autorità e suo riconoscimento, ecc. Come suo padre, Svevo “assimila”, include, sovrappone ma non sceglie. Tradurre la Traumdeutung avrebbe allora per lui più significato del contenuto del libro di Freud, come se cercasse di mettere insieme i pezzi di un puzzle di identità personale piuttosto che voler comprendere la proposizione a cui conduce il pensiero. sono stati assemblati e assimilati (nel senso di integrazione e non di adattamento). Il libro di Freud ovviamente non poteva portare Svevo all’uscita dal labirinto dell’identità personale in cui si vedeva rinchiuso, rifiuterà la psicoanalisi e il suo autore, come fa Zeno del suo psicanalista o vari altri medici, continuando a cercare e da altri media la pezzi del suo puzzle immaginario.
Un esempio di tutti questi problemi è fornito dalle ruminazioni ipocondriache di Zeno quando confronta il suo atteggiamento o la sua opinione sui temi della fede, dell’autorità e della salute con quelli di sua moglie:
“Di domenica essa andava a Messa ed io ve l’accompagnai talvolta per vedere come sopportasse l’immagine del dolore e della morte. Per lei non c’era, e quella visita le infondeva serenità per tutta la settimana. Vi andava anche in certi giorni festivi ch’essa sapeva a mente. Niente di piú, mentre se io fossi stato religioso mi sarei garantita la beatitudine stando in chiesa tutto il giorno. C’erano un mondo di autorità anche quaggiú che la rassicuravano. Intanto quella austriaca o italiana che provvedeva alla sicurezza sulle vie e nelle case ed io feci sempre del mio meglio per associarmi anche a quel suo rispetto. Poi v’erano i medici, quelli che avevano fatto tutti gli studi regolari per salvarci quando – Dio non voglia – ci avesse a toccare qualche malattia. Io ne usavo ogni giorno di quell’autorità: lei, invece, mai. Ma perciò io sapevo il mio atroce destino quando la malattia mortale m’avesse raggiunto, mentre lei credeva che anche allora, appoggiata solidamente lassú e quaggiú, per lei vi sarebbe stata la salvezza.”
Zeno, si vede, vive nel dubbio e nella paura perché non può contare su nessun terzo che lo salvi, lo assista o lo rassicuri a sufficienza. L’autorità dei dignitari religiosi, delle forze amministrative austriache o italiane, dei medici, ecc. dà fiducia solo a chi lo riconosce nell’intimità familiare che lo lega ad esso. Frequentando le comunità più di quanto ne faccia parte, Zeno non può pretendere nulla dall’autorità che le governa né beneficiare dei vantaggi che ne derivano per i suoi membri.
Anche le conseguenze, reali o immaginarie, derivanti dalle sue azioni sembrano rimandarlo al suo stato marginale. Il senso di colpa, in particolare, accompagna l’indecisione del personaggio: se non c’è dubbio su di chi sia stata l’iniziativa del suo rapporto extraconiugale con Carla, quest’ultima convive nella mente di Zeno nella coppia che lei compone con la moglie, calamitando ciascuna la sua mente quando è con l’altro: “Proprio lì, accanto a Carla, ho sentito rinascere tutto il mio amore per Augusta”.
Zeno gli dà l’impressione di un uomo perso su un ponte, indeciso a raggiungere l’altra sponda… perché non vuole rischiare di perderne uno raggiungendo l’altro. Eccone uno stralcio che unisce i temi della colpa, della scelta, dell’angoscia della perdita e lo sguardo su di lui: “ – Ti stavo aspettando. Tu eri il cavaliere che doveva venire a salvarmi. Certo, non va bene che tu sia sposato, ma siccome non ami tua moglie, so almeno che la mia felicità non distrugge quella di un altro. (…) Dunque non avevo esagerato l’importanza delle mie sconsiderate parole! Era stata la mia bugia che aveva deciso che Carla diventasse la mia amante! Se le parlassi adesso del mio amore per Augusta, avrebbe il diritto di rimproverarmi di averla tradita”. Senza voler perdere la sua amante, crea comunque le condizioni che la faranno precipitare tra le braccia del suo insegnante di canto. Raccogliendo ciò che ha seminato, attribuirà però a Carla la responsabilità della rottura di cui si considera vittima. A forza di non voler perdere nulla, Zeno non può andare avanti nella vita gli altri L’altro, in fondo, non gli serve, non più di se stesso, del resto…
L’intero romanzo può essere visto come la ripetizione del modulo di cui abbiamo appena attraversato le principali articolazioni. Senza voler offrire una lettura esaustiva del caso Zeno basata sull’opera di Lacan – anche perché non ne ho l’autorità e la mia pratica tanto quanto il mio impegno intellettuale sono freudiani – trovo che il romanzo di Svevo offra una risonanza di interessante alle teorie nato da questo autore.
Traendo ispirazione dalla nozione freudiana di pulsione, il cui studio parte nella vita infantile, così come da quello dell’oggetto transizionale sviluppato da Donald Winnicott, Jacques Lacan descrive come “oggetto a” (leggi “a minuscola”) l’oggetto generatore del desiderio. Questao produrrebbe così il desiderio ma non potrebbe soddisfarlo, né sul piano fisico, né su quello simbolico (del linguaggio), perché non trova appoggio in nessun oggetto fisico e non si confonde né con il desiderio né con se stesso. Una meravigliosa illustrazione cinematografica di questo principio si trova in Luis Buñuel, ad esempio, in “Quell’ oscuro oggetto del desiderio” (1977).
Lacan propone l’idea che siccome il desiderio è nascosto alla coscienza – il che significa anche che non può essere simbolizzato o messo in parole – il suo oggetto traduce una mancanza d’essere, il cui aggiornamento – attraverso il trattamento psicoanalitico – permetterebbe al paziente di uscire dalla sua alienazione. Quest’ultima trarrebbe origine dalla richiesta d’amore rivolta alla madre dal bambino (di cui lei sola potrebbe in tempi trascorsi essere dispensatrice), come valore aggiunto alle cure materne (soprattutto alimentari). Successivamente, questa richiesta verrebbe indirizzata a un insieme di terzi dal linguaggio senza che nessun oggetto “reale” possa corrispondere a questo desiderio originario o soddisfarlo.
La “mancanza di essere” di Zeno si rifletterebbe così nelle sue ripetute richieste (d’amore) verso le persone, incapaci di esaudirle. Tutti conosciamo la famosa definizione di amore di Lacan: “è dare ciò che non si ha a chi non lo vuole”…
Se è ovviamente possibile immaginare – seguendo Lacan – che la madre primitiva avrebbe incarnato per Zeno/Svevo questo oggetto arcaico perduto per sempre (di cui rimarrebbe solo la perdita, il vuoto, l’assenza o la mancanza), penso, da parte mia, che troviamo un duplicato significativo di queste domande da parte paterna, attorno ai temi dell’identità e della filiazione come premesse di una possibilità di azione e di scelta.
Allo stesso modo, l’alienazione di Zeno, e in particolare la sua dipendenza dal tabacco, farebbero parte di questo stesso cordone ombelicale che lo legherebbe al mistero delle sue origini, la cui perdita tanto quanto i sintomi che produce gli pongono un serio problema. Tagliare quel cordone (rispetto al padre, smettere di fumare, ad esempio, o subire la morte del padre) equivarrebbe in qualche modo a morire lui stesso, tanto più che ogni scelta che potrebbe compiere viene vissuta anche dal protagonista del romanzo come una perdita, un una rinuncia, un allontanamento e infine un impegno nella morte (la perdita della salute è la grande paura di Zeno…). Potremmo affermare il paradosso che non vive (per vivere bisogna fare delle scelte…) per paura di morire. Se seguiamo Lacan, Zeno potrebbe uscire dal processo di alienazione solo facendo propria la verità della mancanza indefinibile prodotta dall’inizio della vita.
Erede del suo lavoro sullo stadio di specchio, la nozione di “piccolo altro” – genericamente definito come “l’altro” (con la a minuscola) – traduce in Lacan l’immagine confusa con la persona; è un riflesso (come quello prodotto dallo specchio) e una proiezione dell’ego. Appartiene al campo che Lacan qualifica come immaginario e partecipa alle identificazioni del soggetto da parte delle immagini e del linguaggio usato per designarle. Il “piccolo altro” si trova in associazione con i suoi simili; è l’altro, il terzo umano, come generalmente inteso in psicologia, che Lacan dice essere preso per l’immagine che un soggetto ne percepisce. Magritte, prima di Lacan, nella serie di quadri intitolata “Il tradimento delle immagini” (1928-1929) illustrava già magistralmente la trappola a cui ci espone l’immaginazione.
Cosa riflette, ad esempio, per Zeno il suo desiderio di sposare una delle figlie di Giovanni Malfenti, quando non ne aveva ancora incontrata nessuna? Cosa sono e chi sono, insieme e separatamente, al di là dell’immagine che se ne fa? Ad esempio, chi è davvero sua moglie per lui se non si esclude il fatto che gode di buona salute e sa rassicurarlo come una madre premurosa? Forse poco se si pensa che il Simbolico (il linguaggio) e l’Immaginario fanno scambiare la rappresentazione per il Reale.
Ma è soprattutto la nozione di “Grande Altro” – generalmente indicata con “Altro” (con la A maiuscola) – che trovo interessante mettere in relazione con le difficoltà che Zeno incontra.
L’Altro è l’ordine simbolico trascendente che definisce il soggetto, il luogo della parola (dove nasce il discorso), del significante, della mancanza dell’essere. È lo spazio in cui si costituisce il soggetto; non deve quindi essere confuso con alcuna terza persone. Preesistente al discorso degli individui, è il linguaggio, come struttura simbolica essenziale, superiore e anteriore a qualsiasi singola persona dotata di parola. Contrariamente all’altro, l’Altro non partecipa dunque ad una soggettivazione di un soggetto attraverso l’intervento di un terzo. Se il “piccolo altro” così come il “grande Altro” sono per Lacan istanze a cui il soggetto può rivolgersi parlando, solo il secondo – l’Altro – disporrebbe per il parlante del potere di confutare o confermare il suo discorso. Così quando Lacan scrive che “il desiderio dell’uomo è il desiderio dell’Altro”, sottolinea che nel desiderio c’è la necessità di essere riconosciuto dall’Altro, cioè di essere inscritto da esso nell’ordine del significante, di lingua. Non potrebbe questo essere quello che tormenta la coscienza di Zeno?
Quest’ultimo produrrebbe così, seguendo la metafora lacaniana della ruota del mulino, un discorso che sfugge al suo interlocutore tanto quanto lo espone alla frustrazione da parte dell’oggetto del suo desiderio che gli sfugge altrettanto. Sarebbe, come ognuno di noi, un mulinatore di parole in attesa che le sue parole raggiungano un oggetto che lui stesso non identifica e che costantemente sfugge al suo desiderio. Se, per usare il celebre aforisma di Lacan, «l’inconscio è il discorso dell’Altro», Zeno conoscerebbe solo l’altro (prodotto dall’immaginario e assimilato dall’identificazione) ma non l’Altro (che fa parte di un’alterità radicale che trascende immaginazione). Zeno si aspetterebbe dall’altro (dal pari umano) una determinazione identitaria che solo l’Altro potrebbe offrirgli fissandolo nel suo essere attraverso il linguaggio e la legge. L’Altro sarebbe allora questo terzo da cui Zeno attende di essere designato per vedersi iscritto nella sua identità? Sarebbe questa autorità la cui autorità non contesterebbe, perché sarebbe assoluta e non relativa (come quella che l’altro produce come semplice parlante, o nell’ambito della sua funzione)? L’Altro sarebbe dunque il vero significato delle parole di Zeno/Svevo? Un significato insieme inconscio (per Zeno) e trascendente (in quanto tale) da cui Zeno si aspetterebbe la sua iscrizione radicale al di là di ogni relatività (di contesti o di parlanti)? Al di là della figura del medico e del fatto di fumare (o meno), si potrebbe sentire l’eco di tale richiesta in questa frase di Zeno che suona come un auspicio di liberazione: “il medico mi ordinò di stare a letto e di astenermi dal fumare: divieto assoluto. Ricordo quella parola: assoluto! »